Un somptueux film d’aventures autour d’un anti-héros en quête d’une seconde chance. Ce film maudit, détesté à sa sortie, en mérite bien une !
Lord Jim (1965)
Réalisé par Richard Brooks
Adapté par Richard Brooks d’après le roman de Joseph Conrad
Avec Peter O’Toole, James Mason, Daliah Lavi, Curd Jürgens, Eli Wallach, Paul Lukas, Jack Hawkins, Akim Tamiroff,…
Direction de la photographie : Freddie Young / Montage : Alan Osbiston / Direction artistique : Ernest Archer / Musique : Bronislau Kaper
Produit par Richard Brooks pour Columbia British Productions et Keep Films
Drame / aventures
154mn
UK/USA
Un jeune officier de marine, le lieutenant Jim (Peter O’Toole), embarque comme second à bord d’un navire pour convoyer un groupe de pèlerins. Mais quand surgit la tempête, il fuit par lâcheté, laissant les passagers à leur funeste destin. Pris de remords et en quête d’une seconde chance, il se lance dans une aventure en Malaisie.
Jim est un officier britannique qui rêve d’actes d’héroïsme. Mais après s’être bêtement foulé le pied, il est débarqué dans un port asiatique pour être soigné. Impatient de reprendre la mer, il accepte de partir sur le premier bateau qui part. Il se retrouve ainsi sur une épave flottante qui entasse de pauvres pèlerins. Suite à une imprudence du capitaine, la coque du bateau est abîmée et alors que la tempête se déchaine le capitaine décide d’embarquer sur l’un des deux seuls canots de sauvetage abandonnant leurs passagers à leur sort. Scandalisé par la lâcheté du capitaine, Jim refuse d’abord de l’accompagner avant de finir par céder sous la peur.
Mais quand leur canot arrive enfin au port, le bateau qu’ils ont abandonné est arrivé avant eux, intact. Au lieu de s’enfuir, Jim décide de se rendre aux autorités et de passer devant le tribunal. Il sera finalement relâché mais croûlant sous la culpabilité, Jim se met à hanter les ports asiatiques, enchainant les petits boulots, essayant de sombrer dans l’oubli.
Jim se verra néanmoins proposer une seconde chance par un vieux commerçant. Cela suffira-t-il à le sauver ?
Le réalisateur américain Richard Brooks qui a scénarisé et réalisé le film explique :
« C’est l’histoire de quelqu’un qui a fait une erreur, une faute, et qui demande une deuxième chance… Je crois que nous sommes tous sensibles à cette idée de seconde chance, cette possibilité de tout recommencer en repartant à zéro… J’ai retenu le thème de Conrad, qui est un thème éthique et j’ai également essayé de conserver la forme qui est celle d’un roman d’aventures puisque c’est grâce aux péripéties de l’action que Conrad expose sa morale. «
Richard Brooks racheta les droits du livre de Joseph Conrad (qu’il dit avoir lu 52 fois !) à la Paramount en 1957 pour la somme de 25.000 dollars, à la même époque où il achète les droits d’un autre classique de la littérature, « Elmer Grantry » de Sinclair Lewis. Et si trois ans plus tard, « Elmer Gantry » débarque sur les écrans, il faudra sans surprise bien plus de temps à Brooks pour arriver à tirer un script d’un roman complexe jugé inadapatable au cinéma.
« Cela m’a pris deux années pour écrire le scénario. J’ai abandonné plusieurs fois car cela posait de gros problèmes. En particulier, il était très délicat d’adapter le style intimiste de Conrad. Lord Jim est presque exclusivement composé de retours en arrière… C’est une succession de récits imbriqués dans le récit principal et parfois il est difficile de savoir qui raconte l’histoire ».
Après avoir essuyé un refus de la part du producteur Pandro S. Berman avec qui il avait travaillé sur plusieurs films, Brooks obtient le feu vert de la Columbia qui espère ici répéter le succès des films de Lean « The Bridge on the River Kwai » (1957) et « Lawrence of Arabia » (1962). La Columbia ne lésine pas sur les moyens. Le casting est en or pur (Peter O’Toole, James Mason, Curd Jürgens, Eli Wallach,..). le film est tourné en 70mm par le chef op de Lean, Freddie Young. Le tournage aura lieu entre Honk Kong, la Malaisie, le Cambodge et les studios de Shepperton entre 1963 et 1964. La partie filmée au Cambodge se révéla des plus coûteuses et des plus dangereuses, aussi bien en raison des tensions politiques que des conditions climatiques.
Malheureusement, à sa sortie, le film est un échec cuisant aussi bien auprès du public que de la critique, et la plupart des acteurs principaux comme Peter O’Toole et James Mason rejetteront violemment « Lord Jim ». O’Toole car il avait l’impression qu’il n’avait pas pris de risque en jouant un rôle trop proche de Lawrence (et qu’il avait placé de l’argent dans la production), et Mason parce qu’une partie du public avait déjà quitté la salle pendant l’entracte avant même son apparition dans le dernier tiers de la pellicule !
On peut comprendre l’échec du film. Un anti-héros comme Jim se prête difficilement au cadre bien défini du film à grand spectacle. Pourtant aujourd’hui « Lord Jim » a largement remonté dans l’estime des critiques. Et de fait, il est extrêmement difficile de ne pas se laisser porter par sa beauté venimeuse et l’âme tortueuse de Jim. Le film est en outre magnifiquement dialogué et interprété.
A noter que la version éditée par Wild Side Video est somptueuse. Et dans la version coffret, vous avez le droit en plus à un très beau livre docte écrit par Patrick Brion et comme d’habitude richement illustré.
Coffret-livre FR. Studio Wild Side Video (2014). Contient le Blu-ray du film en version salles (142′) et version longue (154′) + le DVD du film (137′ – VF DD 2.0mono / VOST DD et DTS 2.0mono) + le livre « Lord Jim, la seconde chance » écrit par Patrick Brion, illustré de photos et documents d’archives rares (204 pages). Master restauré HD