Une comédie très réussie et une reflexion sur l’art portée par Alec Guinness qui en signe le scénario et endosse le rôle principal
The Horse’s Mouth (1958)
(De la bouche du cheval)
Réalisé par Ronald Neame
Ecrit par Alec Guinness d’après le roman de Joyce Cary
Avec Alec Guinness, Kay Walsh, Renee Houston, Michael Gough, Mike Morgan,…
Direction de la photographie : Arthur Ibbetson / Direction artistique : William C. Andrews / Montage : Anne V. Coates / Musique : Kenneth V. Jones
Produit par John Bryan et Ronald Neame pour Knightsbridge Films
Comédie
97mn
UK
Gulley Jimson (Alec Guinness) sort juste de prison quand il est approché par un jeune fan. Il lui vole son vélo, rentre chez lui (une barque en ruine), s’approche de sa dernière peinture, et décide de la retravailler. Mais il n’a pas plus de peinture et part téléphoner à un certain Mr Hicksons (Ernest Thesiger) pour lui proférer des menaces et lui demander de l’argent. Mais ça ne marche pas et il se retrouve à emprunter 4 livres à Dee Coker (Kay Walsh), une vieille fille qui tient un rade près du port. Jimson lui ayant confié que son ex femme est partie avec toutes ses oeuvres de jeunesse et qu’un millionnaire en offre 400 livres pour un tableau, elle décide d’aller à la recherche de ces oeuvres pour se faire rembourser.
A la fin des années 50, Alec Guinness est un acteur comblé. Reconnu parmi les grands du théâtre classique mais aussi star du cinéma britannique avec les triomphes de ses comédies pour Ealing (dont notamment « Kind Hearts and Coronets » en 1949 et « The Ladykillers » en 1955). Et voici qu’en 1957, Guinness remporte l’Oscar du meilleur acteur pour « The Bridge on the River Kwai » réalisé par David Lean. Au lieu de foncer vers une carrière hollywoodienne qui lui tendait les bras, Guinness enchaine avec des films anglais.
En 1958, le voici par exemple à l’affiche de « The Horse’s Mouth », une comédie où il joue un vieil artiste, qui refuse gloire et argent et se complait dans sa décrépitude alcoolisée et sa folie, harcelant celui qui fut autrefois son mécène et n’en faisant qu’à sa tête. Un film, qui ne lui a pas été proposé, mais qu’il a proposé lui-même au réalisateur Ronald Neame, ancien directeur de la photographie devenu producteur et metteur en scène avec qui il avait eu l’occasion de travailler sur « Olivier Twist » (1948) de David Lean.
Neame n’était guère enthousiaste au début. « The Horse’s Mouth », à la base un livre de l’écrivain anglo-irlandais Joyce Cary publié en 1944, lui ayant déjà été proposé par un autre acteur quelques années plus tôt. Son avis restait le même qu’à l’époque : il s’agit d’un livre infilmable. Mais Alec Guinness insista et proposa d’en écrire lui même le scénario. Comment refuser ?
Le conte cruel qui résulte de l’adaptation de Guinness est formidable. Réflexion sur l’art et l’artiste, mais aussi sur ce qu’il signifie pour le public, « The Horse’s Mouth » est à la fois très drôle et très juste. Alec Guinness n’y va pas de main morte, et plusieurs scènes ainsi que son interprétation sont mémorables.
Étrangement, « The Horse’s Mouth » est un film oublié en dépit de la qualité de l’interprétation de Guinness et du fait qu’il s’agit de son seul scénario. On ne peut s’empêcher de penser à l’écho très personnel de cette réflexion sur l’art, à cette étape de sa carrière où il est propulsé en star internationale. On le sait, Alec Guinness n’aimait pas que les feux des projecteurs lui brulent les ailes. Ce sera le cas à nouveau pour « Star Wars » en 1977, film qu’il dira par la suite regretter d’avoir tourné (tout en reconnaissant le confort matériel qu’il lui avait procuré).
Pour voir « The Horse’s Mouth », la meilleure façon reste de se procurer d’occasion le DVD édité par l’éditeur américain Criterion en 2002 et qui est en fait dézoné. De plus vous aurez droit à des sous-titres en anglais, un livret et une interview avec Ronald Neame (non sous-titrée) très instructifs.
DVD US toutes zones. Edition Criterion (2002). Version originale avec des sous-titres optionnels en anglais. Bonus : livret, interview avec Ronald Neame (17mn), court métrage « Dayreak Express » (5mn)