L’un des premiers grands films de Carol Reed, une vision naturaliste et sans fard de la vie (et la mort) des mineurs anglais au nom du capitalisme industriel

The Stars Look Down (1940)

(Sous le regard des étoiles)

Réalisé par Carol Reed

Ecrit par J.B. Williams, A. Coppel et A.J. Cronin d’après le livre d’A.J. Cronin

Avec Michael Redgrave, Margaret Lockwood, Edward Rigby, Emlyn Williams, Allan Jeayes, Nancy Price, Cecil Parker,…

Direction de la photographie : Mutz Greenbaum et Henry Harris / Directeur artistique : James A. Carter / Montage : Reginald Beck / Musique : Hans May

Produit par Isadore Goldsmith pour Grafton Films

Drame / Social

UK

Au début des années 40, la dure réalité de la vie dans les mines britanniques, premier employeur dans les années 20, devient un sujet de fiction cinématographique après avoir donné lieu à des documentaires remarqués dans les années 30 signés John Grierson (Industrial Britain, 1933) ou encore Alberto Cavalcanti (Coalface, 1936). Au point qu’Hollywood s’intéresse au sujet avec « How Green was my Valley » (1941) réalisé par John Ford. Mais sur le terrain de la fiction, les britanniques prendront de l’avance avec deux films marquants sortis en 1940 : « The Proud Valley »  et « The Stars Look Down ». Tandis qu’en 1941 sortira l’un des premiers grands films sociaux britanniques – où l’on parle de mines mais pas seulement – « Love on the Dole« .

Carol Reed n’avait que 33 ans quand il tourna « The Stars Look Down ». Même s’il était loin d’être un débutant (il s’agissait de son dixième film !), « The Stars… » va en tout cas marquer un tournant dans sa carrière. Le projet est des plus ambitieux avec ses 100.000£ de budget et un tournage de huit semaines dans une vraie mine à Workington puis dans une reconstitution grandeur nature de la mine et du village sur près de 40.000m2 aux studios de Twickenham puis aux studios de Shepperton.

Dans « The Stars Look Down », adapté du best seller naturaliste d’A.J. Cronin (également auteur de « The Citadel » adapté sur grand écran deux ans pus tôt), nous suivons la famille Fenwick. Robert (Edward Rigby), le père, travaille dans la mine et représente officieusement les mineurs lorsqu’ils se mettent en grève pour empêcher l’exploitation d’un puits dangereux. Mais il passe par la prison quand les mineurs affamés par la grève prennent d’assaut et pillent la boucherie du village.

Le fils ainé de la famille Fenwick, Davey (Michael Redgrave) suit des études supérieures – au grand dam de sa mère Martha (Nancy Price) qui lui reproche de rejeter ses racines – tandis que le cadet travaille dans la mine mais rêve d’une carrière de footballeur.

Idéaliste, Davey veut faire des études supérieures pour pouvoir représenter et aider les mineurs, en bataillant pour la nationalisation des mines. Mais à Tynecastle, il va rencontrer Joe (Emlyn Williams), un jeune mineur qui a fui le village. Joe est devenu bookmaker et lui présente Jenny (Margaret Lockwood), sa petite amie dont il veut se débarrasser. Si Davey tombe amoureux de Jenny, cette dernière se mariera avec lui par dépit. Jeune marié, Davey va devoir mettre en pause ses études et accepter un poste de professeur pour tenter de satisfaire aux besoins de sa femme. Pendant ce temps, le puits dangereux continue d’être exploité et la catastrophe, tellement redoutée, ne va pas tarder à arriver.

S’inspirant du mouvement documentaire, Carol Reed effectue un tour de force quand il reste au plus près de son sujet, nous montrant sans fard la vie difficile des mineurs, leur combat mais aussi leur caractère dur, indomptable et fataliste – parfaitement incarné par le personnage de Martha.

Comme d’autres classiques des années 40, « Major Barbara » et « They Came to a City« , « The Stars Look Down » est aussi une réflexion politique même si à l’image de Davey, qui passe de l’idéalisme au fatalisme, le message est plutôt amer. Le patron comme les syndicats sont mis au même niveau, celui de l’indifférence quant au sort des mineurs. Indifférence tout juste tempérée pour le patron de la mine par un sentiment paternaliste vis à vis de ses ouvriers – et dont le décès à la fin du film en héros a un goût prononcé d’ironie

Malheureusement, le film est déséquilibré par la place centrale occupée dans le récit par la relation amoureuse contrariée entre Davey et Jenny. On peut contester aussi le choix de Margaret Lockwood bien trop glamour pour le personnage de Jenny, jeune fille de la ville qui s’ennuie dans le village minier et rêve de devenir une bourgeoise. Enfin le film commet une faute de goût en s’ouvrant et se clôturant sur une voix off, pseudo lyrique, tout à fait dispensable.

Ceci dit, le retour dans la mine à la fin donne lieu à des séquences impressionnantes et Carol Reed réussit à éviter tout sentimentalisme facile avec une fin sans concession et sans rédemption.

Le film a reçu un très bon accueil auprès du public et de la critique britanniques. S’il a été également bien reçu par la presse américaine, sa distribution outre-atlantique va être bloquée par la 20th Century-Fox qui ne voulait pas que le film britannique débarque sur les écrans américains avant « How Green was my Valley », leur propre production sur un sujet similaire.

Au moment où j’écris cet article (juillet 2025), « The Stars Look Down » est disponible sur Amazon Prime France, mais les sous-titres français générés automatiquement sont incompréhensibles (il faut donc se rabattre une nouvelle fois sur les sous-titres en anglais). La copie est de mauvaise qualité, on espère qu’un éditeur aura rapidement la très bonne idée de restaurer ce film important.