Un drame poignant et violent sur le racisme anti noir trois ans après les émeutes raciales de 1958 à Nottingham et Notting Hill. Des personnages déchirés, contradictoires, portés par d’excellents acteurs. Un film unique en son genre !

Flame in the Streets (1961)

Réalisé par Roy Ward Baker

Ecrit par Ted Willis

Avec John Mills, Sylvia Syms, Brenda de Banzie, Earl Cameron, Johnny Sekka, Ann Lynn, Harry Baird,…

Direction de la photographie : Christopher Challis / Direction artistique : Alex Vetchinsky / Montage : Roger Cherrill / Musique : Philip Green

Produit par Roy Ward Baker pour The Rank Organisation et Somerset Films

Drame

89mn

UK

Jacko Palmer (John Mills) est à la tête d’un syndicat dans une usine de meubles. L’usine compte 30 employés noirs sur 1000 employés mais certains trouvent que c’est déjà te mais la tension monte quand le syndicat doit se prononcer sur la promotion de Gabriel Gomez (Earl Cameron), un noir originaire des Indes occidentales. Le directeur préfère calmer le jeu et retirer la promotion mais Palmer est convaincu qu’il pourra faire taire les contestataires.

Dans « Flame in the Street », il y a deux couples inter-raciaux. La fille de Palmer, Kathie (Sylvia Syms) sort avec un collègue noir, Peter Lincoln (Johnny Sekka) mais n’a pas osé encore le dire à ses parents. Gabriel, lui, est marié à Judith (Ann Lynn), une femme blanche, qui est enceinte.

Tous vivent dans un quartier populaire où les enfants jouent entre eux, indépendamment de leur couleur. Mais pour la génération née avant la guerre, le mélange avec les gens de couleur, ou les « spades » (argot pour « noirs »), ne va pas de soit. Et les jeunes Teddy Boys les voient comme des envahisseurs. La nuit de la Guy Fawkes night qui donne l’occasion d’un feu de joie, va faire éclater les tensions.

Quand la mère de Kathie, Nell (Brenda de Banzie) apprend qu’elle envisage de se marier avec un noir elle panique « Je veux que tu sois heureuse. Le nég… Les blancs et les noirs ne se mélangent pas. Ils ne sont pas comme nous.Tu auras des enfants noirs. ils vivent à sept ou huit dans une pièce. » Les propos tenus par Nell sont ignobles (il y a encore pire !), mais elle ne fait qu’exprimer oralement les pensées que les autres cachent.

Poussé par Judith, Gabriel décide de se rendre à la soirée du syndicat où ils vont débattre de sa promotion. En route il croise un groupe de Teddy Boys qui s’en prend à un noir. Quand il arrive enfin à la réunion, il comprend que ça ne va pas être facile. Jacko va appuyer sa promotion mais comment réagira-t-il quand il apprendra que sa fille sort avec un Jamaïcain ?

Et s’il y avait un autre sujet ? Qu’est-ce qu’un couple modèle ? Les 24 ans de mariage entre Nell et Jacko sont elle vraiment une source d’insipration pour Kathie ?

Les acteurs font tous un formidable boulot pour porter cette histoire dure sur un sujet brulant. En témoignent les émeutes raciales de 1958 à Nottingham et Notting Hill où des blancs s’en sont pris violemment aux habitants de couleur de ces quartiers populaires.

« Flame in the Streets » fait partie de cette poignée de films britanniques qui s’intéressent à la question du racisme, notamment à travers l’histoire des immigrés des Caraïbes qui arrivent par bateau (dont le fameux « Empire Windrush ») pour trouver du travail et répondre aux besoins de main d’oeuvre de l’après-guerre. Basil Dearden, réalisateur attentif aux évolutions de la société, avait aborder le sujet de l’intégration des noirs et du racisme dans « Pool of London » (1951) et « Sapphire » (1959), deux films avec dans le rôle principal Earl Cameron, un acteur originaire des Bermudes,  et qu’on retrouve donc ici. Mais si les films de Dearden restent « polis », ce n’est pas le cas de « Flame in the Streets » où tout est exprimé clairement, sans le moindre sous-entendu. Je ne pense pas que sur cet aspect, « Flame in the Streets » ait un équivalent dans le cinéma du début des années 60 (pour rappel il faudra attendre 1967 pour que les Américains osent un « Guess Who’s Coming to Dinner »).

Au scénario, on retrouve Ted Willis, un scénariste anglais à qui on doit quelques films s’intéressant aux gens des classes moyennes et populaires à une époque où ce n’était pas la mode comme « Woman in a Dressing Gown » (1957), « No Trees in the Street » (1959). Pour « Flame in the Street », il adapte sa pièce « Hot Summer Night » qui a été jouée pour la première fois le 29 septembre 1958 (soit à peine un mois après les émeutes). Le 1er septembre 1959, une version filmée de la pièce est diffusée sur ITV dans le cadre de l’anthologie « Armchair Theatre ». Apparemment, la séquence de baiser dans la pièce serait le premier baiser inter-racial du théâtre britannique (et sa version télévisée aurait donné lieu au premier baiser inter racial de la télévision britannique). L’adaptation cinématographique n’aura pas cet honneur qui revient à « Pool of London » avec dix ans d’avance !

Le réalisateur aussi polymorphe que talentueux Roy Ward Baker (il a touché à tous les genres) assure également la production (fait assez rare pour lui). Baker sortait juste de l’étrange western « The Singer not the Song » (1961) avec notamment John Mills qu’il retrouve donc ici. Dans son autobiographie, il passe malheureusement très rapidement sur « Flame in the Streets » notant, en plus de la qualité des acteurs, que « Le film montre un portrait véridique de la vie telle qu’elle était vécue dans cette communauté à cette époque ».

A ce jour, quand j’écris ces lignes, « Flame in the Streets », cet excellent film sur un sujet dur, porté par de grands acteurs, vraiment unique en son genre, n’est toujours pas sorti en blu-ray. On a droit qu’à un vieux DVD. Je croise les doigts pour que StudioCanal (propriétaire actuel du fonds Rank) le ressorte au plus vite dans sa collection « Classic Vintage » avec tous les égards qui lui sont dus (ou qu’un studio indépendant s’en charge).