Trois courts métrages passionnants à différents titres et réalisés par trois des plus grands réalisateurs britanniques des années 60 (Brook, Anderson, Richardson)

Red, White and Zero (1967)

Réalisé par Peter Brook (RV), Lindsay Anderson (TWB) et Tony Richardson (RB)

Ecrit par Peter Brook (RV), Shelagh Delaney (TWB), Tony Richardson et Julian More (RB)

Avec Zero Mostel (RV), Patricia Healey (TWB), Arthur Lowe (TWB), Vanessa Redgrave (RV), Douglas Fairbanks Jr. (RV), Michael York (RV),…

Direction de la photographie : David Watkin (RV), Miroslav Ondrícek (TWB), Billy Williams (RB) / Production design : Assheton Gorton (RB) / Direction artistique : David Marshall (TWB) et Assheton Gorton (RB) / Montage : Marlene Fletcher (RV), Kevin Brownlow (TWB et RB) / Musique : Howard Blake (RV), Misha Donat (TWB), Antoine Duhamel (RB)

Produit par Lindsay Anderson (RV et TWB), Oscar Lewenstein (RV) pour Woodfall Films et Holly Productions

Comédie dramatique

137mn

UK

« Red White and Zero » est un film portemanteau composé de trois courts métrages très différents réalisés par trois des plus grands réalisateurs britanniques des années 60.

Mais le projet a changé plusieurs fois de direction en cours de route. Initallement le producteur Oscar Lewenstein avait proposé aux trois réalisateurs phares de la nouvelle vague anglaise (Richardson, Reisz et Anderson) d’adapter une nouvelle de Shelagh Delanay, la jeune écrivaine de Salford que Richardson avait déjà adapté pour « A Taste of Honey » (1961).

Parmi les trois histoires qui composent « Red, White and Zero », « The White Bus » de Lindsay Anderson est le seul rescapé de ce projet original.

Karel Reisz est parti dans une autre direction avec David Mercer sur l’histoire d’un artiste fou qui tente de regagner le coeur de sa femme. Finalement, le court deviendra un long métrage et sortira en 1966 sous le titre de « Morgan: A Suitable Case for Treatment« .

Reisz est du coup remplacé par Peter Brook qui proposera « Ride of the Valkyrie », une virée comique d’un chanteur d’opéra wagnérien. Enfin, Tony Richardson rend hommage aux « Parapluies de Cherbourg » avec le coloré « Red and Blue ».

J’avoue n’avoir pas très bien compris si « Red, White and Zero » a finalement vraiment été distribué en salles sous la forme d’un film unique. En tout cas, à part « The White Bus » qui a connu une carrière indépendante, le film dans son ensemble est resté invisible… jusqu’à son édition en blu-ray par le BFI en 2018.

« Red, White and Zero » s’ouvre en tout cas sur le court signé par Peter Brook « Ride of the Valkyrie« . L’homme de théâtre avait déjà eu l’occasion de démontrer son intérêt pour le cinéma en réalisant plusieurs films dont « Lord of the Flies » (1964) . Ici il rend hommage aux gags visuels du muet (renforcé par le noir et blanc et l’environnement sonore ajouté en post prod) à travers le voyage turbulent d’un chanteur d’opéra entre Heathrow et Convent Garden où il est supposé jouer le rôle du dieu Odin dans l’opéra de Wagner. En 15 minutes, « Ride of the Valkyrie » démonte toute prétention intellectuelle pesante de l’opéra wagnérien et de l’ « art noble » à travers l’interprétation du comique juif américain Zero Mostel.

La deuxième partie, la plus longue (46 minutes) est composée du film de Lindsay Anderson « The White Bus« . Ici une jeune femme (Patricia Healey) employée comme secrétaire dans un bureau sans âme, quitte son travail (vivante ou morte ? un plan suggère qu’elle s’est peut être pendue) pour renter chez elle (enfin c’est ce qu’on suppose). Sur le chemin, elle rencontre divers personnages et participe à une visite guidée tragi-comique de Manchester au bord d’un bus blanc avec des dignitaires étrangers et le maire (Arthur Lowe). Portrait sensible d’une jeune femme comme une autre confrontée à la violence du quotidien, commentaire acerbe de la société britannique des années 60, de ses absurdités et de ses contradictions, « The White Bus » a bien mérité son statut culte.

Enfin, le dernier court métrage signé par Tony Richardson, « Red and Blue » est encore une autre proposition bien différente des précédentes. Une chanteuse (Vanessa Redgrave) prend le train de nuit. A bord, elle se remémore à travers ses chansons ses histoires amoureuses. Superbement photographié par Billy Williams, cette histoire sentimentale tragico-comique et essentiellement chantée est portée par Vanessa Redgrave qui démontre un joli filet de voix ainsi qu’une sensualité touchante. Richardson signe un film romantique atypique, pas toujours apprécié par les critiques, mais que j’ai trouvé enchanteur.

« Red White and Zero » offre trois propositions de cinéma différentes, auxquelles on peut trouver des thématiques communes (notamment le voyage physique et intérieur de ses protagonistes ou encore une vision ironique de la société britannique contemporaine) mais qui, quelles que soient vos préférences pour l’une ou l’autre de ses composantes, nous permettent de découvrir de nouvelles facettes de trois grands réalisateurs alors au sommet de leur art.

Combo Blu-ray/DVD. Studio BFI, collection Flipside (2018). Version originale avec des sous-titres optionnels en anglais. Bonus : livret de 34 pages, courts métrages, interviews, making of et commentaire audio