Guerre / Drame / Aventures:
David Lean

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4
On 5 août 2020
Last modified:5 août 2020

Summary:

Un film épique sur la folie des hommes et l'absurdité de la guerre signé David Lean. Une méga production qui n'a pas pris une ride avec un Alec Guinness au sommet de son art.

Un film épique sur la folie des hommes et l’absurdité de la guerre signé David Lean. Une méga production qui n’a pas pris une ride avec un Alec Guinness au sommet de son art.

The Bridge on the River Kwai (1957)

(Le pont de la rivière Kwai)

Réalisé par David Lean

Ecrit par Carl Foreman et Michael Wilson d’après le roman de Pierre Boulle

Avec William Holden, Alec Guinness, Jack Hawkins, Sessue Hayakawa, James Donald, Geoffrey Horne, André Morrell,…

Direction de la photographie : Jack Hildyard / Direction artistique : Donald M. Ashton / Montage : Peter Taylor / Musique : Malcolm Arnold

Produit par Sam Spiegel pour Horizon Picture

Guerre / Aventures

UK/USA

Pendant la Seconde Guerre mondiale, des prisonniers de guerre britanniques, menés par le colonel Nicholson (Alec Guinness) sont envoyés dans un camp militaire mené de main de fer par le colonel Saito (Sessue Hayakawa). Ce dernier leur annonce qu’ils doivent construire un pont dans un temps record et que les officiers britanniques devront également participer à la construction. Ce dernier point, contraire à la convention de Genève, provoque la colère du colonel Nicholson qui refuse d’obtempérer. Saito fait enfermer Nicholson dans un « four » afin de le faire changer d’avis, mais sans résultat. Pendant ce temps, un commandant américain, Shears (William Holden), décide de tenter une évasion.

Méga production de trois millions de dollars (une fortune à l’époque !), « The Bridge of the River Kwai » est un projet du producteur américain Sam Spiegel. Ce dernier avait déjà une expérience significative dans les tournages compliqués dans des conditions extrêmes, ayant produit six ans plus tôt « The African Queen » de John Huston. Ici il se base sur un scénario de Carl Foreman, l’auteur du western classique « High Noon » (1952) à l’époque exilé en Grande-Bretagne pour cause de Maccarthysme. Foreman avait signé trois ans plus tôt le scénario de « The Sleeping Tiger » (1954) pour un autre exilé, Joseph Losey. Ici il se base sur un livre du français Pierre Boulle (dont le roman « Planet of the Apes » connaitra aussi une adaptation à grand spectacle onze ans plus tard).

Pour tourner « The Bridge of River Kwai », Spiegel approche l’Anglais David Lean. Ce dernier, ancien monteur passé à la réalisation avec le film de guerre maritime « In Which We Serve » (1942) venait tout juste de s’essayer à la production internationale à grand budget et en couleurs avec la romance vénitienne « Summertime » (1955). Ruiné par son divorce avec Ann Todd et ses démêlés avec le fisc,  Lean accepte ce projet « alimentaire », mais rejette le scénario de Foreman. Un autre scénariste Calder Willingham (notamment co-auteur de « Paths of Glory » pour Kubrick) ne dure que deux semaines. Il faudra l’arrivée de Michael Wilson, autre scénariste américain en exil, pour que le projet décolle.

Pour calmer le studio américain qui finance le film, la Columbia, et qui s’inquiète du côté trop masculin et britannique du sujet, il est décidé d’ajouter un personnage américain qui puisse être incarné par une star « bankable » et quelques femmes dans un scénario qui en est à l’origine totalement dépourvu. Des concessions de taille qui vont profondément changer le fond du film qui n’est plus seulement centré sur l’affrontement psychologique entre Nicholson et Saito.

Ca peut sembler étonnant aujourd’hui, mais à l’origine Alec Guinness n’était pas vu comme la star du film. Ce dernier restait essentiellement connu en Angleterre et n’était même pas le premier choix. La star du film est l’acteur américain William Holden, qui a lui seul a coûté le tiers du budget du film et a en plus décroché (faire rare à l’époque) un pourcentage sur les bénéfices du film. A leurs côtés, le japonais Sessue Hayakawa, ancienne star du muet à l’anglais très approximatif (ce qui posera de nombreux problèmes pendant le tournage) incarne le colonel sadique Saito. Sans compter quelques figures connues du cinéma britanniques comme Jack Hawkins et André Morrell.

Le tournage de dix mois dans la jungle ceylanaise s’est évidemment révélé très complexe. Spiegel a eu maintes fois l’occasion de se ronger les ongles face au perfectionnisme maladif de David Lean, jusqu’à la construction en taille réelle du fameux pont (Spiegel se serait bien contenté d’une maquette !). De même, il ne comprenait pas l’insistance de Lean de vouloir utilisé une chanson satirique aux paroles vulgaires, connue seulement en Angleterre, « Colonel Bogey », comme morceau emblématique du film, siffloté (pour éviter les foudres de la censure) par les prisonniers britanniques quand ils arrivent au camp.

Malgré tout, Spiegel suivra Lean dans ces paris risqués, même quand le réalisateur décidera de rester quelques semaines de plus pour tourner quelques images de plus avec un cameraman. Il acceptera aussi que le montage du film ait lieu à Paris (plutôt qu’à Londres) afin que Lean, exilé fiscal, puisse être présent.

« The Bridge of River Kwai » était un sacré pari pour Spiegel et Columbia, mais il s’est bien entendu avéré gagnant. Le film sera un triomphe critique et public, et emportera pas moins de sept Oscars dont ceux du meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario et meilleur acteur pour Alec Guinness. Ironiquement, l’Oscar du meilleur scénario a été attribué à Pierre Boule (les deux scénaristes n’étant pas crédités au générique pour cause de Maccarthysme !), ce qui causera la fureur de David Lean après la cérémonie contre Spiegel ! Ce qui n’empêchera pas ces deux géants du septième art d’enchainer quelques années plus tard sur un film devenu tout aussi mythique « Lawrence of Arabia » (1962).

A plus de 60 ans de distance, « The Bridge of River Kwai » reste un modèle de méga production audacieuse, parfaitement réussi. Les images sont somptueuses et le duel des deux colonels fous et sadiques Nicholson/Saito toujours aussi impressionnant. Le film est avant tout un portrait glacial de la folie humaine et du processus de déshumanisation de la guerre. L’histoire parallèle de Sears, faux commandant héros malgré lui, entrainé dans une mission suicidaire par le Major Warren (Jack Hawkins), jusqu’au boutiste et prêt-à-tout pour mener sa mission à bien, met en exergue la folie de tout acte de guerre. Ce qui aurait pu être un simple duel de deux colonels aussi fous l’un que l’autre (Nicholson et Saito) devient une aventure aussi épique que cruelle.  Comme le crie l’officier Major Clipton devant le spectacle final de la désolation, « Madness! Madness! ».

Film mythique « The Bridge of River Kwai » est bien entendu disponible sur le territoire français en Blu-Ray et même en ultra HD Blu-Ray 4K (sorti à l’occasion du 60e anniversaire du film).

Blu-Ray FR. Studio Sony (2017). Version originale avec sous-titres en français et version française. Bonus : making of