Entre réalisme social et thriller, une très belle réussite portée par une exécution qui frôle la perfection

Dragonfly (2025)
Ecrit et réalisé par Paul Andrew Williams
Avec Andrea Riseborough, Brenda Blethyn, Jason Watkins,…
Direction de la photographie : Vanessa Whyte / Production design : Kay Brown / Montage : Nina Annan / Musique : Raffertie
Produit par Marie-Elena Dyche et Dominic Tighe
Drame / Social / Thriller
98mn
UK
Il avait déjà gagné en 2006 l’Hitchcock d’Or, la récompense ultime du festival de Dinard consacré au cinéma britannique (et irlandais depuis 2024), avec son premier long métrage « London to Brighton » (2006). Dix-neuf ans plus tard, l’Anglais Paul Andrew Williams devient le seul réalisateur à ce jour à remporter deux fois la récompense avec son sixième long « Dragonfly », proposition originale qui mélange habilement réalisme social et thriller.
Ce qui frappe de premier abord dans « Dragonfly », c’est l’acuité de son regard qui dissèque la relation amicale improbable qui s’établit entre deux personnages que tout semble opposer… à part leur solitude. Elsie (Brenda Blethyn) est une vieille dame, veuve et isolée dont les interactions sociales se limitent à la visite de soignantes qui l’aident à faire sa toilette et pour le ménage depuis qu’elle s’est blessée. Sa voisine Colleen (Andrea Riseborough) est une jeune femme physiquement et psychologiquement informe et traine dans son sillage son mal être et sa chienne, un molosse.
Agacée par les visites éclair des aides soignantes, Colleen sort de sa réserve pour proposer à Elsie de l’aider pour les courses. Elsie hésite. Après tout, elle ne connait pas sa voisine. Et c’est vrai que Colleen n’inspire guère confiance avec sa dégaine de cas soc’ et son chien d’attaque qui endommage sa jardinière entretenue épisodiquement par son fils John (Jason Watkins) lors de ses rares visites. Ce dernier finit par rappliquer, alerté par la soudaine intrusion de cette voisine « atypique » dans la vie de sa mère.
Que ce soit par l’écriture ou la mise en scène, Paul Andrew Williams diffuse un climat d’incertitude autour de la stabilité de Colleen (après tout Elsie est une cible facile pour une personne mal intentionnée) et de sa chienne (certes affectueuse mais quel regard de tueur !). Et si le spectateur a envie de détester ce fils passif-agressif, il se rend également compte qu’il aurait probablement eu les mêmes réserves et craintes s’il avait été à sa place ! Et il se prend à attendre avec appréhension l’inévitable dérapage !
Si on ne saura finalement que peu de chose du passé de Colleen, la mise en situation du personnage nous permet de deviner ses failles et notamment son rapport compliqué à sa féminité ou le néant social et affectif qui l’entoure.
Une relation mère / fille se met en place entre ces deux solitudes qui s’entre-choquent. Relation que va mettre à mal l’irruption du fils. Le tragique est inévitable mais Williams arrive à surprendre le spectateur avec un dénouement brutal mais qui le met face à ses propres idées préconçues.
L’amitié entre Elsie et Colleen sera aussi belle intense et fugace que la vie d’une libellule (dragonfly). L’intelligence de l’écriture et de la mise en scène n’auraient cependant pas suffit à en faire une réussite, s’il n’avait pu se reposer sur ses deux interprètes formidables dont l’alchimie fonctionne parfaitement à l’écran, Andrea Riseborough (Shadow Dancer, Nancy, Made in Dagenham,…) et Brenda Blethyn (Secrets & Lies,Vera,…).
A l’heure où j’écris ces lignes (octobre 2025), « Dragonfly » n’a pas encore de distributeur en France. On espère que cette victoire à Dinard lui donnera la visibilité nécessaire et lui permettra de passer par les sales obscures françaises.

