Earl Cameron dans « Pool of London » (1951) avec l’actrice Susan Shaw

Earl Cameron est le premier interprète noir, issu des territoires britanniques d’outre-mer, à se faire un nom dans le cinéma britannique.

Né en 1917 à Pembroke dans les Bermudes, Earl Cameron est le dernier né d’une famille de six enfants. Son père est mort quand il avait 5 ans. Après s’être fait engager sur un navire marchand, il débarque à Londres en 1939, à 22 ans, alors que la Grande-Bretagne vient de renter en guerre. Il survit en faisant de petits boulots (vendeur de glaces, plongeur dans un hôtel restaurant, marin,…)  et manque de mourir de pneumonie et de pleurésie un an plus tard (il y laissera un poumon). Cameron se retrouve un peu par hasard sur scène, en remplaçant un acteur de figuration sur la comédie musicale « Chu Chin Chow ». Quand il décroche son premier rôle avec des lignes de dialogue, il comprend qu’il va devoir prendre des cours de diction. Il apprendra le métier en jouant dans une cinquantaine de pièces à la fin des années 40 en Grande Bretagne mais aussi en tournée à l’étranger pour divertir les troupes britanniques.

C’est Basil Dearden qui lui offre son premier rôle au cinéma, en tête d’affiche, pour le thriller « Pool of London » (1951). Il a alors 34 ans et doit mentir sur ses origines et son âge pour décrocher le rôle (Dearden cherchait un Africain d’une vingtaine d’années !). Dans le film, il incarne un marin d’un navire marchand qui se trouve à Londres et a une aventure avec une femme blanche. Il s’agit de la première relation inter raciale montrée dans un film britannique ! Si le musicien et acteur américain Paul Robeson avait tourné plusieurs films en Grande-Bretagne pendant les années 30 (sans oublier Elisabeth Welch et Nina Mae McKinney), c’est une première pour un citoyen britannique noir de se retrouver en tête d’affiche dans un film britannique !

Pas évident de se faire une place dans le cinéma britannique d’après-guerre même quand on est le seul acteur noir à être un peu connu ! Il joue souvent des Africains dans des films censés s’y dérouler. Il joue ainsi dans deux films sur la rébellion Mau-Mau ay Kenya « Simba » (1955) et « Safari » (1956), mais aussi dans deux Tarzan réalisés par l’Anglais Robert Day « Tarzan the Magnificent » (1960) et « Tarzan’s Three Challenges » (1963).

En 1959, Basil Dearden fait à nouveau appel à lui pour  « Sapphire », son « whodunnit » sur fond de racisme. Il joue le frère, docteur, d’une jeune femme assassinée que la police avait présumée blanche car elle avait la peau claire. Le fait qu’elle soit noire change évidemment les possibles motivations du meurtre !

En 1961, il est à l’affiche de « Flame in the Street », un film sur les relations raciales réalisé par Roy Ward Baker et scénarisé par Ted WIllis. Il joue aux côtés de John Mills, Sylvia Syms et Brenda de Banzie.

Il tournera aussi dans le film de guerre « Guns at Batasi » (1964) de John Guillermin, et sera aussi le premier acteur des Bermudes à jouer dans un film de la série James Bond avec « Opération Tonnerre » en 1965.

Au cinéma il conclut les années 60 avec un drame « Two Gentlemen Sharing » (1969). Mais durant la décennie, il s’oriente au cours de la décennie de plus en plus vers le petit écran. On le voit dans quelques séries mythiques comme « Danger Man » (quatre rôles différents entre 1964 et 66), « Doctor Who » en 1966 et « The Prisonner » en 1967.

Dans les années 70, il est recruté par l’acteur afro-américain Sidney Poitier pour « A Warm December » (1973). Poitier lui conseille d’aller faire carrière à Hollywood, mais Cameron juge qu’étant marié à une blanche juive, Audrey J. P. Godowski, depuis 1955, il pourrait y être rejeté et préfère rester en Grande-Bretagne. Cameron joue également dans les deux versions (celle en anglais et celle en arabe) de Moustapha Akkad sur l’histoire du prophète Mohammed, «Al-risâlah » et « The Message » toutes deux sorties en 1976.

Il ne tournera pas dans les années 80, s’étant retiré sur les îles Salomon de 1979 à 1994 où il monte une petite affaire. À la mort de son épouse en 1994, il rentre toutefois en Grande-Bretagne et y fait un retour sur les écrans dans des petits rôles. Il apparaît notamment dans « The Interpreter » (2005)  ou encore « The Queen » (2006).  En 2009, il reçoit  un CBE (Commander of the Order of the British Empire).

Il décroche son dernier rôle dans « Inception » (2010) de Christopher Nolan, mais quand « The Guardian » l’interviewe pour la célébration de ses 100 ans, en 2017, il se déclare toujours actif ! Il est mort deux ans plus tard, le 3 juillet 2020 dans le comté du Warwickshire, dans le centre de l’Angleterre, où il s’était installé.