Review of: Un goût de miel
Drame social:
Tony Richardson

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Rating:
4
On 8 juillet 2020
Last modified:2 août 2020

Summary:

Premier rôle pour Rita Tushingham dans un portrait touchant d'adolescente désoeuvrée pour ce classique de la nouvelle vague anglaise signé Tony Richardson

Premier rôle pour Rita Tushingham dans un portrait touchant d’adolescente désoeuvrée pour ce classique de la nouvelle vague anglaise signé Tony Richardson

A Taste of Honey (1961)

(Un goût de miel)

Réalisé par Tony Richardson

Ecrit par Shelagh Delaney et Tony Richardson d’après la pièce de Shelagh Delaney

Avec Rita Tushingham, Dora Bryan, Robert Stephens, Murray Melvin, Paul Danquah,…

Direction de la Photographie : Walter Lassally / Direction artistique : Ralph W. Brinton / Montage : Antony Gibbs / Musique : John Addison

Produit par Tony Richardson pour Woodfall Film Productions

Comédie dramatique / Social

UK

Jo (Rita Tushingham) est une adolescente de la banlieue de Manchester qui change d’appartement délabré au rythme des impayés de loyer de sa mère Helen (Dora Bryan). Alors que sa scolarité obligatoire arrive à sa fin, elle n’a qu’une idée en tête, trouver un travail et quitter sa mère qui pense plus à s’amuser avec son petit ami et à boire qu’à sa fille. Mais Jo rencontre un jeune marin noir, Jimmy (Paul Danquah) avec qui elle sympathise. Peu avant qu’il prenne la mer, ils couchent ensemble. Alors que sa mère part se marier avec son dernier petit ami en date, Jo se retrouve seule, se fait embaucher comme vendeuse dans un magasin de chaussures et se trouve un appartement rien qu’à elle. Jo accueille un jeune homosexuel Geoffrey (Murray Melvin) qui s’installe chez elle. Mais sa vie ne prend pas un chemin facile quand elle découvre qu’elle est enceinte de Jimmy.

Tony Richardson, l’un des initiateurs du Free Cinema, est passé à la réalisation de longs métrages avec le film coup de poing « Look Back in Anger » (1959) produit par Woodfall Film productions qu’il co-fonde, inaugurant officiellement la nouvelle vague britannique. Après « The Entertainer » (1960) et un petit détour aux USA (« Sanctuary » en 1961), il enchaîne aussitôt avec un retour au cinéma social réaliste et provincial en noir et blanc avec « A Taste of Honey » adapté de la pièce du même nom de la dramaturge Shelagh Delaney.

« A Taste of Honey » est une comédie dramatique sociale centrée autour du personnage de la jeune adolescente Jo dont le seul rêve dans la vie est de se débarrasser de sa mère égocentrée et incapable de s’occuper de sa fille, qu’elle n’appelle pas « maman » mais par son prénom. Mais en tombant enceinte d’un enfant sans père qu’elle ne désire pas, Jo reproduit le schéma maternel. Volontaire, Jo refuse toutefois d’avorter et se prend en main. Mais quand elle rencontre Geoffrey, un jeune homosexuel qui s’occupe d’elle, Jo retrouve une mère de substitution, ou plutôt « une grande soeur ». Mais Jo ne vit pas très bien cette situation de dépendance, d’autant qu’Helen réapparaît.

Portrait d’une enfant perdue en mal d’amour, « A Taste of Honey » ne sombre jamais dans le misérabilisme. Malgré une vie sans le sou dans une banlieue de Manchester d’après-guerre scarifiée et pauvre, il y a des rires, de l’espoir, de la vie. Avec Geoffrey, elle forme un étrange couple mais qui fonctionne tant bien que mal. Jo est un personnage haut en couleur qui ne se laisse pas marcher sur les pieds (sauf parfois par sa propre mère).

« A Taste of Honey » prend un malin plaisir à enfoncer tous les tabous de la Grande-Bretagne de l’après-guerre. Les relations inter-raciales (le film introduit le premier baiser interracial au cinéma !), l’homosexualité (qui n’est pas encore dépénalisée et n’est pas ici « nommée » – il faudra pour cela attendre « Victim » deux ans plus tard), la sexualité et la maternité juvéniles, la pauvreté crasse des classes dites populaires,…

Mais la pièce de Shelagh Delaney, et le film, portent tous ces éléments avec un naturel désarmant, renforcé à la fois par la personnalité de l’auteur (une jeune femme de 19 ans de Salford dont c’est la première pièce) et à l’écran par la prestation d’une toute jeune actrice de 17 ans, une inconnue de Liverpool au physique atypique qui décroche le rôle suite à une audition publiée dans les petites annonces locales et qui deviendra une icône des années 60, Rita Tushingham.

Dans le rôle de la mère carnivore, Helen, on retrouve Dora Bryan qui a débuté sur les écrans chez Carol Reed (dans « Odd Man Out » et « The Fallen Idol« ). Avec le temps, elle est devenue l’un des visages réguliers du petit et grand écran, jusqu’à sa retraite en 2006. La « grande soeur » de Jo est interprétée par Murray Melvin, acteur au visage anguleux que vous avez croisé dans de nombreux films, notamment à plusieurs reprises chez Ken Russel (Lisztomania, The Boy Friend, The Devils,…). Paul Danquah, l’acteur noir qui joue Jimmy, aura une carrière bien plus courte, ne décrochant par la suite que des figurations. Il fera sa dernière apparition sur les écrans en 1967.

La réalisation de Tony Richardson est terre à terre, sans artifice, précise. Il signera encore dans le genre du drame social un autre classique « The Loneliness of the Long Distance Runner » (1962) avant de surprendre tout le monde avec la comédie en costume « Tom Jones » (1963) puis de partir vers d’autres horizons cinématographiques des deux côtés de l’Atlantique.

Le film est ressorti en 2018 en version restaurée par le BFI (avec des sous-titres optionnels en anglais). À noter qu’il existe un DVD français, sorti chez Doriane Films en 2008 mais qui est aujourd’hui difficilement trouvable.

DVD / Blu-ray UK. Studio BFI (2018). Version originale avec des sous-titres optionnels. Bonus : Walter Lassally Video Essay (2002, 21 mins), 50th Anniversary Q&A With Rita Tushingham, Murray Melvin and Walter Lassally (2011, 25 mins), A Taste of Honey From Stage to Screen – A Journey With Murray Melvin (2018, 25 mins),…