En pleine période du phénomène des « video nasties », une censeuse perd les pédales. Un film d’horreur psychologique un peu trop classique sur une idée prometteuse.


Censor (2021)

Réalisé par Prano Bailey-Bond

Ecrit par Prano Bailey-Bond et Anthony Fletcher

Avec Niamh Algar, Michael Smiley, Nicholas Burns, Vincent Franklin, Sophia La Porta,…

Direction de la photographie : Annika Summerson / Production design : Paulina Rzeszowska / Montage : Mark Towns / Musique : Emilie Levienaise-Farrouch

Produit par Helen Sara Jones pour Silver Salt Films, BFI Film Fund, Ffilm Cymru Wales

Horreur

84mn

UK

Dans les années 80, Enid (Niamh Algar) travaille pour le bureau de censure britannique et doit visionner les films d’horreur, de plus en plus violents, produits pour le marché naissant des vidéos club. En apparence équilibrée, la jeune femme perd pied quand un producteur envoie pour examen une cassette qui raconte l’histoire de deux soeurs qui se perdent dans la foret. Ce film fait ressortir un passé traumatisant (la disparition de sa soeur dans elle ne se souvient pas des détails). Parallèlement, elle se retrouve sous les projecteurs quand un film dont elle a autorisé la sortie est accusé d’avoir inspiré un crime odieux.

« Censor » nous plonge dans une époque célèbre pour toute une génération de cinéphiles, celle des vidéos clubs et de leurs films parfois improbables au contenu provoquant. Au Royaume-Uni, le pouvoir va se saisir de la question. Des raids de police médiatisés ont lieu dans les vidéoclubs et en 1983 les autorités vont publier une liste de 72 films interdits, les fameux « video nasties ». Ce qui ne va pas empêcher les médias conservateurs (comme le Daily Mail) de continuer à accuser les censeurs d’être trop laxistes.

L’idée de faire un film d’horreur autour d’un de ces fameux censeurs est excellente. Le British Board of Film Censors (BBFC), qui depuis a préféré remplacer « censors » par « classification », est un élément clé qui a accompagné la révolution des moeurs à partir des années 60, avec parfois de gros accrocs sur les limites de l’expression artistique. Où couper, telle est la question.

« Censor » rappelle sur le principe le « Berberian Sound Studio » (2012) de Peter Strickland où Toby Jones incarne un spécialiste des effets sonores qui travaille pour un studio italien produisant des films d’horreur.

Mais là où « Berberian Sound Studio » adoptait un côté arty qui a pu charmer ou agacer les spectateurs, « Censor » est formellement et narrativement beaucoup plus classique. Il s’agit du premier long métrage de la galloise Prano Bailey-Bond, qui jusque là a travaillé sur plusieurs courts à divers postes. Ici, elle a donc décidé de signer un divertissement horrifique bien fichu, clin d’oeil à une époque. L’ambiance est réussie et l’irlandaise Niamh Algar (vue récemment dans la mini série de Shane Meadows « The Virtues ») est parfaite dans le rôle principal.

On pourra toutefois regretter que Prano Bailey-Bond n’ait pas glissé plus de subtilité dans le portrait de Enim et n’ait pas creusé davantage le sujet des « video nasties » pour fournir un résultat un chouia plus riche. Il y avait matière.

« Censor » a été présenté dans différents festivals (dont Sundance en janvier 2021). Pour l’instant (juin 2021), l’éventualité d’une sortie dans les salles ne peut être écartée, mais il est probable qu’il arrive directement en VOD sur la plupart des territoires.