
Dominique Green, directrice artistique du festival, Paul Andrew Williams (Dragonfly), Daisy-May Hudson avec Posy Sterling (Lollipop)
J’ai eu la chance de participer au festival de Dinard qui s’est déroulé du mercredi 1er au dimanche 5 octobre. Pour moi, c’était une première très attendue puisque le festival de Dinard est mythique pour tous ceux qui s’intéressent au cinéma d’outre manche, qu’il soit britannique, ou depuis l’année dernière, irlandais. Le programme était bien entendu des plus appétissants. Une trentaine de films, essentiellement des nouveautés, qui donnent l’aperçu le plus complet possible de la production actuelle d’outre-manche. Une opportunité unique. Et il y en avait pour tous les goûts, du réalisme social à la comédie rap en passant par le drame horrifique !
C’était donc ma première fois à Dinard et j’ai pu apprécier la beauté de cette ville de la côte septentrionale de la Bretagne. Une découverte car malgré le fait que je sois d’origine bretonne, je ne connaissais pas Dinard ! Mea Culpa. J’ai passé de longs moments, entre les séances, sur la grande plage qui borde la ville et les lieux du festival. Cinq salles, spacieuses et confortables, sont proposées intra muros et pour toutes les séances aux quelles j’ai assistées, même à 9h30 le matin, elles étaient combles ! Et c’est sûrement ma plus grande surprise. Quel que soit le thème du film (et il faut s’armer de courage pour voir un drame horrifique ou social de bon matin !), le public du festival répond présent et applaudit invariablement en fin de séance !
Dans un témoignage recueilli par le quotidien Ouest-France, le maire Arnaud Salmon a pu afficher son contentement et remercier les équipes constituées pour une part non négligeable par des bénévoles : « Nous avons dépassé les 21 000 entrées. On peut se réjouir aussi d’avoir accueilli, la semaine précédente, environ 10 000 scolaires. Ces chiffres sont positifs », D’autant que, comme le rappelle le quotidien breton, les chiffres de fréquentation au niveau national sont plutôt à la baisse.
Même le départ précipité du présent du jury Rupert Everett pour raisons familiales, et son remplacement au pied levé par la journaliste Claire Chazal, n’a pas réussi à enrayer une machine bien huilée (c’est vrai qu’on en est déjà à la 36e édition). Le palais du festival offre un bel écrin à la manifestation et les salles de cinéma sont confortables. Bravo à la municipalité pour l’organisation et la directrice artistique Dominique Green pour la sélection aussi pointue que diversifiée. Ma frustration ? Ne pas avoir pu voir l’ensemble de la sélection ! Il a fallu faire des choix et ils ont été cornéliens !
Quand on voit une dizaine de films d’affilée, une sorte de fatigue peut s’installer. Mais la sélection était suffisamment riche et intéressante pour maintenir l’intérêt. A part de très rares exceptions, je n’ai pas été déçu et je suis ravi d’avoir pu voir ces films sur grand écran – une opportunité qui ne se représentera pas de sitôt pour la très grande majorité de la sélection.
C’était également l’occasion de rencontrer des réalisateurs et acteurs, tous sympathiques et faciles d’accès. Le cadre décontracté s’y prête et c’est tant mieux.
Pour mes coups de coeurs personnels, je retiendrai particulièrement deux films issus du courant du réalisme social : « Lollipop » raconte la bataille d’une jeune mère pour récupérer ses enfants à sa sortie de prison. Le film est poignant par ses accents de vérité brute renforcée par l’interprétation de Posy Sterling. « Dragonfly » a quant à lui l’originalité de proposer une rencontre touchante entre une vieille dame et sa voisine instable – dont on guette les fêlures et l’inévitable dérapage – mais le scénariste et réalisateur Paul Andrew Williams réussit à surprendre avec une fin qui propose une rupture de ton inattendue et qui remet en cause nos préjugés de classe (incarnés à l’écran par le fils dont l’irruption est à l’origine de ladite rupture). Un casting excellent et un pari scénaristique délicat mais réussi haut la main.
Au-delà de ces deux films, j’ai également beaucoup apprécié deux co-productions tournées loin des côtes britanniques. « My Father’s Shadow » propose un retour en arrière dans le Lagos des années 90 pour nous raconter une journée entre un père et ses deux fils, sur fond d’instabilité (politique et sociale – mais aussi familiale). Un drame à hauteur d’enfants qui émeut. Changement radical de ton (et de lieu !) avec le drame horrifique « The Damned » qui se situe dans l’Islande du XIXe. Un joli exemple de folk horror à l’ambiance bien ciselée autour d’une petite communauté de pécheurs isolée du reste du monde par la rigueur hivernale.
D’ailleurs puisqu’on parle de drame horrifique, il faut saluer « The Thing With Feathers » qui malgré une certaine lourdeur symbolique nous propose une lecture originale et oppressante à souhait du parcours du deuil d’un père (le toujours extra Benedict Cumberbatch) qui se retrouve veuf avec ses deux jeunes enfants suite à la disparition brutale de sa femme.
Parmi la sélection, il fallait noter aussi la présence de « Brides », un portrait sensible de deux adolescentes britanniques qui vont rejoindre la Syrie en 2014. Loin des polémiques et des jugements à l’emporte pièce, le film arrive à nous intéresser à la trajectoire de ces deux jeunes femmes (superbement interprétées) via un usage atypique d’un genre pourtant bien balisé, le road movie.
Côté comédies, j’ai apprécié « Marching Powder » écrit et réalisé par Nick Love et interprété par Danny Dyer. Un duo à l’origine de quelques classiques des films de hooligans au début des années 2000 (ils ont tourné ensemble The Football Factory, 2004) et qui nous propose ici un « vingt ans plus tard » assez jouissif. L’acteur écossais James McAvoy fait ses débuts dans la réalisation avec « California Schemin’ », une comédie dramatique sur une histoire vraie de deux jeunes Ecossais qui se font passer pour des rappeurs californiens afin de décrocher un contrat dans une maison de disques ! Le contre-pied de « Kneecap » (2024) où de jeunes rappeurs irlandais revendiquaient, eux, leurs racines en chantant en gaélique !
Enfin, j’ai vu « Shortcuts », une sélection de dix courts métrages variés mais marqués souvent par un regard plein d’ironie. J’ai ainsi apprécié le documentaire désopilant « Neil Armstrong and the Langholmites« , le film d’animation psychédélique « Fried » et bien sûr « Run like We » sur un adolescent apathique et peu enclin à l’effort physique mais dont le père voudrait qu’il devienne le prochain Usain Bolt !
PRIX DU FESTIVAL
Evidemment, je suis heureux que mes deux films préférés aient obtenu l’Hitchcock d’Or (Dragonfly) et l’Hitchcock du jeune talent de Demain (Lollipop)
A noter que Paul Andrew Williams avait déjà gagné en 2006 l’Hitchcock d’Or avec son premier long métrage « London to Brighton » (2006). Avec « Dragonfly », il devient le seul réalisateur à ce jour à remporter deux fois la récompense ultime du festival de Dinard.
HITCHCOCK D’OR CINÉ+ OCS : DRAGONFLY
HITCHCOCK DE LA MEILLEURE INTERPRETATION Harry Lawtey (MR BURTON)
PRIX SPECIAL DU JURY BARRIERE THE DAMNED
HITCHCOCK DU PUBLIC LONG-METRAGE MR BURTON
HITCHCOCK DU PUBLIC SHORTCUTS RUN LIKE WE
PRIX OUEST-FRANCE « Talent de demain » LOLLIPOP
FILMS VUS :
Lollipop (2024, UK) écrit et réalisé par Daisy-May Hudson avec Posy Sterling et Idil Ahmed
Dragonfly (2025, UK) écrit et réalisé par Paul Andrew Williams avec Andrea Riseborough et Brenda Blethyn
Dreamers (2025, UK) écrit et réalisé par Joy Gharoro-Akpojotor avec Ronke Adekoluejo
My Father’s Shadow (2025, UK / NIgéria) réalisé par Akinola Davies et écrit par Akinola Davies et Wale Davies avec Sope Dirisu
North Star / My Mother’s Wedding (2025, UK) réalisé par Kirstin Scott Thomas et écrit par Kirstin Scott Thomas et John Micklethait avec Scarlett Johanson, Sienna Miller et Emily Beecham
The Damned (2024, UK / Islande) réalisé par Thordur Palsson et écrit aprt Jamie Hannigan et Thordur Palsson avec Odessa Young et Joe Cole
The Thing With Feathers (2025, UK) Ecrit et réalisé par Dylan Southern avec Benedict Cumberbatch
California Schemin (2025, UK / USA) réalisé par James McAvoy et écrit par Gavin Bain, Billy Boyd et Elaine Gracie avec Samuel Bottomley et Seamus McLean Ross
Marching Powder (2025, UK) écrit et réalisé par Nick Love avec Danny Dyer et Stephanie Leonidas
Urchin (2025, UK / USA) écrit et réalisé par Harris Dickinson avec Frank Dillane
Brides (2025, UK) réalisé par Nadia Fall et écrit par Suhayla El-Bushra avec Ebada Hassan et Safiyya Ingar
Sélection de courts métrages « Shortcuts »


Un grand merci pour ce compte-rendu personnel du festival.