Une fantaisie acide sur la perte des illusions, une capsule temporelle de la fin des années 60 portée par la débutante Geneviève Waïte.
Joanna (1968)
Ecrit et réalisé par Michael Sarne
Avec Geneviève Waïte, Glenna Forster-Jones, Christian Doermer, Calvin Lockhart, Donald Sutherland,…
Direction de la photographie : Walter Lassally / Direction artistique : Michael Wield / Montage : Norman Wanstall / Musique : Rod McKuen
Produit par Michael Laughlin pour Laughlin Film Productions
Comédie dramatique
108mn
UK/USA
Joanna (Geneviève Waïte), une jeune provinciale de 17 ans, débarque à Londres pour suivre des courts d’art. Mais bientôt elle préfère sortir et profiter de la vie de la capitale.
Joanna débarque dans un Londres en noir et blanc mais à son arrivée la ville reprend des couleurs. On ne peut pas manquer Joana avec son pantalon rouge vif assortit à ses deux grosses valises, et son blouson blanc sur lequel est inscrit derrière « Joanna » en lettres imposantes !
Elle arrive chez sa grand-mère, à qui elle livre une dizaine de pots de confiture confiés par sa mère, avant de se précipiter dans le bain et de se préparer pour sortir avec des amis.
Joanna a des rêves étranges. Elle rêve ainsi qu’elle roule en voiture sur la plage avec sur le fauteuil du passager son père égorgé.
Parmi ses nombreux petits amis, son professeur, le peintre Hendrik (Christian Doermer), un aristocrate excentrique Lord Peter Sanderson (un Donald Sutherland parfait) atteint d’une leucémie et qui compte profiter de la vie qui lui reste ou encore Gordon (Calvin Lockhart) un Noir africain, propriétaire d’un bar qui fricote avec les mauvaises personnes et frère de son amie Beryl (Glenna Forster-Jones).
Joanna et Beryl passent leur temps à voler des vêtements dans les magasins à la mode et à coucher avec n’importe qui. Mais elles finissent chacune par s’attacher. Beryl s’entiche du lord et Joanna croit avoir rencontré le grand amour avec Gordon.
Les hommes autour d’eux n’aiment pas toujours cette liberté. Ainsi le peintre Hendrik qui couche lui-même avec le plus de filles possible, juge leur comportement :
« Elles m’attristent parfois, ces filles. Elles couchent avec n’importe qui, vont nulle part, n’ont aucun but. On a parfois l’impression que ce que les femmes ont obtenu avec l’émancipation c’est le privilège de coucher ».
De son côté, Gordon frappera Joanna quand celle-ci ira revoir Hendrick. On sait jamais. C’est son ex quand même. Le sexe est libéré, mais finalement pas tant que ça. Les vieux schémas guettent au premier virage.
« Joanna » fait partie des capsules temporelles filmiques. Il capture parfaitement une insouciance sur le déclin. Le Swinging London a perdu de son innocence. Pour être cool, désormais il faut être cynique.
Le film est signé Michael Sarne, jeune publicitaire et acteur occasionnel qui eut l’idée du scénario en discutant avec une petite amie occasionnelle, Joanne, alors qu’il tournait un court métrage dans le sud de la France « Road to Saint Tropez » (1966). Joanne est une jeune anglaise, libre, qui parle sans complexe de ses nombreux partenaires et de sa cleptomanie.
Fasciné par le personnage, Sarne propose un film sur le personnage de Joanne à la Fox. Cette dernière avait financé et fait un peu d’argent avec son court métrage, le travelogue ironique « Road to Saint Tropez ». Il propose de tourner un « Alfie » au féminin. La Fox accepte et à sa grande surprise lui confie un budget d’un million de dollars.
« Joanna » est une fantaisie acidulée avec un arrière goût amer. Derrière toutes ces couleurs et ces musiques emportées qui accompagnent une apparente liberté, se cache une réalité un peu sordide. Comme dans « Alfie » (1966), le sujet de l’avortement est traité mais bien moins frontalement. La mort rôde (annoncée par un retour au noir et blanc). La tromperie, la séparation font partie du quotidien.
« Joanna » ne se conclut par pour autant sur une note pessimiste mais en chanson avec un effondrement du quatrième mur. Joanna n’est pas condamnée, elle l’a dit elle-même, elle reviendra.
Fraichement arrivée d’Afrique du Sud, Geneviève Waïte fait ici sa deuxième apparition sur les écrans, et décroche sa seule tête d’affiche. Elle a été choisie pour sa ressemblante à la fameuse icône des années 60, Twiggy. De fait, le personnage de Joanna, une jeune fille innocente avec une voix enfantine est presqu’un archétype de la femme cool de l’époque, le fameux « bird » dont parlait Alfie deux ans plus tôt. Geneviève Waïte quittera bientôt le cinéma, et s’installera aux Etats-Unis ou elle épousera John Phillips, le chanteur du groupe folk américain, The Mamas & The Papas. On apprécie également d’avoir deux acteurs d’origine africaine – les excellents Glenna Forster-Jones et Calvin Lockhart qui seront à nouveau réunis deux ans plus tard au générique de « Leo The Last« – et qui ne sont pas dans des rôles typés gens de couleur (ici leur couleur de peau n’importe pas vraiment). C’est assez rare à l’époque pour le signaler (rappelons que « Devine qui vient dîner? » est sorti l’année précédente).
Combo DVD/Blu-ray UK. Studio BFI, collection BFI Flipside (2011). Version originale avec des sous-titres anglais optionnels. Bonus : livret 22 pages, interview avec Michael Sarne (16 mn), court métrage « Road to Saint Tropez » (1966, 31 mn), « Death May Be You Santa Claus » (1968, 37 mn)
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