On connait déjà la vaste culture cinéphile de Martin Scorsese. Il n’est donc guère étonnant que durant le premier confinement de 2020, le réalisateur anglais Edgar Wright (Shaun of the Dead, Last Night in Soho,…), à la recherche de films à regarder, lui ait demandé « quels avaient été ses films britanniques préférés durant ses jeunes années » et quels étaient les films à voir selon lui. On n’est pas plus surpris que Scorsese lui ait répondu par une liste de 50 films sortis entre 1927 et 1987.

Edgar Wright a partagé cette liste sur son compte Twitter en février 2021. Une liste qui est évidemment très intéressante à étudier de plus prêt. Attention, ils ne s’agit pas donc des 50 meilleurs films britanniques selon Scorsese mais de ceux qui l’ont marqué durant les années où il se construisait en tant que cinéphile et cinéaste. Scorsese répond avec une liste de  films sortis entre 1927 et 1987 qu’il lui conseille de voir s’il ne les a pas déjà vus.

Il faut aussi prendre en considération que Scorsese s’adresse à un autre cinéaste et cinéphile. Donc non il ne va pas recommender de films de Hitchcock ou de Michael Powell (car il estime que ceux-ci sont déjà vus). De même pour les grandes comédies classiques de Ealing, etc…

Dans ses choix éclectiques, Scorsese a voulu de toute évidence éviter les choix trop évidents, citant ainsi deux films d’Anthony Asquith (« Shooting Stars », « Underground« ) comme les deux films britanniques les plus anciens qui l’ont marqué.

Alors évidemment, le premier réflexe est de regarder les réalisateurs qui sont le plus souvent cités. Ca donne une direction. Donc pas de Hitchcock, ni de Powell, David Lean est cité deux fois pour deux films de sa première époque (The Happy Breed » et  « The Sound Barrier »). Quant à Joseph Losey il est cité pour son film de SF tourné pour la Hammer « The Damned« .

Dans cette liste ce sont les outsiders qui sont mis en avant : Terence Fisher (6 films), Basil Dearden (5 films), Seth Holt (4 films alors qu’il en a tourné que 6 films !) et John Gilling (2 films),… Et les genres retenus sont principalement le polar et l’horreur.

On retrouve aussi une sur représentation du fabuleux Jack Clayton, qui en tout n’a réalisé en tout et pour tout que 5 films britanniques mais dont trois d’entre eux sont dans cette liste (« The Innocents« , « The Pumpkin Eater » et « The Lonely Passion of Judith Hearne« ).

Niveau studios, la sélection de Scorsese met en avant deux studios indépendants britanniques de la grande époque : Ealing Studios et la Hammer. Mais dans les deux cas il ne nomme pas les classiques attendus mais d’autres. La seule comédie classique des studios Ealing nommée ici est « Hue and Cry » qui se trouve d’ailleurs être la première. Sinon Scorsese cite les anthologies fantastiques « The Halfway House » (1944) et « Dead of Night » (1945), le film de propagande « Went the Day Well? »  (1942), le thriller « Pink String and Sealing Wax » (1945), le polar noir « It Always Rains on Sunday » (1947), le drame sur une enfant sourde « Mandy » (1952) ou encore le quasi documentaire sur la police londonienne de proximité « The Blue Lamp » (1950).

De même pour la Hammer qui est ici devant Ealing, le studio le plus représenté (dix films si mon compte est bon). Si Scorsese cite cinq fois Terence Fisher (le réalisateur des classiques gothiques de la Hammer), il le nomme ici pour un polars co-produit par la Hammer et Lipert Films (« The Stolen Face »), deux films de SF de la Hammer (le thriller « Spaceways » et la romance « Four Sided Triangles »), ou encore son moyen métrage sur les dangers de la boisson au volant (« To The Public Danger » pour la Rank).

Et Scorsese retient sinon du studio Hammer les thrillers « The Snorkel« , « The Nanny » et « Taste of Fear » et le film de SF « Quatermass and the Pit » (1968).  Parmi les films gothiques de Fisher, Scorsese retient quand même « The Devil Rides Out » (1968). Deux autres films gothiques de la Hammer sont toutefois cités : « Dr Jekyll and Sister Hyde » (1971) et « Plague of the Zombies » (1966).

Dernier studio classique représenté dans la liste, Gainsborough Pictures célèbre pour ses mélodrames flamboyants. Scorsese cite ici le classique « The Man in Grey » (1943) et plus étonnamment le kitchissime « Madonna of the Seven Moons » (1945).

De façon assez remarquable, on trouve dans cette liste un téléfilm de la BBC « Whistle and I’ll Come To You » (1968) réalisé par Jonathan Miller et adapté de MR James. Il fait aussi allusion à un semi documentaire qui l’a captivé sur les « Enfield Hauting ». J’aurais tendance à supposer qu’il parle de la mini série récente de la BBC, « The Enfield Haunting » (2015) mais difficile d’en être sûr.

Globalement, la liste est composée de films connus aux amateurs de cinéma britannique, mais  quelques films rares sont à noter : « Brief Ecstasy » (1937), « Uncle Silas » (1947), « Station Six Sahara » (1963) ou les premiers films de Terence Fisher.

Par la suite, Edgar Wright a pris la plume pour conseiller quelques titres à Scorsese, et Tarantino a fait une liste de dix films (je vous en parle dans un article suivant).

VOICI LA LISTE COMPLETE DES FILMS RECOMMANDÉS PAR MARTIN SCORSESE DONT UN CERTAIN NOMBRE SONT DÉJÀ CHRONIQUÉS SUR CE SITE

« Shooting Stars » (1927) réalisé par par Anthony Asquith

« Underground » (1928) réalisé par Anthony Asquith

« Brief Ecstasy » (1937) réalisé par Edmond T Gréville

« Went the Day Well? » (1942) réalisé par Alberto Cavalcanti

« The Man in Grey » (1943) réalisé par Leslie Arliss

« The Halfway House » (1944) réalisé par Basil Dearden

« This Happy Breed » (1944) réalisé par David Lean

« The Seventh Veil » (1945) réalisé par Compton Bennett

« Dead of Night » (1945) réalisé par Alberto Cavalcanti, Charles Crichton, Basil Dearden, Robert Hamer

« Madonna of the Seven Moons » (1945) réalisé par Arthur Crabtree

« Pink String and Sealing Wax » (1945) réalisé par Robert Hamer

« Green for Danger » (1946) réalisé par Sidney Gilliat

« It Always Rains on Sunday » (1947) réalisé par Robert Hamer

« Uncle Silas » réalisé par Charles Frank (1947)

« Hue and Cry » (1947) réalisé par Charles Crichton

« To the Public Danger » (1948) réalisé par Terence Fisher

« The Queen of Spades » (1949) réalisé par Thorold Dickinson

« The Blue Lamp » réalisé par Basil Dearden (1950)

« So Long at the Fair » réalisé par Terence Fisher, Antony Darnborough (1950)

« The Sound Barrier » (1952) réalisé par David Lean

« Stolen Face » (1952) réalisé par Terence Fisher

« Mandy » (1952) réalisé par Alexander Mackendrick

« Spaceways » (1953) réalisé par Terence Fisher

« Four Sided Triangle » (1953) réalisé par Terence Fisher

« The Good Die Young » (1954) réalisé par Lewis Gilbert

« Yield to the Night » (1956) réalisé par J Lee Thompson

« Nowhere to Go » (1958) réalisé par Seth Holt

« The Snorkel » (1958) réalisé par Guy Green

« Sapphire » (1959) réalisé par Basil Dearden

« The Flesh and the Fiends » (1960) réalisé par John Gilling

« Taste of Fear » (1961) réalisé par Seth Holt

« The Innocents » (1961) réalisé par Jack Clayton

« Station Six Sahara » (1962) réalisé par Seth Holt

« Night of the Eagle » (1962) réalisé par Sidney Hayers

« The Damned » (1963) réalisé par Joseph Losey

« The Mindbenders » (1963) réalisé par Basil Dearden

« The Pumpkin Eater » (1964) réalisé par Jack Clayton

« Guns at Batasi » (1964) réalisé par John Guillermin

« The Nanny » (1965) réalisé par Seth Holt

« A High Wind in Jamaica » (1965) réalisé par Alexander Mackendrick

« Plague of the Zombies » (1966) réalisé par John Gilling

« Quatermass and the Pit » (1967) réalisé par Roy Ward Baker

« Whistle and I’ll Come To You » (1968) réalisé par Jonathan Miller

« The Devil Rides Out » (1968) réalisé par Terence Fisher

« Dr Jekyll and Sister Hyde » (1971) réalisé par Roy Ward Baker

The Asphyx (1972) réalisé par Peter Newbrook

« The Legend of Hell House » (1973) réalisé par John Hough

Vampyres (1974) réalisé par José Ramón Larraz

« The Long Good Friday » (1980) réalisé par John Mackenzie

« The Lonely Passion of Judith Hearne » (1987) réalisé par Jack Clayton