Comédie dramatique:
Michael Powell et Emeric Pressburger

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5
On 15 janvier 2023
Last modified:15 janvier 2023

Summary:

Un film de Powell et Pressburger méconnu mais qui, par son excentricité et sa complexité thématique, se classe parmi les meilleurs films du duo 

Un film de Powell et Pressburger méconnu mais qui, par son excentricité et sa complexité thématique surprenante, se classe parmi les meilleurs films du duo 

A Canterbury Tale (1944)

Ecrit, réalisé par Michael Powell et Emeric Pressburger

Avec Eric Portman, Sheila Sim, Dennis Price, John Sweet, Freda Jackson,…

Direction de la photographie : Erwin Hillier / Production Design : Alfred Junge / Montage : John Seabourne Sr / Musique : Allan Gray

Produit par par Michael Powell et Emeric Pressburger pour The Archers

Comédie dramatique

124mn

UK

J’avoue avoir mis du temps à regarder « A Canterbury Tale », film qui trône pourtant depuis une dizaine d’années sur mes étagères parmi les autres sublimes coffrets DVDs consacrés à Michael Powell et sortis par l’institut Lumière au début des années 2000 (Le voyeur, Colonel Blimp,…) et le seul je crois bien à n’avoir pas été réédité en blu-ray par Carlotta.

Parfois vous mettez de côté un film sans savoir vraiment pourquoi. Ce n’est pas le plus connu de la collaboration Powell / Pressburger et peut-être avais-je peur d’être déçu. Ce qui est irrationnel car depuis le début de leur collaboration en 1939, les deux artistes ont enchainé les chefs d’oeuvres, et leur collaboration pendant la seconde guerre mondiale est aussi iconoclaste que brillante.

Iconoclaste, excentrique, à la fois épique et tellement personnel,… « A Canterbury Tale » est justement tout ça et un parfait exemple de leur travail, avec en plus un aspect très personnel pour Powell lui-même qui filme pour la première et unique fois le Kent et Canterbury où il a vécu une partie de son enfance.

Malgré le contexte et les obligations de propagande, Powell et Pressburger ont réussi à tourner pendant la seconde guerre mondiale des films éminemment personnels et sur des sujets pour le moins étonnants.

Ici Bob (John Sweet) un soldat américain, Peter (Dennis Price) un soldat anglais et Alison (Sheila Sim) une jeune londonienne engagée pour travailler à la ferme collaborent ensemble pour résoudre une énigme des plus étranges : dans le village où ils débarquent tous ensemble un soir, Sheilla se fait agresser par un mystérieux « colleur » (glue man) qui s’en prend régulièrement aux jeunes femmes la nuit pour répandre de la colle dans leurs cheveux !

Une ode à la collaboration entre Américain et Britanniques dans la campagne anglaise, un portait d’une jeune femme de la nouvelle génération qui avec la guerre acquiert une liberté nouvelle, une critique amusée d’une certaine Angleterre traditionaliste qui se referme sur son passé et qui manque parfois d’ouverture, un chemin spirituel et personnel sur fond du fameux pèlerinage de Canterbury qui dure depuis plus de 600 ans, une enquête sur un mystérieux serial-colleur, « A Canterbury Tale » est tout ça à la fois !

Avec ses longs plans complexes et un éclairage très travaillé qui frôlent de faire passer le film dans le fantastique éthéré, ses changements abrupts de ton, « A Canterbury Tale » est un film d’une complexité parfois déstabilisante. Mal reçu à sa sortie, mal aimé par Powell lui-même qui a passé le tournage dans un état second suite à sa rupture douloureuse avec Deborah Kerr (qu’il voulait pour le rôle principal féminin), il s’agit ici pourtant d’un film majeur dans la filmographie d’un cinéaste majeur.

Eric Portman, un acteur fétiche de Powell, est parfait d’ambiguïté dans le rôle énigmatique du magistrat du village. Evidemment on ne peut que saluer la prestation débordante de naturel du sergent John Sweet qui joue ici plus ou moins son propre rôle dans le film (prêté par l’armée américaine pour le tournage, il faisait ses débuts dans la caméra et retournera ensuite poursuivre sa carrière de professeur dans l’Ohio). Mais c’est surtout Sheila Sim (qui épousera l’années suivante Richard Attenborough) qui crève l’écran dans son portrait sensible d’une jeune femme, endeuillée par la disparition de son fiancé, mais lumineuse et volontaire.

Si comme moi, vous êtes passé à côté de ce chef d’oeuvre de Powell et Pressburger, je vous encourage à le découvrir dans les meilleurs délais. On peut encore trouver le coffret DVD de l’institut lumière d’occasion. La qualité d’image très correcte (pour du DVD et vu l’âge du film) et le coffret comprend un DVD consacré aux bonus plus un livret, tous indispensables.

Coffret DVD FR. Studio Institut Lumière (2005). Version originale sous-titrée en français et version française. Bonus : interviews de Bertrand Tavernier, Thelma Schoonmaker Powell, John Sweet, Charles Drazin,…