Une histoire d’amour et le mythe de Peter Pan revisités par la Hammer. Cruel et malsain
Straight on Till Morning (1972)
Réalisé par Peter Collinson
Ecrit par John Peacock
Avec Rita Tushingham, Shane Briant, James Bolam,…
Directeur photo : Brian Probyn
Produit par Michael Carreras pour Hammer Film Productions
Tourné aux studios Elstree et à Earl’s Court (Londres)
Horreur
96 mn
UK
Brenda (Rita Tushingham), jeune femme introvertie et rêveuse, quitte sa mère à Liverpool pour s’installer à Londres où elle espère trouver le prince charmant et avoir un enfant. Quand elle tombe sur Peter (Shane Briant), beau jeune homme blond, elle tombe immédiatement amoureuse. Elle vole son chien, Tinker, pour l’approcher. Peter lui propose de venir vivre chez elle, et de réaliser son souhait, si elle accepte de veiller sur lui et de se rebaptiser Wendy.
« Straight on Till Morning » ne fait pas partie des films les plus connus de la Hammer. Vrai film d’horreur et d’angoisse, d’une terrible cruauté, il est néanmoins très éloigné des classiques gothiques qui ont fait la renommée du studio. Bien sûr ce n’est pas le premier thriller psychologique moderne filmé par la Hammer. Dés le début des années 60, le studio anglais s’était engouffré dans cette nouvelle voie, sous l’impulsion de Jimmy Sangster : « Taste of fear » (1961), « Maniac » (1963) ou « The Nanny » (1965) avaient ouvert la voie à des monstres plus modernes.
« Straight on… » n’a guère eu de succès à l’époque et fait encore aujourd’hui figure de mal aimé. Mais à part un premier tiers un peu trop psychédélique, et l’une des plus grosses erreurs de montage jamais vue (ici un cameraman qui apparaît nettement dans le plan où Peter amène Wendy dans sa chambre), j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de choses à aimer dans ce film de 1972, bien plus cruel et malsain que nombre d’autres productions de la Hammer.
On peut dire que la Hammer tient un sacré méchant d’anthologie avec Peter, l’ange blond, ancien gigolo, qui hait la/sa beauté et en massacre toute trace. Conte de fée passé à la moulinette horreur 70s, version dégénérée de Peter Pan (le titre du film et les noms des personnages font bien entendu référence au célèbre conte pour enfant), « Straight Till Morning » a de quoi vous glacer le sang. Rita Tushingham et Shane Briant apportent beaucoup de crédibilité à l’histoire et à la folie de leurs personnages, deux êtres immatures perdus dans un monde adulte où l’exploitation de l’autre est la règle.
Le réalisateur Peter Collinson a fait ses premiers pas dans l’horreur l’année précédente avec « Fright » (1971), après s’être fait remarqué dans des genres bien différents : le film de casse avec « The Italian Job » (L’or se barre, 1969), la comédie d’aventure « You Can’t Win ‘Em All » (Les baroudeurs, 1970) ou le drame social (« Up The Junction », 1968) adapté d’un téléfilm de Ken Loach.
La mise en scène de « Straight on Till Morning » est très marquée 70s surtout dans son premier tiers (avec son montage saccadé, ses flashbacks) qui correspond à sa phase réaliste avant la plongée dans l’horreur. Par la suite heureusement le réalisateur calme un peu le jeu. Mais de fait, le film est très ancré dans son temps et offre également un portrait au vitriol de la vanité du monde branché dans la capitale anglaise à l’aube des 70s. On n’est pas si loin non plus du kitchen sink drama par son ambition de réalisme social.
Peter et Brenda sont deux enfants perdus dans un monde adulte cynique, des marginaux qui réagissent à la violence sociale qui les entoure chacun de façon opposée : l’un en détruisant toute manifestation de beauté (et donc lui-même), l’autre en développant une obsession névrotique de créer la vie. Deux êtres pathétiques qui ne pouvaient que se détruire.
DVD/Blu-ray UK. Studio StudioCanal (2018). Sous titres optionnels en anglais. Bonus : « Dream Lover: Inside Straight on Till Morning ».