Un drame sombre sur une (autre) jeunesse perdue, celle des Beatniks dans le Londres du début des années 60. Le film a subit les foudres de la censure, et sort enfin en version quasi originale.
The Party’s over (1965)
Réalisé par Guy Hamilton
Ecrit par Marc Behm
Avec Oliver Reed, Clifford David, Ann Lynn,…
Directeur de la photographie : Larry Pizer
Produit par Anthony Perry
94 mn
Drame
UK
Une jeune Américaine Melina (Louise Sorel) traine avec une bande de beatniks de Chelsea, et attire l’attention du leader du gang, Moïse (Oliver Reed) parce qu’elle se refuse à lui. Tout va déraper quand Carson (Clifford David), le fiancé de Melina, débarque pour la ramener aux Etats-Unis à la demande du père de celle-ci.
« The Party’s Over » est un cas intéressant de film qui s’est heurté de plein fouet à la censure britannique. Finie en 1963, la version soumise au British Board of Censors va se heurter à un mur d’incompréhension. Les censeurs ne comprennent pas le message du film qu’ils voudraient beaucoup plus dur envers le groupe de jeune dépravés décrit dans le film. Après de nombreux échanges entre le producteur et le réalisateur et la commission de censure, Perry et Hamilton finiront par jeter l’éponge. Le film sortira largement amputé deux ans plus tard par un distributeur peu scrupuleux qui le marketera comme un thriller érotique à scandale (voir affiche ci-contre), un après qu’Hamilton soit devenu un réalisateur à succès suite à la sortie de son premier Bond « Goldfinger ». Logiquement, Hamilton fera retirer son nom du générique.
Le British Film Institute s’est procuré l’une des premières versions envoyées au Bureau de censure, mais cela n’a apparemment pas suffit pour que Guy Hamilton accepte de remettre son nom au générique à l’occasion de la sortie du film par le BFI dans sa déjà légendaire collection Flipside.
En l’état, « The Party’s Over » est un film assez étrange (mais s’il ne l’était pas il n’aurait pas sa place dans collection Flipside !). Le film se penche sur le cas des Beatniks, et en dresse un portrait peu amène. Les jeunes qui y sont décris, plutôt de bonne famille , ont rejeté le système et se retrouvent perdus, sans foi, ni loi. Ils passent leur temps à faire la fête et à traîner ivres dans les rues. Dans ce cas précis, le refus de la réalité et leurs jeux infantiles prendront un tour particulièrement macabre.
Comme de nombreux films sur la jeunesse et l’effet de groupe, celui-ci ne fait pas dans la subtilité. Et va assez loin dans sa condamnation de la tentation au nihilisme propre à celui qui doit passer le cap de l’age adulte, mais s’y refuse. Car le message du film est finalement de dire « ok, vous pouvez détester les valeurs de vos parents, mais remplacez-les par quelque chose de concret, pas par du vide ». Il reflète aussi la peur très britannique des mouvements de groupes où les individualités se fondent dans la masse, surtout quand on parle de la jeunesse. Moïse lui-même s’en prendra plusieurs fois à ses suiveurs, les accusant de n’être que des moutons sans personnalité (et c’est d’ailleurs la conclusion du film telle qu’elle a été retenue dans cette version).
« The Party’s Over » présente donc une morale très britannique fondée sur responsabilité individuelle face aux débordements inévitables du groupe. Morale qui pourra choquer l’esprit français contemporain (Ken Loach avec son apologie du groupe solidaire qui n’écrase pas les individualités est quasi un cas à part dans le cinéma et la société britannique). De même que « Violent Playground » (1958) sur la délinquance juvénile ou « The Angry Silence » (1960) sur la pression des forces syndicales dans le milieu ouvrier, « The Party’s Over » se focalise sur la menace engendrée par l’effet de groupe. A la fin, c’est toujours l’individu qui est responsable de ses actes et le groupe fait peser une menace d’irresponsabilité totalement inacceptable aux yeux de la société.
Le Bureau de censure a trouvé que le film était cependant bien trop gentil avec ces jeunes délinquants, et il est évident que quelques scènes avaient en effet de quoi choquer les censeurs de l’époque. Le bureau a donc tenté à la fois de faire couper les scènes trop dures, mais aussi celles qui pourraient donner des excuses ou humaniser les personnages. Pour les censeurs, la seule fin du film valable aurait été l’élimination pure et simple de toute cette bande d’irrécupérables !
Question cinéma, « The Party’s Over » est loin d’être un mauvais film. Les personnages sont intéressants et très bien interprétés (le tout jeune Oliver Reed est très convaincant dans un type de rôle qu’il ne lui était pas totalement inconnu). Le film bénéficie d’une belle photo (et les différences de qualité des négatifs montés pour créer la version actuelle sont visibles mais bien gérées). L’ambiance passe efficacement d’une certaine insouciance à un ton beaucoup plus sombre, tout ça rythmé par la musique de John Barry.
[xrr rating=7/10]
Dual DVD/Blu-ray BFI Flipside. Nombreux bonus + livret. Version originale avec sous titres en anglais.