Une romance mélancolique et douce-amère avec une réalisation réaliste-poétique très maitrisée de Desmond Davis et un excellent trio d’acteurs

Girl with Green Eyes (1964)

(La fille aux yeux verts)

Réalisé par Desmond Davis

Ecrit par Edna O’Brien d’après son roman

Avec Peter Finch, Rita Tushingham, Lynn Redgrave, Marie Kean,…

Direction de la photographie : Manny Wynn / Direction artistique : Edward Marshall / Montage : Brian Smedley-Aston / Musique : John Addison

Produit par Oscar Lewenstein pour Woodfall Film Productions

Drame / Romance

UK

Filles de la campagne irlandaise où elles ont grandi ensemble, Kate (Rita Tushingham) et Baba (Lynn Redgrave) partagent une chambre à Dublin. Kate tombe amoureuse d’un écrivain plus âgé Eugène (Peter Finch) qui vit seul dans la campagne. Leur relation démarre doucement, Eugene étant réticent de s’engager, ne serait-ce que vu leur différence d’âge. Mais Kate insiste, même si le passage à l’acte sexuel est compliqué pour elle, engoncée dans son éducation catholique et dans ses doutes sur l’implication d’Eugène envers elle. D’autant qu’elle apprend qu’Eugène est marié et a une fille qui vivent en Amérique. Le père de Kate surgit peu après à Dublin, alerté de la liaison de sa fille par une lettre anonyme. Il la force à rentrer à la ferme où elle a grandi. Mais Kate, toujours amoureuse, s’échappe et rejoint Eugène.

« Girl with Green Eyes » est une romance intergénérationnelle entre une jeune femme, simple et catholique, et un homme plus âgé, athée et raffiné. Une histoire d’amour vouée à l’échec, comme ne semble jamais vraiment en douter Eugène qui se plie pourtant aux avances de Kate, séduit par sa joie de vivre et sa simplicité.

L’histoire est adaptée par l’Irlandaise Edna O’Brien du deuxième volume de sa trilogie publiée entre 1960 et 1964. Les livres qui décrivent les vies de deux jeunes femmes irlandaises libérées dans une Irlande prude de l’après-guerre, dénonçant l’hypocrisie religieuse irlandaise et mettant en scène des femmes aux vies sexuelles explicites. Les livres sont interdits et brûlés en Irlande, mais connaissent un grand succès à l’étranger. Ils sont aujourd’hui reconnus comme des classiques de la littérature irlandaise.

Tony Richardson et Woodfall Films Productions, qui triomphent alors sur les écrans avec les films de la nouvelle vague anglaise mettant en scène les classes populaires alors peu représentées à l’écran, décident d’adapter le roman à succès d’Edna O’Brien. Pris par un engagement à New York, Richardson promeut son opérateur caméra sur « A TAste of Honey » (1961) et « Tom Jones » (1963), Desmond Davies, au poste de réalisateur. Une sacrée aubaine et promotion pour Davis, qui a gravi tous les échelons depuis ses débuts comme deuxième assistant-opérateur au milieu des années 40 (il travaillera notamment sur « The African Queen » pour John Huston).

Desmond Davies aura par la suite une carrière assez riche pour la télévision et le cinéma, et se retrouvera même à la tête d’une grosse production « Clash of the Titans » en 1981. Il retravaillera à nouveau avec Edna O’Brien sur « I Was Happy Here » (1966) puis sur l’adaptation du premier roman de la trilogie « The Country Girls » pour Channel 4 en 1983 (téléfilm qui n’a toujours pas été édité en DVD à ce jour).

Niveau casting, Richardson réembauche celle qu’il a fait découvrir dans « Taste of Honey », Rita Tushingham, ainsi que Lynn Redgrave, qui a fait ses débuts à l’écran dans un petit rôle sur « Tom Jones ». Les deux actrices collaboreront à nouveau avec Davis sur la comédie musicale « Smashing Time » (1967). L’anglais Peter Finch, qui tourne la même année le fantastique « The Pumpkin Eater » pour Jack Clayton, fait ici sa seule apparition dans un film de la nouvelle vague anglaise. Il est toujours formidable (sauf quand il essaie de parler français !).

Si « The Girl with Green Eyes » est un sans faute niveau réalisation (avec une touche de poésie bienvenue et de belles idées de mise en scène) et niveau casting, son sujet a perdu son aura de provocation qu’il avait pu avoir à l’époque pour le public le pus conservateur. Mais O’Brien et Davis ne semblent pas avoir eu comme première motivation de choquer. Le conservatisme irlandais et les intellectuels prétentieux en prennent pour leur grade mais le film, via la relation entre Kate et Eugène, dégage surtout une tendresse et une forme de nostalgie. Aussi impossible soit leur relation eu égard de leur environnement et de leurs histoires de vie respectives, leur amour et leur tendresse réciproques (dans une relation quasi père-fille) est touchante.

Un film de transition pour Woodfall Films, qui tout en restant dans le contemporain (contrairement à « Tom Jones ») s’écarte ici des sujets sociaux pour signer une romance douce-amère. Ce qui explique aussi pourquoi le film est aujourd’hui un peu oublié par rapport à ses prédécesseurs au style « nouvelle vague » plus marqué. On est assez loin dans le ton et la forme des classiques « Look Back In Anger » (1959),  « Saturday Evening and Sunday Morning » (1960), « A Taste of Honey » (1961), « The Loneliness of the Long Distance Runner » (1962) ou encore « The Sporting Life » (1963).

DVD et Blu-ray UK. Studio BFI (2018). Version originale avec des sous-titres opérationnels en anglais. Bonus : interview avec Rita Tushingham et Desmond Davis, commentaire audio, trailer, courts-métrages « Food for a blluuussshhhh » (1959) et « The Peaches » (1964)