Norman J. Warren (1942-2021) est un cinéaste peu connu pour ceux qui ne s’intéressent pas vraiment au cinéma de genre, et d’horreur plus spécifiquement. Et pour cause, l’essentiel de sa filmographie, consiste en des séries B ou Z à petit budget, réalisées pendant l’une des périodes les plus difficiles traversée par le cinéma britannique, les années 70.

L’argent américain s’est brutalement tari à la fin des années 60. Au niveau horreur, la Hammer vit ses dernières heures. Sur ce marché autrefois de niche, les productions américaines, plus graphiques et plus audacieuses font la loi. Quelques cinéastes voguent dans les deux genres encore rentables, les films pseudo érotiques et les films d’horreur, le tout avec un budget minimum. Ce sera notamment le cas de Peter Walker et… de Norman J. Waren.

Son court métrage « Fragment » (1965) est remarqué par le distributeur d’origine indienne Bachoo Sen qui veut se lancer dans la production. En 1968, il signe deux « sex dramas », des drames qui permettent de montrer des jeunes femmes dénudées, « Loving Feeling » et « Her Private Hell« . Les films rencontrent un certain succès dans le west end de Londres, mais il ne touche rien sur les bénéficies. Il décline un troisième film pour Sen, travaille comme monteur et cameraman, tout en désespérant d’intéresser des studios à ses projets de film. En vain. Un projet de film « The Naked Eye » avec Vincent Price pour AIP tombe à l’eau.

En s’inspirant des films d’horreur américain sans budget de Roger Corman (tel « Panic in Year Zero » en 1962), Warren décide avec son ami Les Young de se lancer en indépendant, produisant de A à Z un film avec le moyens du bord. Warren recrute alors le jeune scénariste et critique David McGillivray pour leur pondre en un temps record une histoire de sorcellerie, alors à la mode.

« Evil Heritage » (qui sortira finalement sous le titre de « Satan’s Slave »  en 1976) part avec une corde à son arc, un acteur renommé. Warren a réussi à décrocher la participation pour 300£ de l’acteur Michael Cough, figure prolifique du théâtre et du petit et grand écran britanniques. Rajoutez à ça la belle et talentueuse Candace Glendenning, un manoir inquiétant et une sombre histoire de sorcières transporté dans l’Angleterre contemporaine (c’est mieux, pas besoin de costumes – d’ailleurs même Cough apporte ses propres habits !), et vous avez un mélange prometteur. Après des première séances destinées aux distributeurs, il est décidé de retourner quelques scènes plus gore afin d’intéresser le marché international. Warren se fait avoir par un distributeur véreux mais cette fois-ci au moins il ne perd pas d’argent !

Après le  succès respectable de « Satan’s Slave », Warren est approché rapidement par un assistant réalisateur expérimenté, Terry Marcel. Il lui propose de tourner un film à petit budget en profitant de 10 jours d’inoccupation aux réputés Studios de Shepperton. Marcel a une idée de scénario avec un extra terrestre et un couple lesbien. Il demande à un jeune journaliste d’en tier vite fait bien fait un scénario. Et il réunit 50.000 livres avec plusieurs techniciens professionnels ayant travaillé sur « The Pink Panther Strikes Back », 1976). Trois semaines après leur premier contact, Warren est prêt à filmer. Le film de SF horrifique « Prey » (1977) est rapidement dans la boite, mais là encore le contrat de distribution n’est guère satisfaisant.

En novembre 1977, Warren découvre un film d’horreur qui va le marquer profondément, le sublime « Suspiria » de Dario Argento. Warren signe une première version d’un scénario qui pourrait emprunter un peu de l’ambiance Argento-esque, et demande à mcGillivray de mettre ça en ordre. « Terror« , visuellement très travaillé, rend hommage aussi bien aux films gothiques de la Hammer qu’aux films d’Argento. Le film rencontre un joli succès.

Pour sa prochaine aventure, Warren touche à un genre classique des seventies outre-manche, dont les spécialistes du cinéma britannique, hors quelques spécialistes, ne parlent plus aujourd’hui qu’avec embarras, je parle des sex comedies. Dans « Spaced Out' » (1979), de belles extra-terrestres kidnappent quatre échantillons d’êtres humains. Bien entendu, tout ça va dégénérer dans un humour kitch et de mauvais goût.

Warren fait le bon choix en revenant à l’horreur avec « Inseminoïd » (1981). Après le triomphe d’Alien (1979), l’horreur SF est en vogue. Et même si la pré-production a commencé avant la sortie du film de Ridley Scott, Warren décroche son plus gros budget (2 millions de dollars) grâce à la participation du mythique studio hong-kongais Shaw Brothers. Warren peut même se permettre de recruter une actrice principale qui n’est pas une inconnue, Judy Geeson (The Eagle Has Landed, Brannigan,..). Evidemment, le film sera souvent relégué en simple clône très cheap d’Alien, pourtant il vaut bien mieux que sa réputation.

Durant les années 80, Warren se diversifiera en travaillant sur des pubs, des clips ou encore des documentaires. Il se voit proposer de réaliser une comédie d’action « Gunpowder » (1986) en 16mm qui connaitra un joli succès dans les vidéoclubs. Retour donc en 35mm pour « Bloody New Year » (1987), un film d’horreur où des adolescents se retrouvent prisonniers d’une île étrange.

Après cette dernière incursion dans le long métrage, il continuera à travailler pour la pub et la télévision, tentera de faire aboutir plusieurs projets mais sans succès.

Il est mort le 11 mars 2021 à l’âge de 78 ans.

Ces dernières années, Norman J.Warren, tout comme Pete Walker, ont vu leur côte largement réévaluée, notamment grâce au travail de certains éditeurs. Le BFI a sorti « Her Private Hell » en blu-ray et l’éditeur britannique Powerhouse Films a rendu un hommage conséquent grâce à une réédition de ses principaux films dans le sublime coffret blu-ray « Bloody Terror, the shocking Cinema of Norman J Warren 1976-87« .