Une comédie d’espionnage savoureuse à la Havane avec des acteurs épatants dont le légendaire Alec Guinness
Our man In Havana (1959)
(Notre agent à la Havane)
Réalisé par Carol Reed
Ecrit par Graham Greene d’après son roman
Avec Alec Guinness, Noel Coward, Ralph Richardson, Maureen O’Hara, Burl Ives,…
Directeur de la photographie : Oswald Morris
Produit par Carol Reed pour Columbia Pictures et Kingsmead Productions
Filmé à la Havane et aux Studios Shepperton
Comédie dramatique / Satire
111 mn
UK
Jim Wormold (Alec Guinness) tient un commerce d’aspirateur à la Havane qui périclite. Il s’inquiète de l’avenir de sa grande fille qui de plus attire les regards concupiscents du tyrannique chef de la police. Aussi quand les services secrets britanniques l’approchent et lui promettre une belle rémunération pour être leur homme à la Havane, il n’hésite gère, et se laisse rapidement prendre au jeu, allant jusqu’à inventer des histoires plus acadabrantesques les unes que les autres.
L’écrivain et scénariste Graham Greene a donné au cinéma britannique de nombreux chefs d’oeuvre dont plusieurs et pas les moindres signés Carol Reed (The Fallen Idol, The Third Man, Odd Man Out). Parmi ces films, « Notre agent à la Havane » fait figure d’OVNI. Filmé dix ans après les deux précédents films qui se sont suivis en 1948 et 1949, c’est un film au ton bien différent, la seule comédie signée par le duo. Il est aussi un peu sous estimé par rapport à ses deux illustres prédécesseurs.
Pourtant, « Our Agent in Havana » est une excellente comédie satirique, très bien conçue, avec des personnages forts interprétés par de grands acteurs. Et tout ça sur fond de guerre froide à Cuba… où le régime de Batista venait d’être renversé par un certain Fidel Castro… qui viendra visiter le tournage.
Le film se garde bien d’aborder le sujet de la révolution – de toute façon il est basé sur un livre de Greene publié l’année précédente en 1958 à l’époque où Batista était encore au pouvoir. De fait le film montre un Cuba pré révolutionnaire où rien n’est interdit tant qu’on a de l’argent, et où la torture est une arme politique tout à fait légitime contre les contestataires (quand ils sont pauvres du moins). On comprend que Castro ne se soit pas opposé au tournage !
Mis à part ces considérations politiques, le film montre surtout des services anglais qui se laissent duper par Jim Wormold, un vendeur d’aspirateur aussi opportuniste qu’imaginatif (Alec Guinness est toujours fabuleux dans ce genre de rôle, il ne fait pas exception ici). Et quand on sait que les services anglais sont ici représentés par Noel Coward et Ralph Richardson, on crie « banco ! ». Et on comprendrait que si quelqu’un a dû à l’époque en avaler son Havane, c’est bien le directeur des services secrets anglais. Castro pour sa part a dû bien rire.
Car « Our man in Havana » est surtout une satire, dont le côté sombre ne saurait être ignoré, contre les Anglais, leur bureaucratie et leur politique étrangère dépassée et tenue par des incapables. Un ton acerbe qui le distingue de l’autre grande satire sur le même sujet, sortie la même année (!), « Carlton Browne of the FO » de Roy Boulting, film qui lui tourne à la grande farce (ce qui lui fait un peu perdre sa charge satirique).
L’autre richesse du film est la qualité de ses seconds rôle, du médecin allemand et meilleur ami de Wormwold au grand méchant policier qui veut épouser sa fille. Bref on a droit à une belle galerie de personnage interprétée par des acteurs d’exception.
« Our man in Havana » mériterait d’être regardé à nouveau avec plus de bienveillance, et sans tenter le comparer au « Troisième Homme » ou à « The Fallen Idol ». C’est une excellente satire qui fonctionne très bien toute seule, et qui n’a nul besoin du tutorat de ses deux grand frères.
DVD Zone 2 Sony Pictures. Sous-titres anglais disponibles.