Un drame horrifique fort avec une ambiance travaillée sur une thématique post MeToo mais qui manque parfois de subtilité aussi bien sur la forme que sur le fond
She Will (2021)
Réalisé par Charlotte Colbert
Ecrit par Kitty Percy et Charlotte Colbert
Avec Alice Krige, Kota Eberhardt, Malcolm McDowell, Rupert Everett,…
Direction de la photographie : Jamie Ramsay / Production design : Laura Ellis Cricks / Montage : Mátyás Fekete et Yorgos Mavropsaridis / Musique : Clint Mansell
Produit par Bob Last et Jessica Malik
Drame / Horreur
95mn
UK
Opérée d’une double mastectomie, une ancienne star de cinéma Veronica Ghent (Alice Krige) décide de se réfugier le plus loin possible des médias, d’autant que le réalisateur Eric Hathbourne (Malcolm McDowell) est en train de préparer un remake de son premier film, culte, qu’elle a tourné avec lui alors qu’elle était encore mineure. Accompagnée par une aide soignante, Desi (Kota Eberhardt), elle a réservé une retraite solitaire au fin fond des Highlands. Mais arrivée sur place, elle se rend compte qu’il y a d’autres pensionnaires. Ancienne terre de sorcellerie et de mines à charbon, la terre noire y a la réputation d’être un mélange de charbon et de cendres de toutes les femmes qu’on y a brulées. Veronica ne tarde pas à avoir des hallucinations mais aussi à ressentir un certain pouvoir.
« She Will » est le premier long de Charlotte Colbert, une franco-britannique passée par la London Film School. Elle s’ajoute à la longue liste de réalisatrices qui n’hésitent plus à aborder un genre qui était auparavant le monopole des hommes, et ça dès leur premier long métrage. Côté britannique, on pensera ces dernières années à Corinna Faith (« The Power« , 2021), Prano Bailey-Bond (« Censor« , 2021) ou encore Rose Glass (« Saint Maud« , 2019). Chacun de ces films est par ailleurs construit autour d’un personnage féminin.
Mais dans « She Will », ça a une signification d’autant plus forte que le film est centré sur la féminité. La perte d’abord (la double mastectomie), les blessures profondes (les maltraitances) voire l’annihilation pure et simple (la mise à mort des femmes accusées de sorcellerie). Puis la reconstruction par la vengeance mais aussi la maternité (la relation entre Veronica, une femme sans enfant, et Desi, une jeune femme sans mère).
Charlotte Collbert livre un drame horrifique avec de grandes qualités. Les deux actrices principales (la sud africaine Alice Krige et l’Américaine Kota Eberhardt) font des merveilles dans leurs rôles respectifs. La photographie et l’ambiance sonore sont très travaillées. Et le film garde une cohérence de discours jusqu’au bout sur la masculinité toxique dans une perspective affirmée post MeToo. Mais le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’y va pas avec beaucoup de subtilité en matière de symbolique (comme « Men » d’Alex Garland, sorti l’année suivante, sur un sujet similaire). De même sur la forme avec une chouette musique mais (trop) omniprésente et des effets visuels (trop) appuyés. Ces deux aspects étant traités dans la tradition des codes du genre mais sans grande imagination, ni volonté de se distinguer.
Les personnages secondaires sont également un peu vides, voire caricaturaux (dans le cas du réalisateur joué par Malcolm McDowell et de l’artiste excentrique incarné par Rupert Everett). Les amateurs d’horreur seront par contre intéressés de savoir que le film a été adoubé par le maitre Italien Dario Argento (dont le nom apparait en premier au générique sous la forme d’un « Dario Argento presents ») et qui officie en tant que producteur exécutif (un titre honorifique en matière de cinéma).
« She will » a obtenue le léopard d’or au festival du film de Locarno, et est sorti en salles dans plusieurs pays dont la Grande Bretagne, les USA et la France (le 20 novembre 2022). Il est allé actuellement disponible sur Amazon Prime Video où il est encore disponible à l’heure où j’écris ces lignes.