Un très chouette film criminel horrifique, tout en ironie, dans la tradition du mélodrame victorien, porté par la star du genre, Tod Slaughter

The Crimes of Stephen Hawke (1936)

Réalisé par George King

Ecrit par Paul White d’après la pièce de Frederick Hayward

Avec Tod Slaughter, Marjorie Taylor, D.J. Williams, Eric Portman, Norman Pierce,…

Direction de la photographie : Ronald Neame / Direction artistique : Philip Bawcombe / Montage : John Seabourne Sr./ Musique : Colin Wark

Produit par George King

Crime / Horreur

69mn

UK

Le film s’ouvre sur un micro. Nous sommes dans un studio de radio. Le duo Flotsam et Jetsam donnent un numéro de music hall où ils chante en vers l’actualité du jour. Il y a un moment amusant où ils commentent l’arrivée d’Hollywood qui a enfin découvert l’Angleterre. Pour être franc, cela faisait déjà plus de 20 ans que les Américains inondaient le marché britannique de leurs productions. Warner Bros s’est installé dès 1931, mais en 1936 justement, MGM fonde sa filiale MGM British qui s’installe dans les studios de Denham tout juste ouverts par Alexander Korda. Ils produiront quelques classiques avant guerre dont « Goodbye, Mr Chips » (1939).

Et là, vous me direz, bon il commence quand le film ? Pas tout de suite. Le présentateur en accueille un deuxième invité du studio, un boucher pour chat (!) qui raconte, avec un fort accents des quartiers populaires, comment il a été trainé devant la justice par la femme d’un tenancier de pub à la retraite après avoir donnée à manger son chat de la viande de cheval de courses, ce qui aurait détérioré le comportement du dit chat !

Mesdames et Messieurs, vous l’attendiez tous et il arrive :

  • Loin du massacre de chevaux, un autre massacre (Slaughter » en anglais), le bien connu acteur de bon vieux mélodrames, Mr Tod Slaughter ! Mr Slaughter a assassiné des milliers de gens et a été pendu autant de fois. Sur la scène, bien sûr.

  • Oui et je suis toujours vivant pour le raconter. Dans ma carrière, j’ai assassiné des centaines et des centaines de gens et j’ai rencontré une fin difficile plus de fois que je veux bien m’en souvenir.

  • Avez-vous une méthode préférée ?

  • Je garde l’esprit ouvert sur le sujet. J’assassine par étranglement, empoisonnement, avec un pistolet, un couteau, ou encore un rasoir »

Tod Slaughter cite alors à titre d’exemple deux de ses classiques « Maria Marten or The Murder in the Red Barn » et « Sweeney Todd, the Demon Barber of Fleet Street« , tout juste portés à l’écran. Mais « la demande de nourriture solide (« strong meat », viande forte, en anglais !) est telle » que cette fois-ci, annonce-t-il l’air triomphant, il revient avec un « nouveau vieux mélodrame ». Une expression qui surprend le présentateur. Mais qu’importe. Slaughter répond par un « Certainement ! ». Et pour illustrer son propos, il présente avec un sourire gourmand dont il a le secret son nouveau méchant : Stephen Hawke qui « terrorise la campagne afin que tous les enfants, femmes et hommes ne connaissent jamais la tranquillité d’esprit, ni la sécurité. »

Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Hawke commence très fort en assassinant un jeune garçon, fils d’aristocrate, dans le parc du manoir familial ! Pour ce qui est de la méthode, elle est originale. Car si dans la vie de tous les jours, il est connu comme un vieux prêteur sur gages qui a pour clients des célébrités et des aristocrates, qui porte des lunettes et marche avec une canne, il est aussi un assassin, tristement célèbre sous le surnom du « Spine breaker », qui d’une poigne de fer rompt la colonne vertébrale de ses victimes !

Stephen Hawkes n’a qu’une faiblesse, sa fille, la douce Julia (Marjorie Taylor) qui doit fêter ses 18 ans lors d’une grande fête. Hawkes voit avec désapprobation les jeunes gens courtiser sa fille, ayant peur qu’on lui la vole. Et notamment le fils de son collègue, le jeune Matthew (Eric Portman). A l’approche de la fête, Hawkes commence à prendre trop de risques et le voici parti dans une série de meurtres.

Ne vous effrayez pas, les meurtres sont commis hors écran, le cri de la victime venant annoncer sa triste fin. Et évidemment le vil personnage mourra à la fin du film, mais le sourire aux lèvres, heureux car malgré tous ses crimes, sa fille l’aime toujours ! Car il y a toujours de l’ironie, des petits mots d’humour chez Slaughter. Il a la perversité souriante ! Dernier petit clin d’oeil humoristique, une fois l’histoire finie, nous retournons en studio. Gros plan sur le micro. On entend un ronflement. Tod Slaughter regarde le présentateur qui dort dans un fauteuil. Il tourne les talons et s’en va. Fin.

Aux côtés de Tod Slaughter, les physionomistes reconnaitront Eric Portman, qui avait déjà tourné l’année précédente dans « Maria Marten… » et qui allait devenir une star grâce à Powell et Pressburger durant la première moitié des années 40 (« One of Our Aircraft Is Missing » en 1942, « A Canterbury Tale » en 1944,…)

Dans le genre du « mélodrame victorien » à connotations horrifiques, alors déjà désuet mais qui rencontrait alors encore un joli succès dans les quartiers populaires et en province, Tod Slaughter s’est imposé comme le digne représentant d’une longue tradition, qui grâce à lui, a été portée sur grand écran !

Coffret Blu-ray UK. Studio Indicator PowerHouse (2023) « The Criminal Acts of Tod Slaughter ». Version originale avec des sous-titres optionnels en anglais. Bonus : commentaire audio avec David McGillivray et Kim Newman.