Première collaboration entre Joseph Losey et Harold Pinter, « The Servant » est une oeuvre puissante sur la dialectique du Maître et de l’Esclave.

The Servant

The Servant (1963)

Réalisé par Joseph Losey

Ecrit par Harold Pinter d’après le roman de Robin Maugham

Avec Dirk Bogarde, James Fox, Sarah Miles et Wendy Craig

Directeur de la photographie : Douglas Slocombe

Produit par Joseph Losey et Norman Priggen

Drame

Durée 112 mn

UK

 

Tony (James Fox), jeune aristocrate oisif, engage un homme à tout faire Hugo Barrett (Dirk Bogarde). Ce dernier semble être le majordome parfait, mais lorsque Tony emmène chez lui sa fiancée Susan (Wendy Craig), celle-ci éprouve une antipathie immédiate pour Hugo.

TheServant1963-affiche« The Servant » est la première des trois collaborations entre le réalisateur américain Joseph Losey et le dramaturge-scénariste anglais Nobélisé Harold Pinter, qui sera donc suivi par « Accident« (1967) et « The Go-Between » (1971).

Le sujet principal de « The Servant » est le rapport domination/soumission qu’il soit d’ordre social ou sexuel. Un sujet parfaitement britannique s’il en est. Le film s’amuse à renverser les rapports entre le maître et son serviteur à coup de phrases et de situations a priori innocentes, de gestes et de regards. Tout ça sous le regard du miroir en œil de poisson du living room, véritable oeil de démiurge et cinquième personnage du film, qui réfléchit l’évolution des rapports entre les personnages.

Bien que Tony ait la fortune et la position sociale pour lui, ce n’est qu’un assisté qui s’est entiché d’un projet  (volontairement ?) irréalisable (il est censé partir construire des villes au Brésil) et se satisfait de sa position d’oisif en attendant. La première rencontre entre le serviteur, ponctuel au rendez-vous, avec une allure et la prestance d’un homme d’affaire, qui regarde d’un oeil calculateur et presque dédaigneux son futur maître assoupi dans une chaise, est révélateur du rapport de force qui va bientôt se créer. Hugo prend la main aussitôt, assure sa domination en se rendant indispensable. Le coup de grâce est délivré par l’arrivée de la « soeur » d’Hugo, Vera, jeune femme provocante. Une liaison entre Vera et Tony va naître de l’absence calculée d’Hugo. En couchant avec la soeur de son majordome, Tony se met socialement à son niveau, et perd donc toute excuse de supériorité. Suite au départ de Vera, fausse soeur mais véritable amante, le rapport entre les deux hommes va atteindre des sommets de perversité.

La quasi intégralité du film se déroule dans un décor unique dont le sort va suivre l’évolution de la relation entre les deux hommes : une maison achetée par Tony mais entièrement décorée par Hugo et dont ce dernier va prendre lentement mais sûrement possession.

La caméra de Losey (pilotée par le grand Douglas Slocombe) répond parfaitement aux dialogues de Pinter. Rien n’est laissé au hasard, chaque plan, chaque bout de dialogue est ciselé avec une précision terrifiante. Avec un scénariste/dialoguiste moins talentueux que Pinter, le film aurait pu s’effondrer sous une lourdeur démonstrative. Et Joseph Losey lui-même s’en est probablement rendu compte, déclarant avoir longtemps considéré son précédent film « Eve » (1962) supérieur à « The Servant », qui était selon lui « moins élaboré, moins personnel ».

« The Servant » reste un film majeur du cinéma britannique, et l’une des oeuvres les plus abouties de deux grands artistes. Bien entendu il faut également rendre hommage à la prestation de Dirk Bogarde (qui de plus attira l’attention de Losey sur le script de Pinter écrit à l’origine pour le cinéaste Michael Anderson) et l’alchimie du couple sado masochiste qu’il forme avec James Fox. Enfin, la beauté des images et du noir et blanc doit beaucoup au grand chef opérateur Douglas Slocombe.

Blu-ray ou DVD Studio Canal (2015). Film en version originale sous titrée. Bonus : Interviews :
– James Fox par Richard Ayoade
– Wendy Craig
– Sarah Miles
– Harold Pinter
– Stephen Woolley
Joseph Losey parle de The Servant
Interview audio de Douglas Slocombe
Harry Burton parle d’Harold Pinter
John Coldstream parle de Dirk Bogarde
Joseph Losey et Adolfas Mekas au Festival du film de New York