« That kind of girl » n’est pas le film du siècle, mais se révèle un film intéressant, au moins comme témoignage sur la vie sexuelle des jeunes au début des années 60.

That Kind of Girl / Eva s'éveille à l'amour (1963)

That Kind of Girl (1963)

(Eva s’éveille à l’amour)

Réalisé par Gerry O’Hara

Avec Margaret Rose Keil, David Weston, Linda Marlowe, Peter Burton, Frank Jarvis,…

Directeur de la photographie : Peter Newbrook / Direction artistique : Bill Brodie / Montage : Derek York / Musique : Malcolm Mitchell

Produit par Robert Hartford-Davis

Durée 74 mn

Drame

UK

« Le film choc de l’année! Jamais on n’a osé montrer un tel sujet sur les écrans ».

Les affiches de l’époque sont pour le moins prometteuses. Comme on voit sur ces mêmes affiches la silhouette de la très blonde et pulpeuse Margaret Rose Keil, actrice principale du film, on s’attend à un film un peu coquin. Mais les esprits salaces en auront pour leurs frais.

Et en effet, s’il est vrai que le film aborde un sujet osé rarement vu sur les écrans, il s’agit en fait de … la syphilis ! Pour rappel, la syphilis est une maladie sexuellement transmissible probablement ramenée des Amériques par Christophe Colomb à la fin du XVe siècle. Assez dangereuse à l’origine, elle est aujourd’hui très bien traitée par des antibiotiques (du moins dans les régions où on a les moyens de se soigner avec des antibiotiques!).

Ce film serait-il donc un documentaire financé par les autorités sanitaires britanniques de l’époque pour mettre en garde les jeunes insouciants des risques engendrés par les maladies sexuellement transmissibles ? Même pas. Ce quickie de 23.000 livres, livré en trois semaines par un jeune assistant réalisateur Gerry O’Hara qui filmait ici son premier métrage (et qui n’a pas eu son mot à dire ni sur le scénario ni sur le montage), est une fiction financée par un duo de producteurs anglais sulfureux (Michael Klinger et Tony Tenser). A  côté de films plus classiques (dont le « Cul de Sac » de Polanski), le duo a notamment produit quelques films-documentaires coquins, style florissant dans les années 60 en Angleterre, comme les fameux « Naked as nature intended » (1961) où trois jeunes filles découvrent les plaisirs du nudisme ou encore « The Yellow Teddybears » (1963) sur des collégiennes qui arboraient des broches figurant un ourson jaune pour signifier qu’elles avaient perdu leur virginité.

Et là vous dites, mon dieu, mais qu’est ce que c’est que ce truc?? En fait « That Kind of Girl » n’est probablement pas le film du siècle, mais se révèle un film intéressant, au moins comme témoignage de son époque.

Le film suit la jeune Eva, une autrichienne de 18 ans arrivée récemment à Londres comme baby-sitter. Eva n’est pas très maligne, mais avec sa crinière blonde, son physique avenant et son air pas trop farouche, elle attire le regard de nombreux hommes. Le publicitaire quarantenaire Elliot, le jeune libraire anarchiste Max et le fils à papa Keith, vont tous les trois tomber sous les charmes de la demoiselle.

Elliot emmène Eva dans des clubs huppés où des jeunes femmes dansent en petite tenue, Max essaie de l’entrainer dans une marche anti-nucléaire, et Keith l’emmène en balade dans sa belle voiture. Elliot et Keith concluront alors que Max devra se contenter de bisous.

Eliott, le quarantenaire, sera la source du mal. Non content de refiler la syphilis à Eva, il va tenter de la violer et va la harceler au téléphone. Eva va ensuite refiler la syphilis à Max et Keith (ce dernier refilant la maladie à sa fiancée… qui est enceinte !).

Suite à une intervention de la police qui va la sauver des griffes d’Eliott, Eva va être examinée par un médecin qui va déceler sa maladie. On va alors la diriger vers une « clinique spécialisée » qui va lui demander de reprendre contact avec ses trois anciens amoureux pour qu’ils se fassent eux même examinés.

Si la première partie du film se déroule comme une fiction normale, à partir de la tentative de viol les scènes et dialogues prennent une tourne nettement plus documentaire. Le médecin de la clinique nous donnant ainsi quelques chiffres et rappelant les dangers de la syphilis.

Le film est assez étrange donc, navigant entre la fiction et le documentaire, mais n’oubliant pas ses personnages, certes caricaturaux, mais pas invraisemblables. Le ton pourrait être également très moralisateur, mais ne l’est pas tant que ça. On ne jette pas la pierre aux sexuellement actifs, les jeunes ne paraissent pas sans morale, et finalement le publicitaire quarantenaire Eliott (le vieux vicieux) et le jeune bibliothécaire Max (le jeune coincé) tiennent les mauvais rôles.

Eva, pour sa part, aura retenu la leçon, et malgré la bienveillance du couple qui l’emploie pour s’occuper de leur enfant, finira par retourner en Autriche (et s’éloigner le plus possible de ces sauvages d’Anglais – il est amusant d’ailleurs de noter que le film montre Eva souvent en proie aux questions envahissantes des Anglais « cultivés » qui lui posent des questions sur Hitler et la Wermarcht, ne faisant pas la différence entre l’Allemagne et l’Autriche).

Notons enfin que « That Kind of Girl » est publié en DVD/Blu-ray chez BFI dans la collection Flipside qui nous propose comme d’habitude un contenu très riche et notamment ici un court métrage de fiction étonnant de 1949 sur un jeune coupe qui attend un enfant et découvre qu’ils ont attrapé la syphilis et deux documentaires sur les fameuses marches anti nucléaires des années 60 en Grande Bretagne.

DVD et Blu-ray British Film Institute. Collection BFI Flipside. Audio en anglais. Sous titres anglais.
Bonus : Trois documentaires bonus, une interview du producteur Robert Harford-Davis / Livret de 28 pages