Mort à 97 ans, le canadien Avlin Rakoff, installé en Grande-Bretagne dès 1952, a eu une carrière s’étalant sur pas moins de sept décennies au théâtre à la télévision et au cinéma
Alvin Rakoff (1927-2024)
Né à Toronto en 1927, c’est par l’intermédiaire de la Canadian Broadcasting Corporation (CBC) qu’Alvin Rakoff débarque à Londres en 1952 à l’âge de 25 ans. Il commence dès l’année suivante à travailler pour la BBC, enchainant les téléfilms et les épisodes de série. Durant une carrière sur les écrans qui s’étalera sur cinq décennies jusqu’en 1997, il aura l’occasion de travailler sur de nombreuses productions de ITV et de la BBC ou encore de Channel 4 (son dernier crédit en tant que réalisateur étant pour la mini-série à prestige « A Dance to the Music of Time« ). Sans parler de son travail de metteur en scène au théâtre qui s’est étalé également sur six décennies de « Hamlet » en 1965 pour l’Old Vic de Bristol à « A Sentimental Journey – The Story of Doris Day » et « The Big Sleep » en 2011,…
Mais revenons au début, c’est à dire dans les années 50. Son travail à la BBC est rapidement l’objet de toutes lest attentions, notamment grâce au drame « Waiting for Gillian » (1954) qui remporte un National Television Award. En 1957, il donne le rôle principal à un inconnu, Sean Connery, dans l’adaptation d’un téléfilm américain « Requiem for a Heavyweight » pour l’anthologie « BBC Sunday-Night Theatre ».
Sur ce début de carrière à la télévision, il écrira plus tard :
« De nos jours, les gens s’imaginent probablement que les premiers drames de la BBC étaient fades et sans intérêt. Mais en réalité, il y a eu à cette époque beaucoup plus d’œuvres dramatiques percutantes et fortes qu’à aucun autre moment dans l’histoire de la télévision. Au début des années 50, il y a eu une réaction violente contre les films hollywoodiens et les pièces de théâtre « de salon » du West End. Un mouvement tangible a commencé vers le réalisme, mené par les séries télévisées (…) Les séries télévisées traitaient des sans-abris, de la corruption des politiciens et du caractère impie de l’Église. Et plus encore. Je produisais/réalisais (et parfois écrivais) des œuvres sur des sujets incroyablement poignants »
Mais Rakoff aura rapidement l’occasion de tourner pour le grand écran, signant son premier film, « Passport to Shame« , un superbe film noir sur l’univers de la prostitution à Londres, sorti en 1958, avec à l’affiche Eddie Constantine Diana Dors et Herbert Lom. L’année suivante, il retrouve ce dernier dans une co-production britannico-allemande, le thriller d’aventures « The Treasure of San Teresa » (1959), censé se dérouler en Tchécoslovaquie mais tourné en studio en Angleterre. Rakoff enchaine toujours les projets pour la télévision,, mais il va tourner en Allemagne en 1960 le thriller « The World in My Pocket » où une jeune femme interprétée par Nadja Tiller loue les services de criminels pour détourner un fourgon de l’armée américaine vers Marseille.
En 1962, il tourne le téléfilm « The Largest Theatre in the World: Heart to Heart« , sur un texte de Terence Rattigan, avec un joli casting : Kenneth More, Ralph Richardson et Angela Baddeley.
En 1964, il tourne l’un de ses films les plus intéressants « The Comedy Man » sur un acteur de secondez zone (joué par Kenneth More) tente de percer à Londres. Outre More, on a droit à un casting alll star avec Cecil Parker, Denis Price, Billie Whitelaw et Frank Finlay.
En 1967, il tourne pour la BBC le drame remarqué « Call Me Daddy » avec Donald Pleasance qui lui vaudra un Emmy Awards et qu’il portera trois ans plus tard sur grand écran sous le titre de « Hoffman » avec Peter Sellers à contre-emploi dans le rôle d’un businessman sinistre et solitaire qui loue les services de sa jeune secrétaire pour qu’elle passe une semaine d’intimité avec lui. Cette pseudo comédie romantique glaçante est probablement le film le plus intéressant de Rakoff et vaudra une bonne dépression à Peter Sellers.
Entre temps, il devait réaliser un nouveau film la comédie acide « The Anniversary » (1968) pour la Hammer mais il sera viré au bout de dix jours à cause d’une mésentente avec la star Bette Davies.
Après « Hoffman », il enchaine sur grand écran l’année suivante, en 1971, avec la comédie dramatique « Say Hello to Yesterday » où une femme mariée délaissée (la formidable Jean Simmons) est poursuivie dans Londres par un jeune homme bien décidé à lui offrir une autre vie. Pendant le reste des années 70, il est vrai peu clémentes pour le cinéma britannique, Alvin Rakoff enchaine les téléfilms de prestige pour ITV et la BBC. Il retourne sur le grand écran indirectement avec un portage cinéma de trois épisodes de l’anthologie TV « Classics Dark and Dangerous » (1975) sous le nom de « Three Dangerous Ladies » (1977), surfant sur le phénomène des anthologies horrifiques remises au goût du jour par Amicus (entre autres) au début des années 70.
Mais à la toute fin des années 70 et début des années 80, Rakoff revient au cinéma avec quatre films d’affilée qui ont tous reçu un accueil tiède : le film catastrophe canado-américain « City on Fire » (1979) avec son inévitable casting de stars (Henry Fonda, Ava Gardner, Shelley Winters,..), deux productions britannico-canadiennes : le sous-Indiana Jones britanico-canadien « King Solomon’s Treasure » (1979) et le film d’horreur à bord d’un bateau fantôme (Death Ship, 1980) et enfin la comédie canadienne potache « Dirty Tricks » (1980) avec Elliott Gould.
Ces quatre films sortis sur deux ans marqueront ses dernières incursions sur grand écran. Mais il continuera de travailler pour la télévision de manière soutenue jusqu’à sa retraite en 1997, notamment sur « A Voyage Round My Father » (1982) avec Laurence Olivier et Alan Bates. Téléfilm qui lui vaudra son deuxième Emmy Awards.
Alvin Rakoff est mort le 12 octobre 2024 dans sa maison de Chiswick (achetée en 1971), entouré de sa famille, à l’âge de 97 ans. Il avait récemment publié deux volumes de ses mémoires : « I’m Just the Guy Who Says Action » (2021) et « I Need Another Take, Darling (2022°.
Quelques hommages : The Guardian, Variety, Toronto Star,.. Vous pouvez aussi consulter le site internet officiel d’Alvin Rakoff