Une adaptation de John Le Carré, toute en finesse, avec un casting et une atmosphère hors du commun

The Deadly Affair (1967)

(M.15 demande protection)

Réalisé par Sidney Lumet

Ecrit par Paul Dehn d’après le roman de John le Carré

Avec James Mason, Maximilian Schell, Simone Signoret, Harriet Andersson, Harry Andrews, Roy Kinnear, Robert Flemyng,…

Directeur de la photographie : Freddie Young / Direction artistique : John Howell / Montage : Thelma Connell / Musique : Quincy Jones

Produit par Sidney Lumet

Thriller / Crime

115mn

UK

Charles Dobbs (James Mason) est un fonctionnaire du MI5 en charge de la vérification des antécédents communistes des hauts fonctionnaires britanniques. Il interviewe l’un d’eux Samnuel Fennan (Robert Flemyng), qui vient de bénéficier d’une promotion, et est plutôt satisfait de son entretien de routine, relativement décontracté. Pourtant le soir même on lui apprend le suicide de Fennan. Contrairement à sa hiérarchie, Dobbs n’y croit pas une seconde. Et sa rencontre avec la veuve de Fennan, Elsa (Simone Signoret) le laisse perplexe. Il démissionne et décide de poursuivre son enquête de son côté avec l’aide de Mendel (Harry Andrews), un inspecteur à la retraite.

« The Deadly Affair » reprend les codes des films d’espionnage datant de la guerre froide : intrigue complexe, paranoïa, trahisons et exécutions sommaires,… Ce qui n’est guère étonnant puisque le film est tiré d’un roman de l’un des écrivains les plus réputés sur la question, John Le Carré. C’est la deuxième adaptation de l’un de ses romans pour le grand écran après « The Spy Who Came In from the Cold » (1965). On y retrouve son anti-héros Goerge Smiley – mais re-baptisé ici Charles Dobbs pour des questions de droits.

L’adaptation est signée par le scénariste, natif de Manchester, Paul Dehn qui avait déjà co-signé « The Spy Who.. » mais également l’histoire de « Seven Days to Noon » (1950) pour lequel il sera oscarisé ou encore le scénario de « Goldfinger » (1964) avec Richard Maibaum. Bref, le thriller sur fond de guerre froide, il connaît !

Pour autant, on est loin d’un film d’espionnage classique. Les personnages ne sont pas unidimensionnels, et ont leurs particularités qui leur donnent un peu plus d’épaisseur. Dobbs a une relation compliquée avec sa femme Ann (Harriet Andersson), bien plus jeune que lui et nymphomane pour lequel il représente une figure plus paternelle que maritale. La veuve de Fennan est une rescapée des camps de concentration. L’inspecteur à a la retraite, Mendel, est bien plus à l’aise avec les animaux qu’avec les humains (il a d’ailleurs une ménagerie chez lui).  Le garagiste et escroc de petite envergure Adam Scarr (Roy Kinnear) est quant à lui bigame !

On pourra trouver les histoires de couple de Dobbs, qui reviennent souvent, un peu hors sujet mais elles aident à définir le personnage, celui d’un fonctionnaire un peu dépassé par les événements, parfois un peu froid car engoncé dans les conventions, mais avec un bon fond. Et quand un tel personnage est incarné par un acteur de la stature de James Mason, il devient un monstre d’humanité. Un sacré exploit.

La suédoise Harriet Andersson, découverte chez Ingmar Bergman, joue la femme de chair face à un colosse de pierre fissurée. Ann se retourne contre son mari, exaspérée qu’il ne s’énerve jamais contre elle, lui donnant l’impression que par ses actions elle crucifie un saint.

« J’ai toujours cru qu’être agressif dans mon travail était un moyen de le garder et que d’être doux avec toi était un moyen de te garder. Mais j’ai perdu mon boulot, n’est-ce pas ? »

De même, Simone Signoret livre une prestation admirable toute en silences et agressivité glaciale. Globalement tous ces personnages qui ont vécu la guerre (sauf la femme de Dobbs donc, plus jeune) semblent regretter des temps plus simples, des idéaux aujourd’hui délavés.

La photo du grand Freddie Young (Lord Jim, Lawrence of Arabia,…), qui expérimentait ici une technique de pellicule couleur décolorée par un processus de pré-exposition, et la direction artistique de  John Howell (Brighton Rock, Malta Story,…) sont somptueuses. L’Angleterre s’y noie dans une grisaille claustrophobique.

Le film a également marqué les esprits pour l’une de ses toutes scènes durant une représentation théâtrale de la pièce de Christopher Marlowe, « Edward II » (je ne vous en dit pas plus).

Dans sa longue carrière qui s’étend sur une cinquantaine d’années, le réalisateur américain Sidney Lumet viendra plusieurs fois en Grande-Bretagne tourner des productions britanniques ou américano-britanniques. Si l’une des plus connues reste « Murder on the Orient Express » (1974), il y a également tourné « Equus » (1977) et surtout deux chefs d’oeuvre : « The offence » (1973) et donc « The Deadly Affair ».

DVD et Blu-ray FR. Studio Sidonis Calysta (2017). Bonus : présentations de Bertrand Tavernier, Patrick Brion et François Guérif.