Review of: Hanna Caulder
Western:
Burt Kennedy

Reviewed by:
Rating:
4
On 5 juin 2024
Last modified:5 juin 2024

Summary:

Un chouette western atypique avec un rôle féminin fort, une rareté ! Le film mêle audacieusement les genres, ce qui pourra plaire (ou pas)

Un chouette western atypique avec un rôle féminin fort, une rareté ! Le film mêle audacieusement les genres, ce qui pourra plaire (ou pas)

Hannie Caulder (1971)

(Un colt pour trois salopards)

Réalisé par Burt Kennedy

Ecrit par David Haft et Burt Kennedy d’après une histoire de Peter Cooper

Avec Raquel Welch, Robert Culp, Ernest Borgnine, Jack Elam, Strother Martin, Christopher Lee, Diana Dors,…

Direction de la photographie : Edward Scaife / Direction artistique : José Algueró / Montage : Jim Connock / Musique : Ken Thorne

Produit par Patrick Curtis pour Tigon British Film Productions

Western

85mn

UK

Si le western n’est pas vraiment un genre courant dans le cinéma britannique, la Grande Bretagne a néanmoins participé au genre sporadiquement dès les tous débuts du cinéma et de manière souvent décalée. Je vous ai déjà parlé ici de quelques exemples comme « The Singer Not the Song » (1961) et « Charley One-Eye » (1971).

« Hannie Caulder » ne démérite pas en plaçant une femme vengeresse en personnage principal, bien loin de l’écrasante majorité du genre où les mâles dominent. Ici, c’est l’inverse : les rôles masculins ne sont qu’accessoires et affichent une misogynie décontractée mais contredite par les actions et la répartie de l’héroïne : entre le trio de méchants ridicules et le chasseur de primes qui prendra Hannie sous son aile, tout en regrettant qu’elle ne se limite pas à son rôle de femme.

« Hannie Caulder » est un projet apporté à Tigon par Patrick Curtis, producteur alors marié à Raquel Welch. Cette dernière venait de subir un gros échec critique et public aux USA avec l’étrange « Myra Breckinridge » (1970) où elle joue un transexuel (!) et un retour en Grande-Bretagne ne semblait pas une mauvaise idée. Après tout, elle y avait déjà tourné « One Million Years B.C. » (1996), « Bedazzled » (1966) ou encore « Fathom » (1968).

De son côté, son mari avait déjà travaillé avec Tigon sur « The Sorcerers » (1967). Pour Tony Tenser, le producteur de Tigon, c’était l’occasion de réaliser un rêve d’enfance. Il était toutefois réticent à caster Raquel Welch dont le profil de sex symbol international risquait de faire gonfler le budget bien au-delà des habitudes de Tigon spécialisée dans les productions de genre à petit budget. Mais quand Curtis et Welch acceptent de se contenter d’un pourcentage sur les profits, Tenser donne son feu vert.

Contrairement à l’usage dans les westerns spaghettis, Tigon et David Curtis décident d’importer les principaux talents d’outre atlantique. Choisi pour occuper le siège du réalisateur, Burt Kennedy est un habité des westerns, aussi bien en tant que scénariste et réalisateur qui a travaillé avec les grands du genre comme l’inévitable John Wayne sur « The War Wagon » (1967). Il vient tout juste de réaliser sa deuxième comédie western avec James Garner (« Support Your Local Gunfighter »).

Pour le casting, tous les acteurs principaux viennent d’outre atlantique, Robert Cult (qui sortait de la série à succès « I Spy ») dans le rôle du chasseur de primes ou le trio Ernest Borgnine, Jack Elam et Strother Martin, tous ayant marqué de leurs tronches improbables les grands westerns américains. Par ailleurs Borgnine et Martin avaient tous deux participé à « The Wild Bunch » (1969) qui avait redéfini la violence et la représentation de l’époque dans le western américain (suivant en cela le changement radical initié par les westerns italiens).

Et ça tombe bien, car niveau violence, « Hannie Caulder » ne fait pas vraiment dans la dentelle. Les protagonistes ont la gâchette facile et le sang gicle. Quant au moment déclencheur du film il s’agit d’un viol sauvage en groupe par les trois brigands de l’héroïne après avoir tué son mari. Cet élément déclencheur et les événements qui vont suivre s’inscrivent dans le sous-genre du « Rape and Revenge », tandis que la relation Hannie Caulder- Thomas Price est dans la tradition de « Pygmalion » de G.B. Shaw (voir le film de 1938) et que la relation entre les trois frères brigands emprunte à la comédie type Marx Brothers. Alors évidemment ça fait beaucoup pour un film de 85mn !

Niveau casting, il faut noter la présence de deux britanniques qu’on ne s’attendait pas forcément à retrouver dans un western : Christopher Lee, très heureux de pouvoir échapper aux traditionnels rôles de vampire qu’on s’évertue à lui proposer, et Diana Dors, qui connait une traversée du désert dans les années 70, mais dont le rôle aurait été raccourci au montage.

Le tournage a lieu à Almería en Andalousie, la capitale du western européen. Une équipe très réduite est envoyée sur place (une petite dizaine en comptant les acteurs). Le reste est recruté sur place. L’ambiance vire au vinaigre entre le réalisateur et les producteurs qui ont une vision différente du film, le tournage prend du retard et l’argent s’épuise (le film sera sauvé par une contribution de la Paramount qui achète les droits de distribution outre-atlantique). Pour des raisons d’économie, les rushs ne sont pas visionnés sur place et envoyés directement en Angleterre, ce qui ne semble pas trop gêné le réalisateur en mode « je sais ce que je tourne ». Si Tony Tenser a eu des sueurs froides, il peut se rassurer devant les images qu’il reçoit et puis une fois le tournage fini, Patrick Curtis rentre aux USA et laisse la post-productions dans les mains de Tigon.

A sa sorite, les critiques et le public resteront globalement perplexes devant ce mélange des genres et certains jugeront durement la prestation de Raquel Welch, pourtant loin d’être déshonorante. Malgré tout, le film, dont la promotion s’est largement appuyée sur le sex appel de Raquel Welch (même si le film en lui-même reste très chaste), fera une carrière honorable.

Personnellement, j’ai beaucoup apprécié ce « Hannie Caulder » qui adopte un ton assez original pour l’époque avec un personnage féminin qui s’éloigne des clichés du genre et un casting aux petits oignons (dont Raquel Welch !).  Le britannique Edward Scaife livre une belle photographie, par ailleurs bien mise en valeur dans l’édition en blu-ray du film chez 88Films (qui fait par ailleurs un beau boulot d’édition avec une collection « Tigon » très attendue).

Blu-ray UK. Edition 88 Films (2024). Version originale avec des sous-titres optionnels en anglais. Bonus : livret de 36 pages, interviews, bande annonce