Richard Attenborough (1923 – 2014)
Richard Attenborough est probablement l’une des figures les plus marquantes du cinéma britannique. Acteur, producteur et réalisateur hyper actif, à la tête de nombreuses institutions et affaires, son génie a profondément marqué le cinéma britannique des années 40 à la fin des années 90.
Né à Cambridge en 1923 d’un père professeur d’université et d’une mère engagée politiquement pour les droits des femmes, il est l’ainé d’une fratrie de trois. Très tôt, Richard se rend compte qu’il est le moins intellectuel des trois, et qu’à ce titre il est condamné à décevoir son père qui ne croit qu’en les études universitaires. Lui veut faire du théâtre.
Alors qu’il n’a pas dix-huit ans, le « Governor » (surnom que Richard et ses deux frères donnèrent à leur père) lui pose un ultimatum. Il doit réussir à décrocher une bourse à la Royal Academy of Dramatic Art (RADA) s’il veut avoir l’autorisation de persévérer dans le théâtre. Mission réussie pour Richard qui intègre l’institution en 1941. Il avouera s’y être ennuyé (on y jouait trop de textes légers à son goût) mais il y rencontre sa future épouse Sheila Sim.
En 1942, il fait sa première apparition sur grand écran dans « In Which We Serve » de Noel Coward et David Lean. Il y joue un jeune matelot qui cède à la panique lors d’une mission dangereuse. Un rôle de lâche qui va longtemps le cantonner aux rôles de méchants.
Il s’engage à dix-huit ans dans la Royal Air Force, mais n’est appelé qu’en 1943. A la demande du réalisateur John Boulting, il intègre alors le RAF Film Unit, basé aux studios Pinewood, où il filmera des bombardements.
A la fin de la seconde guerre, il enchaîne les tournages. Il trouvera son premier grand rôle dans le fabuleux film noir « Brighton Rock » (1947) réalisé par un certain John Boulting. Profitant d’un physique poupon, il jouera même un écolier dans « The Guinea Pig » (1948) toujours signé John Boulting…
De la toute fin des années 40 début des années 50, sa carrière cinématographique ralentit. De nouvelles stars apparaissent, et Attenborough reste enfermé dans les mêmes rôles. Il se tourne alors vers le théâtre. Avec sa femme, il joue ainsi dans « To Dorothy a son » et surtout à partir de fin 1952 dans « The Mousetrap » d’Agatha Christie. La pièce triomphe, et Attenborough fait le plus beau coup de poker de sa vie : avant que la pièce arrive à Londres, il échange une partie de son salaire contre 10% des droits sur « The Mousetrap ».
Les années 50 commencent calmement avant de s’accélérer. Attenborough continue à travailler avec John Boulting, « The Magic box » en 1951, puis « Private’s progress » (1956), « I’m All right Jack » (1959)… On le retrouve aussi chez Basil Dearden : «The ship that died of shame” (1956) et “The League of gentlemen” (1959).
En 1960, Attenborough se lance dans la production avec son ami Bryan Forbes, rencontré sur le tournage de la comédie « The baby and the batleship » (1956). Ensemble ils fondent Beaver Films et produisent « The angry silence » (1960) réalisé par Guy Green sur un scénario de Forbes et avec Attenborough dans le rôle principal d’un ouvrier détruit par sa décision de résister à la pression de son syndicat. L’année suivante ils produisent « Whistle down the wind », un conte noir pour enfants, réalisé par Forbes. Attenborough portera seulement la casquette de producteur sur « The L Shaped room » (1962), l’un des premiers films socialement réalistes (les fameux kitchen sink drama), écrit et réalisé par Forbes. Par contre dans l’excellent « Séance on a wet afternoon » (1964), toujours signé Forbes, il prend également le rôle d’un mari soumis, l’un de ses meilleurs rôles.
C’est en 1962 qu’un ami commun donne le numéro de Richard Attenborough à un certain Motilal Kothari, ancien adepte de Gandhi. Kothari, lui fait une proposition complètement folle. Il lui propose de faire un film sur le grand homme indien. Commence alors un projet qui mettra vingt ans à se concrétiser et dans lequel Attenborough investira une quantité incalculable de temps et d’argent !
Les années 60 sont une période faste pendant laquelle l’acteur joue dans de très nombreux films. Il tourne dans sa première production internationale à gros budget en 1963 avec « The Great Escape » de John Sturges.
A la fin des années 60, il a l’occasion de faire ses débuts derrière la caméra avec le film musical anti guerre « O What a lovely war » (1969). Toujours en tant que réalisateur, « The Young Winston » (1972), la biographie de Churchill, le met à la tête d’une grosse production. Expérience qui va probablement l’aider quelques années plus tard sur « Gandhi ».
Toujours désireux de trouver les fonds pour « Gandhi », il signe un partenariat avec le producteur américain Joseph E Levine, pour lequel il tournera deux films « A bridge too far » (1977) et « Magic » (1978) notamment dans l’espoir d’un soutien sur « Gandhi », cédant aux passages les droits du scénario au producteur.
Loin d’arrêter son métier d’acteur, Attenborough continuera à jouer dans les années 70 et au delà. Il est épatant dans la peau du serial killer JR Chrisite dans « 10 Rillington Place » (1971) de Richard Fleischer. Mais il va également accepter de nombreux rôles juste pour réunir l’argent afin de monter « Gandhi ».
Après vingt ans d’errements, et le lâchage de Joseph E Levine qui lui demandera plus d’un million de dollars pour racheter le sujet, Attenborough semble enfin sur le point de boucler le budget de son film au début des années 80. Le tournage de « Gandhi » ne sera pas facile, et plusieurs financiers se retireront du film au dernier moment, mais grâce à l’appui de la toute jeune Goldcrest et du gouvernement indien, le film peut être achevé dans de bonnes conditions.
Contre toutes attentes, le film sera un triomphe critique (le film remporte huit Oscars dont celui du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur interprète masculin) et public (il rapportera 53 millions de dollars aux Etats Unis). Près de trente ans plus tard, Attenborough commencera son autobiographie sur ce triomphe et consacrera au film une bonne partie de son livre, témoignage de l’importance symbolique de « Gandhi » pour Attenborough, film dont ses parents auraient été fiers selon lui.
Après un film américain de commande « Chorus Line » (1985), Attenborough se lance dans un projet sur un sujet qui lui tient à coeur depuis le début des années 80, celui de la lutte contre l’apartheid. Le biopic « Cry Freedom » (1987) n’a pas rencontré le succès critique et public de « Gandhi » mais a été bien accueilli. Ses films suivants (« Chaplin » et son préféré « Shadowlands » par exemple) montrent un réalisateur consciencieux et doué, très à l’aise dans les biopics.
Devenu réalisateur réputé, il limite ses apparitions en tant qu’acteur à des seconds rôles dans quelques grosses productions : « Jurassic Park » (1993), « Hamlet » (1996) et n’accepte qu’un seul premier rôle, dans un film américain, un conte fantastique autour de noël, « Miracle on 34th Street » (1994) .
Mais il continue à présider ou à jouer un rôle de conseiller dans de nombreux organismes, souvent en lien avec le théâtre (RADA, le Young Vic,…) ou le cinéma (BFI, Channel 4, UK Film Council,…) ou encore pour des organisations caritatives et de nombreux fonds de charité (UNICEF, The Diana Princess of Wales Memorial Fund,…).
Fin décembre 2004, un drame personnel va venir endeuiller ses dernières années. Sa fille, Jane, et sa petite fille, Lucy, font partie des victimes du tsunami. Un choc dont il avouait à la sortie de son autobiographie en 2008, ne s’être jamais remis.
S’il a fêté son 90e anniversaire en août 2013, Richard Attenborough est aujourd’hui dans une pension spécialisée où il a rejoint sa femme, atteinte de sénilité. Sa santé s’est brutalement dégradée fin 2008 suite à une chute. Beaver Lodge, la maison dans laquelle il a vécu avec sa femme pendant une soixantaine d’années sur Richmond Green à Londres a été vendue en 2012.
Via ses nombreuses casquettes, Richard Attenborough a marqué à jamais le cinéma britannique. Personnellement je garderai toujours en tête sa fascinante interprétation du petit truand Pinkie Brown dans « Brighton Rock ».
Richard Attenborough est décédé le 24 août 2014 à 90 ans.
A lire
« Entirely up to you, darling » par Richard Attenborough et Diana Hawkins,Hutchinson, 2008
(Dans cette intéressante autobiographie, Attenborough parle longuement de « Gandhi » et de « Cry Freedom », les deux films engagés dont il est particulièrement fier. Il est à noté qu’il partage son autobiographie avec sa publiciste Diana Hawkins qui l’a accompagné sur de nombreux films. Belle preuve de modestie et d’amitié).