Un road movie poignant autour de l’amitié de deux adolescentes qui vont rejoindre ensemble l’Etat Islamique en 2012

Brides (2025)
Réalisé par Nadia Fall
Ecrit par Suhayla El-Bushra
Avec Ebada Hassan, Safiyya Ingar, Yusra Warsama,…
Direction de la photographie : Clarissa Cappellani / Production design : Elizabeth Marcussen / Montage : Fiona DeSouza / Musique : Alex Baranowski
Produit par Nicky Bentham et Marica Stocchi
Drame
UK
Il faut un certain culot et courage pour tenter d’humaniser ces jeunes filles musulmanes qui sont allées se marier avec des soldats de l’état islamique tant l’opinion public a été polarisé sur le sujet. A tel point que dans les pays occidentaux, on a préféré laisser ces jeunes femmes devenues adultes (et souvent mères de plusieurs enfants) pourrir dans des camps syriens plutôt que de les laisser rentrer chez elles. En Grande-Bretagne, on se souvient du cas de Shamima Begum qui s’est vue retirer la nationalité britannique en 2019.
Pour son premier film, Nadia Fall, par ailleurs directrice artistique du mythique théâtre londonien le Young Vic, ne choisit pas la facilité ! Elle s’est vue proposée le sujet par la dramaturge et scénariste Suhayla El-Bushra, britannique de religion musulmane. Toutes deux ont trouver qu’il était temps de redonner de l’humanité à ces jeunes filles diabolisées.
Le film se déroule essentiellement en Turquie où les deux amies Doe (Ebada Hassan) et Muna (Safiyya Ingar) sont arrivées par avion afin de tenter de franchir la frontière syrienne. De nombreux flash-backs permet de comprendre d’où elle viennent (cadre familial et scolaire) et comment elles sont devenues amies (avec une très belle scène relatant leur rencontre à la fin).
Doe est une jeune fille discrète d’origine africaine et portant le voile. A priori l’opposé de Muna, d’origine pakistanaise, habillée à l’occidentale et grande gueule. Muna prendra la défense de Doe qui, en affichant sa religion, est confrontée au rejet et à la violence.
Les deux adolescentes ont en commun une cadre familial marqué par l’absence du père – est-ce un hasard si elles essaient de rejoindre un système encore plus patriarcal et sexiste que celui qu’elles quittent ?
Malgré tout, et même si Doe est plus religieuse que Muna, c’est cette dernière qui va pousser son amie à ne pas flancher et faire demi-tour. Si Doe culpabilise vis à vis de sa mère, Muna, rejetée par sa famille, n’a rien à perdre. Et ça fait toute la différence.
La force de « Brides » est de savoir rester à hauteur des deux jeunes femmes, montrant leurs doutes mais aussi leur espoir d’une vie meilleure où elles seront enfin acceptées, leurs moments de crainte et leurs moments de joie. En refusant le jugement moral, le film ouvre la porte à une compréhension, une humanisation de ces jeunes filles aux destins tragiques. Le scénario et la réalisation sont bien menés, évitant les pièges du didactisme et de la sentimentalisation à outrance, mais on saluera particulièrement l’interprétation irréprochable des deux interprètes Ebada Hassan (Doe) et Safiyya Ingar (Muna).
Tourné en 2023 entre le pays de Galles, la Turquie et la Sicile, « Brides » a été montré en compétition à Sundance au début 2025 et récompensée l’été suivant à Munich et à Sarajevo. En France, il a été présenté pour la première fois au festival de Dinard début octobre 2025.

