Quelques mois après le début de la crise du covid, une galerie de personnages témoignent de vies brisées et du poids des incertitudes

No masks (2020)

Ecrit par Nadia Fall et Rebecca Lenkiewicz

Réalisé par Nadia Fall

Avec Anya Chalotra, Lorraine Ashbourne, Paul Bazely, Anna Calder-Marshall, Russell Tovey et Eamonn Walker

Direction de la photographie : Tom Hayward / Production design : Carly Reddin / Montage : Fiona DeSouza / Musique : Stephen Dandridge

Produit par Moonshine Features et Theatre Royal Stratford East

1e diffusion le 30 septembre 2020 sur Sky Arts

Drame

53mn

UK

On est en 2025 alors que j’écris ces lignes, et mes souvenirs de confinement, de cette période incroyable qu’a été celle du covid, sont floues. Comme s’il s’agissait d’une autre réalité. Je pense ne pas être le seul. C’est pourquoi il est intéressant aujourd’hui de revoir des témoignages de l’époque. Et la télévision britannique notamment a donné quelques fictions filmées durant la pandémie et abordant frontallement le sujet. Je vous ai déjà parlé ici de « Help » (2021) réalisé par Marc Munden.

En voici encore un exemple plus précoce. « No Masks » est une fiction diffusée sur Sky Arts en septembre 2020, sachant que le premier confinement en Grande Bretagne a commencé le 23 mars. Nadia Fall, alors directrice artistique et directrice du Theatre Royal Stratford East, décide de réaliser un court téléfilm basé sur les témoignages de travailleurs sociaux confrontés à la réalité du virus.

Un peu à la manière du célèbre « Talking Heads » d’Alan Bennett, les acteurs jouent des personnages qui s’adressent directement à la caméra pour raconter leur histoire, parlant de tout et de rien, de leur vie, de celle de leurs proches. Une idée intéressante qui ne vient pas de nulle part puisque Nadia Fall participe la même année à une recréation de Talking Heads pour BBC One.

Evidemment ici, ces témoignages sont en lien avec la période vécue du covid. Mais avec pas mal de digressions car les personnages parlent aussi d’eux et de leur vie. Et le choix des personnages est plutôt varié : un policier, une médecin débutante en gériatrie, une infirmière, un employé de maison de retraite… et une vieille femme isolée, seule personne du lot qui ne fasse pas partie des « travailleurs essentiels » comme on les appelait alors.

Certains attrapent le covid, d’autres passent à travers. Mais ils sont tous témoins vivants des fractures engendrées par le covid et des sujets passifs face aux tâtonnements des autorités.

C’est très bien interprété et il y a des moments très émouvants. Parfois téléfilm perd en force, d’abord à cause de sa brièveté (53mn) qui ne l’autorise pas à trop rentrer dans les détails. Mais le fait de parler directement du covid ou d’une façon détournée, en s’autorisant des digressions, me semble un bon choix car elle renforce le côté humain des personnages, et évite toute démonstration ou leçon de morale   : « Je pense qu’il est très important de ne pas juger les gens » déclare le policier.

Le téléfilm est entre-coupé de déclarations officielles de Boris Johnson, alors Premier Ministre, qui mettent en avant les hésitations du pouvoir, notamment vis à vis des masques (d’où le titre). Au début, comme dans de nombreux autres pays, il n’y avait pas assez de masques pour tout le monde donc les autorités déclaraient qu’il n’y avait pas besoin de masques…. avant de procéder à un virage à 360°.

« No mask ! » pourrait être aussi le cri de ralliement de la vieille femme qui refuse de mourir derrière un masque et rêve de vivre ses derniers moment, sans douleur, dans un champs. Volonté qui lui sera accordée via la séquence onirique de fin – d’un goût contestable. Mais ce personnage est important car il témoigne d’une réaction – bien compréhensible – face à une crise inédite, et surtout donne une voix aux personnes les plus âgées qui ont été les premières victimes du virus – que ça soit par l’isolement ou la mort (des fois les deux).

Globalement, le pari de « No Masks » est réussi. Ce n’est pas un cri de colère ou de contestation, mais un constat d’impuissance devant une crise que personne n’avait vu venir et dont personne n’imagine alors le dénouement.

Le programme est visible sur Sky en Grande-Bretagne via le service SkyGo.