Comme beaucoup de cinéphiles français de ma génération, j’ai une dette envers Bertrand Tavernier. Car en plus d’être un réalisateur talentueux à la filmographie très diversifiée, Tavernier est un amoureux du cinéma à la passion contagieuse.
Quel symbole que sa dernière oeuvre filmée soit en fait un documentaire, forcément consacré au cinéma : « Voyage à travers le cinéma français » (2017). Comme un Martin Scorsese aux USA qui quelques années plus tôt s’était penché sur les cinémas américains et italiens dans la même démarche de partage, de transmission.
Je ne ferai pas ici une biographie de Tavernier. Les hommages se sont succédés à grande vitesse suite à son décès le 25 mars 2021. Je me permettrai juste de rappeler qu’en tant que cinéphile il a largement oeuvré pour débarrasser le cinéma britannique de la chape de plomb qui pèse sur lui dans la cinéphilie française.
Il a notamment dirigé la collection DVD Ealing Studios pour StudioCanal au début des années 2000 à travers cinq coffrets de 2 films. Outre les comédies classiques (« The Ladykillers« , « Kind Hearts and Coronets« ,…), Tavernier nous propose des chefs d’oeuvres alors méconnus en France : « Went the Day Well? » (1942) ou « Champagne Charlie » (1944) signés Alberto Cavalcanti et « It Always Rains on Sunday » (1947) réalisé par Robert Hamer (l’un de ses « chouchous » auquel il consacrera un article dans le livre « Typiquement British – le cinéma britannique » édité en 2000 par le centre Pompidou à l’occasion de la manifestation « Typiquement British – 200 films anglais ».
C’est Tavernier qui sort enfin les films de Michael Powell en DVD en France grâce à une superbe collection de coffrets éditée par l’institut Lumière » qui regroupe certains de ses plus grands films : « The Life and Death of Colonel Blimp » (1943), « 49th Parallel » (1941), « A Canterbury Tale » (1944), « I Know Where I’m Going! » (1945), « A Matter of Life and Death » (1946), « Black Narcissus » (1946), « Red Shoes » (1947) ou encore « Peeping Tom » (1960).
Depuis la plupart de ces films (mais pas tous) sont ressortis dans d’autres éditions, voire en blu-ray, mais dans tous les cas je vous conseille de vous procurer ces éditions car elles bénéficient toutes de la passion visible et contagieuse de Bertrand Tavernier. Le voir et l’entendre défendre ces films qu’il aime est un grand privilège. Il ne faut pas oublier son blog où il partage ses lectures et ses visionnages. https://www.tavernier.blog.sacd.fr/
C’est aussi grâce à Tavernier que j’ai découvert « Pool of London » de Basil Dearden. Il avait largement parlé de ce film pendant une conférence qu’il avait donné sur le thème du « cinéma britannique et marché noir » au forum des images il y a quelques années.
Même si je n’étais pas toujours d’accord avec ses jugements (c’est bien naturel), Tavernier était toujours passionnant quand il parlait de cinéma. C’est l’un des plus grands cinéastes cinéphiles de notre temps. Et bien entendu si vous ne l’avez pas encore, précipitez-vous sur son fabuleux « Amis américains », une somme d’interviews passionnants de 995 pages (!), réédité en 2019 chez Acte Sud.
Les hommages à ce grand monsieur du cinéma se succèdent. Le tien est très personnel et émouvant. Ce qui me touche particulièrement, c’est ce qu’il a fait pour faire connaître un réalisateur flamboyant, un de mes préférés, Michael Powell. Ça me renvoie en 2005, quand le chef op’ de légende Jack Cardiff avait illuminé le 8e festival en présentant notamment Black Narcissus et Colonel Blimp.
Merci pour ce bel hommage.