Troisième film et troisième chef-d’oeuvre de Jack Clayton, « The Pumpkin Eater » dissèque avec une précision remarquable la place de la femme en tant que mère, épouse mais également individu à part entière !
The Pumpkin Eater (1964)
(Le mangeur de citrouilles)
Réalisé par Jack Clayton
Ecrit par Harold Pinter d’après le roman de Penelope Mortimer
Avec Anne Bancroft, Peter Finch, James Mason, Maggie Smith, Janine Gray,…
Directeur de la photographie : Oswald Morris / Direction artistique : Edward Marshall / Montage : Jim Clark / Musique : Georges Delerue
Produit par James Woolf
Drame
UK
Jo (Anne Bancroft) est mariée et mère de nombreux enfants quand elle rencontre Jake (Peter Finch). Ce dernier, malgré les enfants, décide de l’épouser. Alors que Jake devient un scénariste célèbre, et qu’ils ont un fils ensemble, Jo se sent de plus en plus vide, seule, et devient dépressive et jalouse, accusant Jake d’avoir des liaisons extra-conjugales. Quand Jo annonce qu’elle est à nouveau enceinte, Jake refuse et lui propose de se faire avorter.
« The Pumpkin Eater » est adapté d’un roman semi-autobiographique de Penelope Mortimer sorti deux ans plus tôt. Mortimer était une collaboratrice de « New Yorker » qui a écrit plusieurs romans. Mère de six enfants, elle raconte dans « The Pumpkin Eater » plus ou moins les tensions de son mariage avec John Mortimer, lui-même écrivain et scénariste à succès, alors qu’elle avait déjà 4 filles (deux d’un précédent mariage et deux de relations extra-conjugales). Ils auront à nouveau deux enfants ensemble. Puis elle avortera d’un septième enfant et se fera stériliser à la demande de son mari. Son mariage avec Mortimer s’achèvera par un divorce en 1971.
Jake Clayton, qui avait déjà travaillé avec John Mortimer sur « The Innocents » (1961), prit contact avec Penelope Mortimer peu de temps après la parution du livre, lui disant qu’il serait « heureux de tirer un épouvantable film de son livre épouvantable ». Une approche un peu particulière, mais Mortimer donna son accord. À l’époque, Clayton avait déjà signé après tout deux merveilleux portraits de femmes dans « Room at the Top » (1959) avec Simone Signoret et « The Innocents » avec Deborah Kerr.
Quand Clayton demanda à Mortimer quel était le sujet du film, elle répondit « l’argent ». Une réponse qui laissa perplexe le réalisateur qui ne se laissa pas pour autant décontenancer. Il propose au célèbre dramaturge et scénariste Harold Pinter d’en signer l’adaptation. Largement présent sur le petit écran britannique depuis le tout début des années 60 (via des adaptations de ses pièces ou des scénarios originaux), il voit en 1963 sa pièce « The Caretaker » adaptée par Clive Donner et il signe l’adaptation du roman de Robin Maugham pour sa première collaboration avec Joseph Losey avec « The Servant« .
Comme le remarque avec justesse l’universitaire Melanie Williams dans le livret du film édité en Blu-Ray par Powerhouse, « The Pumpkin Eater » est étrangement absent des listes des meilleurs films britanniques et reste assez ignoré aujourd’hui. Trop proche du cinéma européen, et notamment de celui d’Antonioni ? Trop ambitieux ? Aurait-il été indécent de reconnaÎtre à Clayton la possibilité d’avoir signé avec son troisième film un troisième chef d’oeuvre ? « The Pumpkin Eater » réunit un nombre incroyable de talents qui donnent le meilleur d’eux-mêmes. La construction, faite de flash-back, est audacieuse, les dialogues de Pinter très précis et économes, la réalisation de Clayton irréprochable, et l’actrice américaine Anne Bancroft qui a fait le forcing pour décrocher le rôle, est brillante. Ajoutez à cela la prestation de Peter Finch et de nombreux seconds rôles notables, notamment James Mason et Maggie Smith, et vous obtenez pourtant un classique indéniable et indémodable.
« The Pumkin Eater » nous offre une dissection du couple, de la place de la femme en tant que mère et épouse, qui évite tout simplisme et tout raccourci. Un portrait de femme complexe, exceptionnellement rare pour son époque où l’on parle de dépression, d’infidélité, du besoin d’enfant (mais aussi des sentiments parfois complexes de la mère vis à vis de ses propres enfants, de stérilisation et d’avortement). Dans ce portrait centré sur la mère-femme, le mari Jake ne joue pas pour autant le rôle du méchant de service, même s’il pousse à l’avortement et s’il trompe sa femme. Le couple, ce n’est pas une simple union de deux personnes, il y a des histoires personnelles passées et futures, un entourage, des amis, des parents, éventuellement des enfants donc. Il ne donne pas de réponses, il pose juste des questions à travers des portraits justes.
Aujourd’hui, on peut donc revoir « The Pumkin Eater » dans des conditions idéales, en Blu-Ray (avec des sous-titres anglais) grâce à l’éditeur britannique Powerhouse Films. Et malgré son édition dézonée limitée à 3.000 exemplaires, deux ans et demi après sa parution, on peut encore le trouver (en juillet 2020) sur la boutique de l’éditeur. Un comble qui amène à se poser des questions sur l’état de la cinéphilie ! Précipitez-vous, bon sang !
Blu-Ray UK. Studio Powerhouse (2017). Edition limitée à 3.000 exemplaires. Version originale avec des sous-titres optionnels en anglais. Bonus : livret, interviews