L’industrie audiovisuelle se demande comment utiliser l’IA pour « optimiser » le processus de création et de distribution de contenu. Mais le sujet est loin d’être balisé et encore moins réglé !

C’était l’euphorie. La multiplication des plateformes de streaming avait créé un pic de demande de création de contenu audiovisuel qui semblait inépuisable. Côté britannique, tous les plateaux des plus grands studios annonçaient être bookés pour les 5 années à venir, voire plus (sur le sujet, lire mon article « L’industrie britannique du cinéma : un succès sous le signe de la dépendance« . Aujourd’hui, la déconvenue est de mise. Les plateformes telles Netflix serrent la vis. Plus question de produire à la tout-va et pour n’importe quel prix.

Comme toute industrie dans un monde capitaliste, l’audiovisuel est toujours en quête d’expansion de son marché et de réduction des coûts. Et ceux qui ont raté la révolution du streaming, ne veulent plus être les dindons de la farce. Alors quand le lancement de ChatGPT 3 en novembre 2022 (la version 4 viendra juste un an plus tard) a popularisé auprès du plus grand nombre l’idée que l’Intelligence Artificielle était enfin descendue parmi nous et allait permettre de faire des miracles, les pontes du secteur ont pensé de suite aux scénarios et aux acteurs générés par IA. Après tout, s’il suffisait d’appuyer sur un bouton pour créer un contenu finalisé avec quelques prompts (commandes qui permettent d’indiquer à l’outil d’IA ce que l’on veut), quel producteur ne se laisserait pas tenter ?  Disney a prouvé que c’était possible de faire revenir un acteur d’entre les morts (Peter Cushing et Carrie Fisher dans les derniers « Star Wars ») ou de les rajeunir (Harrison Ford dans « Indiana Jones 5 »). Les acteurs deviendraient éternels (leur image à jamais propriétaire des studios) ou mieux encore on créerait de nouvelles stars de toute pièce.

Il n’est pas étonnant dans ce contexte que les « artisans » au coeur de l’industrie du divertissement à Hollywood, les scénaristes et les acteurs, se soient mis en grève durant l’été 2023 pour obtenir un minimum de garanties. Ils ont obtenu partiellement gain de cause. Par exemple : désormais les studios ne pourront utiliser l’image ou la voix des acteurs sans leur permission, on ne peut forcer un scénariste à utiliser l’IA,… Mais, c’est une victoire illusoire, temporaire. Il reste pas mal de questions encore en suspens, et de nouvelles vont apparaitre avec les progrès de l’IA.

Mais il n’y a pas qu’Hollywood dans la vie . Côté britannique, l’industrie se demande aussi comment elle va pouvoir utiliser l’IA pour « optimiser » le processus de création de contenu. Mais le sujet semble également loin d’être réglé.

Une offre d’emploi de ITV met le feu aux poudres

 

Une offre d’emploi de ITV aura suffi à chambouler le milieu audiovisuel outre-Manche. Il faut dire que l’intitulé du poste à pourvoir, publié sur LinkedIn durant la troisième semaine d’octobre 2024 laisse perplexe : « Head of Generative AI innovation ». Ce qu’on pourrait traduire en français par « Responsable de l’innovation pour l’Intelligence Artificielle générative ». Le poste proposé, basé à Londres pour un salaire annuel entre 80 et 95.000£, aura pour mission de mener des innovations portées par l’IA dans la création de contenu d’émissions et de fictions. L’offre parle de transformation menée par l’IA pour définir le futur de la création de contenu en implémentant des outils comme l’idéation (Formation et enchaînement des idées), le développement de personnages et l’amélioration de la création graphique.

L’offre a été rapidement mise à l’arrêt. Dès le dimanche 20 octobre, ITV a annoncé qu’elle n’acceptait plus de candidatures. Selon les informations que j’ai pu recueillir via Linkedin premium, 35 candidatures ont été soumises via LinkedIN (et 38% des candidats ont un doctorat en philosophie). Le lendemain, les médias britanniques titrent sur l’affaire et les réactions côté scénaristes ont été pour le moins négatives, comme on se l’imagine.

Lisa McGee, créatrice de la sitcom à succès « Derry Girls » a déclaré qu’elle trouvait la nouvelle « incroyablement déprimante et, vu comment le contenu est généré par l’IA, contraire à l’éthique. » Elle a ajouté « Je ne pense pas que ce modèle marchera. Les grandes histoires sont basées sur le récit, le ton, le point de vue, le personnel ».

Ellie Peers, secrétaire de la guilde britannique des scénaristes (The Writers’ Guild of Great Britain) a déclaré pour sa part de façon lapidaire que « si ITV a 95.000£ à dépenser, elle ferait mieux de les investir sur des scénaristes que sur un gadget ».

Pour Stuart Heritage, journaliste de The Guardian, et qui a demandé à Chat GPT de lui proposer de nouvelles idées d’émissions télévisées : « L’IA ne fait que mâcher et vomir un amalgame d’oeuvres déjà existantes. Alors que l’utilisation de l’intelligence artificielle peut être une nouvelle expérience, le contenu qu’elle génère ne l’est pas. C’est un mélange prémâché de tout ce qui a été fait avant elle. Utiliser l’IA pour créer de nouvelles idées d’émissions ou de fictions peut sembler une bonne solution économique sur le papier, mais c’est surtout le chemin le plus rapide pour que le médium stagne jusqu’à la mort ».

Du côté de ITV, on proclame que c’est un faux débat. On ne les a pas compris. Ils souhaitent utiliser l’IA pour soutenir la créativité humaine. Et non pas pour créer de nouvelles idées : « Nous utilisons des outils d’IA pour améliorer et étendre nos processus de création et de production. Bien que rien ne puisse remplacer la créativité humaine de nos équipes, nous explorons comment l’intelligence artificielle générative peut aider nos équipes à travailler de manière plus efficace et créative. Et nous explorons aussi comment l’IA pourra les aider optimiser notre contenu pour les téléspectateurs; »

L’utilisation de l’IA pour plus de diversité et raconter des histoires inédites ? Le cas Channel 4

 

ITV n’est pas la seule dans la course. Plus tôt, en septembre 2024, on a appris qu’un consortium, mené par la société Charismatic.ai et Channel 4, prévoyait de créer un prototype d’intelligence artificielle pour soutenir les créateurs sous-représentés et les producteurs établis pour améliorer leur storytelling  (qu’on traduira par « façon de raconter ») à la télévision et au cinéma. Pour la phase d’expérimentation Channel 4 s’engage à mettre à disposition divers talents créatifs, producteurs indépendants et autres. Elle fournira également les retours des spectateurs et les tests auprès du public.

Le consortium a reçu 1,04 million de livres de la part du gouvernement dans le cadre du programme Innovate UK. Le consortium annonce qu’il travaille également avec UAL Creative Computing Institute, Falmouth University, Aardman Animations, Sound Reactions et la spécialiste de l’éthique digitale Lisa Talia Moretti.

Pour le Dr Kingsley Marshall, responsable de l’école de film et télévision de l’Université de Falmouth et partenaire : « Les créatifs ont une histoire riche en ce qui concerne l’adoption et l’adaptation de nouvelles technologies. C’est pourquoi à l’Université de Falmouth, nos recherches se concentrent sur l’exploration de la connexion entre créativité et technologie. En tant que créatifs et cinéastes, nous nous intéressons à la fois à l’éthique liée aux effets des technologies sur notre secteur, notamment comment elles peuvent aider des catégories sous-représentées à s’exprimer, et comment elles peuvent aider les créatifs à raconter des histoires inédites de manière excitante sur nos écrans. »

On parle ici donc directement d’une intervention de l’IA dans le processus de création. L’IA proposée par le consortium permettrait une optimisation du storytelling afin d’assurer une meilleure réception auprès du public. Channel 4 propose de s’appuyer sur les retours du public pour voir ce qui fonctionne ou pas (ce qui semble logique dans le cadre d’une intelligence générative qui doit s’appuyer sur l’expérience passée et l’existant pour optimiser sa création).

Ce qui amène à se poser des questions : Croient-ils qu’il y ait vraiment une façon de raconter les histoires qui serait supérieure à une autre ? Si oui, laquelle ? Celle qui serait le plus efficace immédiatement pour une catégorie de public à un moment donné précis et qu’on peut vérifier par un test ? Ce qui fait furieusement penser aux fameuses projections tests utilisées par Hollywood et dont tout cinéphile connait les errements. Le risque ? Un nivellement par le bas pour s’assurer d’une satisfaction immédiate du plus grand nombre.

Quant au fait d’utiliser l’argument de l’inclusivité et de la représentation des minorités pour justifier le recours à l’Intelligence Artificielle, il fallait y penser ! Cela présupposerait que certaines catégories de la population ne peuvent pas faire aboutir un projet de création audiovisuelle car elles ne savent pas raconter une histoire. C’est vrai que dans ce cas, j’aurais plutôt tendance à penser formation et accompagnement. Une IA pourra aider à améliorer la forme, respecter un certain cadre préétabli mais s’il y avait une solution miracle et unique pour créer une bonne histoire, ça se saurait. Comptez combien de livres sur l’art du storytelling existent sur le marché. Au mieux, l’IA pourra lister les possibilités qui s’offrent au créateur. Mais encore faudrait-il déjà savoir utiliser l’outil d’IA avant de rêver en exploiter les possibilités (voir cas d’usage plus bas).

Le premier film d’animation réalisé par l’intelligence artificielle ?

(Cette partie de l’article sur « Where the Robots Grow » a été ajouté le 3 novembre 2024)

Je venais juste de publier la première version de cet article, qu’une nouvelle est tombée de nulle part. Un studio britannique tout nouvellement créé et faisant partie de la société de production Pigeon Shrine, AiMation Studios, vient de sortir le 17 octobre « Where The Robots Grow », un film d’animation de 87mn, qui selon ses concepteurs, serait le premier long métrage conçu par intelligence artificielle. Cette déclaration est néanmoins discutable puisqu’un Américain a sorti cet été son propre film d’animation par IA  « DreadClub: Vampire’s Verdict » (distribué sur Prime Video). Comme pour l’invention du cinéma, on s’attend à des querelles à venir pour déterminer qui a créé le premier long métrage d’IA en fonction de l’apport réel des technologies utilisées ! Dans le cas de « Where the Robots Grow », l’intelligence artificielle a été utilisée comme co-pilote pour accélérer le processus de création des animations. Le film est écrit par Tom Patton, des acteurs prêtent ainsi leurs voix aux robots et le film a même son directeur de la photographie.

A l’origine du projet, Tom Patton, un cinéaste indépendant connu pour neuf long métrages réalisés entre 2016 et 2023, du film d’horreur (Redwood, 2017) au thriller (Assaillant, 2022). Avec quelques partenaires, il a conçu ce film d’animation en quatre mois avec une équipe de seulement neuf personnes aidés par des outils d’intelligence artificielle comme Adobe Firefly. Forbes note dans un article sur l’exploit que le coût du film réalisé par Paton est de 8.000$ la minute alors que le coût est normalement entre 10 et 20.000$ la minute pour un film d’animation basique destiné à la télévision et réalisé dans un pays où les coûts de production sont les plus faibles.

Espérant faire un coup de buzz, AiMation a fait le choix de proposer le film intégralement et gratuitement sur YouTube. En deux semaines, « Where the Robots Grow » a été vu par 40.000 personnes. Un chiffre encourageant mais qui reste, pour l’instant, assez bas. 

« Il ne s’agit pas seulement de réaliser un film mais d’ouvrir de nouvelles opportunités », explique Paton à Forbes. « Grâce à l’IA, nous sommes en mesure de faire tomber les barrières qui ont tenues tant de créateurs à l’écart. Au début, les arts étaient un moyen pour la classe ouvrière de s’échapper d’où elle vient. Mais cela a changé et le système est devenu un cercle fermé. Mettre l’IA entre les mains de créatifs de tous horizons à travers le monde inversera ce changement »

Le studio annonce travailler sur une dizaine de projets. Les responsables ont confié à Deadline : « Nous ne voyons pas AiMation comme un moyen d’économiser des coûts de production. Son but est de permettre aux créatifs de consacrer plus de temps à ce qu’ils aiment : créer. La technologie est là pour les aider à concrétiser leur vision d’une façon qui aurait été impossible auparavant sans avoir le soutien d’un grand studio »…. Même si, d’une façon contradictoire, le studio ne cache pas son ambition d’être remarqué par les grands studio comme Sony Pictures qui ont déclaré travailler sur le sujet.

Quant on connait les conditions de production de «  »Where the Robots Grow », le résultat est assez impressionnant. Même si le projet montre rapidement ses limites en termes de création. Il s’agit d’un film de SF qui se déroule sur une planète désertique, jolie mais assez basique, avec cinq personnages robots (pas d’animation faciale, c’est la voix des acteurs qui permet de transmettre les émotions). L’animation globale est très correcte mais rien à voir évidemment avec un film Pixar ! Et l’IA monte clairement ses limites quand des personnages humains apparaissent (d’ailleurs ses apparitions sont limitées au strict minimum). Le résultat est alors très figé.

Pour voir le film, et vous faire un avis vous-même, il suffit donc d’aller sur YouTube

Vous pouvez également lire ma critique de « Where the Robots Grow »

Distribution : Sous-titrage et Doublage générés automatiquement

Voici une application de l’automatisation plus ou moins mâtinée d’intelligence artificielle à laquelle n’importe quel utilisateur des plateformes de streaming a été confronté : les sous-titres générés automatiquement, Si vous vous aventurez dans une plongée du catalogue apparement sans fonds de Netflix ou Prime Video (elle-même pilotée par les algorithmes, lire à ce sujet l’article du New York Times Magazine), et peut-être bien avant, vous avez de bonnes chances de tomber sur un film avec des sous-titres proposés en multiples langues, qualité « Google Trad », de toute évidence non relus par un être humain qui aurait lui un minimum de compréhension de la langue et du contexte posé par l’histoire qui est racontée à l’écran.

J’ai pu récemment en faire l’expérience avec « British Made » (2019), un film indépendant passé inaperçu à sa sortie.  D’un côté, on ne peut que se féliciter que le film soit disponible sur une plateforme de streaming, même s’il est difficile de l’y trouver. A priori c’est une aubaine pour le cinéma indépendant. Le producteur n’a pas les moyens de financer des sous-titres dans une multitude de langues. D’un autre côté, on ne peut qu’être alarmé quand on constate que même les sous-titres en anglais (la langue originale du film) sont truffés d’erreur. Mettre à disposition au public non anglophone ou malentendant un film rendu incompréhensible par les sous-titres a-t-il vraiment un intérêt ? Ne dessert-il pas le film, et sa réputation, plutôt qu’autre chose ?

On peut penser qu’avec une amélioration de l’intelligence artificielle, les sous-titres s’améliorent. Jusqu’à atteindre le niveau de précision d’un sous-titre créé par un être humain ?

Plus largement, et comme le rappelle le Dr Dominic Lees dans l’article précédemment cité de « Sight & Sound », l’IA pourra permettre de se passer des acteurs de doublage et de proposer des doublages à moindre coût, entièrement générés par elle. On peut même imaginé un doublage en Français se basant sur la voix des acteurs originaux. Au plus près du film original donc. On imagine l’impact en France par exemple où le doublage est une pratique courante. Rappelons justement que cette possibilité n’est pas couverte par l’accord entre les acteurs américains et les studios d’Hollywood. L’Amérique peut sembler a priori moins concernée mais rappelons qu’outre le doublage de films, ce sont encore, pour l’instant, les voix de « vrais » acteurs que vous entendez dans les films d’animation et les jeux vidéos.

Notons que la contextualisation, qu’elle soit culturelle ou linguistique, est un facteur majeur dans la réalisation de sous-titres et doublages de qualité. Elle demande une compréhension parfaite de ce qui se passe à l’écran, des sentiments qu’ont voulus transmettre le réalisateur et les acteurs, du double sens,… On n’en est pas là aujourd’hui, loin s’en faut. Pour combien de temps ?

2024, l’année du tournant ? 

 

En décembre 2023, le fameux et très sérieux magazine sur le cinéma, édité par le BFI, « Sight and Sound », publiait un article intitulé « 2023, l’année de l’IA ». Son auteur est le Dr Dominic Lees, professeur associé à l’Université de Reading et spécialiste des sujets IA pour le magazine.

L’article revenait sur les grèves qui ont secoué le milieu des scénaristes et acteurs aux Etats-Unis de début mai à fin septembre 2023 : « À présent que les grèves sont finies, certains risques subsistent – ​​mais aussi des possibilités vertigineuses ».

Le Dr Dominic Lees estime que « L’utilisation de l’IA durant l’écriture sera largement adoptée en 2024. L’impact aura d’abord lieu sur les films à petit budget où la vitesse de développement des projets est souvent un facteur clé ». L’article prend le cas de Bob Schultz, un scénariste et réalisateur canadien de films de genre (sur son IMDB on ne trouve qu’un film qu’il a co-réalisé et co-scénarisé « Breakdown Lane » (2017) et noté actuellement 2.7/10 et une participation à une anthologie « Herschell Gordon Lewis’ BloodMania », également sortie en 2017 et notée 3,2/10. Mais passons. Il utilise ChatGPT pour générer de multiples pitchs à présenter lors des réunions avec des producteurs. Même s’il reconnait que pour l’écriture c’est une autre paire de manches. En tout cas, d’après lui, il doit écrire 20 scénarios à l’année pour gagner sa vie, et c’est devenu possible pour la première fois grâce à ChatGPT 4.

Sur le même ton optimiste, l’article de Sight and Sound prévoit : « En 2024 l’Intelligence Artificielle deviendra un extraordinaire outil de préproduction. Les systèmes seront capables de prendre un scénario complet et de générer automatiquement les budgets et les découpages techniques – même la liste des prises de vue, les storyboards et les animatiques (storyboards animés) ».

Enfin, selon l’auteur de l’article, l’IA amènera son lot de nouvelles terminologies ! Son favori étant ‘Gaussian Splats’, une technologie liée à la capture vidéo en 3D. En postproduction, un monteur pourra utiliser cette technologie afin de changer un angle de caméra ou créer des mouvements de caméra qui n’ont pas pu être réalisés durant le tournage.

Le BFI a en tout cas trouvé un autre domaine où l’IA pourrait être utile, l’archivage. Et il a réservé en 2024 un budget de 175.000 livres afin de financer des projets de recherche sur le sujet. Pour Rishi Coupland, le directeur de la recherche et de l’innovation industrielle au BFI « L’IA présent des opportunités significatives pour aider les archivistes dans leurs tâches, que ce soit au niveau de la documentation, du développement  ou du partage de l’héritage de l’image animée – mais il est nécessaire  d’avoir une compréhension beaucoup plus fine des bénéfices et des enjeux en question. »

Toujours du côté du BFI, notons l’existence de modules de formation autour de l’IA d’étudiants en marketing avec le CIM (Chartered Institute of Marketing). Le premier, intitulé « AI Filmmaking Fundamentals » a pour objet de montrer aux participants comment l’Intelligence Artificielle peut les aider à optimiser leur contenu vidéo (facturé £299 pour 3,5 heures). Le deuxième, intitulé « AI Filmmaking for Marketers » propose une formation d’une journée (pour un coût de £599) autour d’une mise en pratique de la création de vidéo en utilisant les outils d’IA.

Que font les autres professionnels du secteur ? Ben, ils se préparent !

 

S’ils paraissent parmi les plus en avance sur le sujet, ITV et Channel 4 ne sont pas les seuls acteurs britanniques du secteur audiovisuels à avoir des vues sur l’IA. Le 5 novembre 2024, dans les murs du temple du cinéma britannique, le BFI Southbank à Londres, aura lieu pour la deuxième année consécurive le AI Creative Summit réservé aux professionnels du divertissement. Le programme est assez parlant et plus de 300 participants sont attendus :

  1. Présentation des derniers outils d’IA en matière de création (effets spéciaux, écriture de scénarios, développement de personnages et personnalisation de contenu).
  2. Comment optimiser les différentes étapes de production en économisant du temps et des ressources tout en améliorant la créativité
  3. Politiques à mettre en place et inquiétudes : droits de propriété intellectuelle, l’IA et le statut d’auteur, le déplacement de main-d’oeuvre, l’assurance de la diversité et de l’inclusivité dans les les décisions créatives menées par l’IA.
  4. Éthique et responsabilité : Équilibrer l’innovation avec des considérations éthiques, la protection des données et l’impact sur la créativité humaine
  5. Études de cas et tables rondes

L’événement est organisé par l’éditeur de publications professionnelles Media Business Insight (MBI), 

Et comme toute innovation, tout le monde veut y être et ne pas se laisser dépasser par la concurrence. Quitte à jouer aux apprentis sorciers.

Et alors, on y va ou on n’y va pas ? *

*Considérations globales et subjectives sur l’IA

 

C’est une bonne question.

Les questionnements et problématiques liées à l’IA sont naissants mais chaque démonstration d’intérêt d’un acteur de l’industrie cinématographique vers l’IA créée des vagues. Plus que dans n’importe quel autre secteur. C’est normal. On parle non plus ici de faire des calculs, de répondre à un question quelconque, d’agréger des données et de les rendre lisibles ou même de traduire un texte non littéraire… Mais de créer du contenu qui aurait une valeur artistique. Soit le propre du subjectif humain.

Et pour l’instant, malgré tous les outils apportés par la technologie (les ordinateurs, les caméras numériques…), c’est bien toujours l’homme qui est au volant. L’IA n’est qu’à un stade naissant, il est encore loin d’être parfait et si en matière de logique pure on peut constater des résultats intéressants, en matière de création, pour l’instant c’est tout autre chose. L’utilisation de l’IA reste distinctive, si on l’oeil un peu aguerri on sait l’identifier, en tout cas dans la plupart de ses usages. Et le public lui-même n’est pas prêt. Face à la multiplication des contenus générés par l’IA, le fossé se creuse entre les partisans et les adversaires.

Il suffit d’aller sur les réseaux sociaux pour constater la violence des réactions face aux images et vidéos générées par l’IA. Le 19 octobre 2024, pour illustrer un sujet sur le prochain film de James Gunn « Superman: Legacy » dans son journal du soir, la chaine française France 2 a utilisé un clip d’un fan généré par l’IA trouvé sur YouTube. Au-delà de l’erreur journalistique de la chaîne, l’utilisation de la vidéo en question n’a pas tant été critiquée parce qu’elle a été faite par un fan – c’est plutôt bien vu sur le net où les créations de fans se multiplient et deviennent parfois aussi célèbres que leurs inspirations. Le net se serait contenté de se moquer de France 2 et de saluer au passage une création tellement bien faite qu’elle l’avait induite en erreur. Non, elle a créé une telle rage en raison de son « esthétique IA ».

L’internaute français qui a souligné sur X (ex-Twitter) l’erreur de la chaine, parle dans son poste d’un « trailer fanmade blindé d’IA trouvé sur YouTube. » Le réalisateur lui-même, a repartagé le post de l’internaute français avec pour simple commentaire des émojis de vomissement. A date du 25 octobre, le post de James Gunn a été vu 6 millions de fois.

Mais demain ?

D’innombrables prosélytes de l’IA nous promettent une société où l’homme ne sera plus qu’un administrateur ou utilisateur de l’IA selon son niveau de compétence. L’IA réalisera toutes les tâches. Ils pensent que d’ici quelques dizaines d’années on pourrait obtenir une intelligence artificielle qui aura atteint le niveau ultime : elle sera conscience d’elle-même, sera capable de penser par elle-même. Elle serait donc un être pensant et possiblement autonome comme vous et moi, sauf qu’elle aura des capacités infiniment supérieures à nous.

On est loin d’en être là mais on est face à une situation où la réflexion naissante sur le sujet reste assez embryonnaire alors que les nouvelles technologies progressent vite. Bientôt, on pourra peut-être voir la bande annonce d’un film conçu entièrement par IA, sans avoir le moindre début d’un doute sur son authenticité.

Bref, je ne vais pas vous faire un cours sur l’IA ici et je ne serai pas la personne la plus compétente. Mais sur l’IA, comme sur le sujet plus global des nouvelles technologies, on veut l’utiliser avant même de savoir s’en servir. Et ça génère pas mal de doutes, voire d’hostilité. Alors qu’on est au stade des expérimentations, parfois hasardeuses, il est tout à fait normal de vouloir les cadrer. Mais c’est presque trop tard. Le problème est en amont. C’est comme un film. Le travail de préproduction doit se dérouler avant le tournage et pas le contraire !

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BONUS : illustration de la difficulté de création d’un contenu généré par IA quand on ne maitrise pas les outils (Cas pratique)

 

Comme je suis fainéant et parce que je trouvais que c’était justement une bonne idée de générer une image créée par l’intelligence artificielle pour illustrer cet article, j’ai fait une demande à ChatGPT en oubliant que la version gratuite ne peut générer pas plus de deux images par jour via Dall-E, outil de génération d’image appartenant également à openAI,

Mais ça n’a pas marché. Je n’aurais pas dû dire « génère moi » mais « Peux-tu créer une image…« . Donc il ne peut pas générer d’image mais il peut en créer…

En tout cas, voici ses recommandations quand je lui ai demander de « générer une image » :

 

Et voici ce qu’il m’a indiqué deux jours plus tard avec la même requête :

Et l’image qu’il a créé quand j’ai enfin demandé : « Peux-tu créer une image… » :

 

Bref, ce soir-là j’avais laissé tomber ChatGPT, et je suis du coup passé par un autre outil d’IA, le Dream Lab de Canva. En lui demandant ce que je souhaitais faire de l’image, voici ce qu’il m’a proposé. Evidemment, tout l’art pour obtenir ce que l’on veut est dans la qualité du « prompt ».

Ici, j’ai demandé une « image simple illustrant un article sur l’intelligence artificielle dans la production audiovisuelle britannique ». Bon on ne partage pas la même conception de ce qu’on entend par la « simplicité »

Du coup, j’ai fait plus simple justement et en Anglais au cas où. J’ai rentré un prompt le plus basique possible décrivant non l’utilisation mais ce que je voulais voir sur l’illustration : « A modern movie camera opposite to a AI computer brain with a british flag in the background »

Il m’a sorti quatre propositions :

J’ai voulu re-précisé ma requête mais l’outil m’a dit d’attendre car il y avait trop de requêtes et que je devais réessayer plus tard. Bon, là je me suis dit que je n’allais pas y passer la nuit. Et donc la 3e image fera l’affaire vu que c’est la seule image où la caméra ressemble vaguement à quelque chose de plus ou moins réaliste. Ok, c’est moche (et je ne sais pas pourquoi il a eu l’idée de mettre deux drapeaux carrés suspendus à une barre). Mais le vrai problème, c’est que je m’étais trompé dans le format. Il me fallait une image en 2:1 (rectangulaire) et non 1:1 (carré)

J’ouvre Photoshop et demande à l’IA Adobe Firefly d’étendre l’image afin d’obtenir le bon format. Voici ce que j’obtiens (un peu recadré) :

Ne me demandez pas pourquoi la dame floue au deuxième plan (que l’IA d’Adobe a rajouté pour habiller l’image) semble porter des gants de Mickey, je n’en sais rien. Mais l’une des blagues récurrentes à propos des images générées par IA encore aujourd’hui, c’est qu’elles ont du mal à reproduire les mains humaines correctement et que vous vous retrouvez facilement avec des doigts en trop ou un pouce qui ressemble à un index. Mais quand même, c’est encore une fois très moche et puis je voulais quelque chose de plus simple.

Je suis quand même retourné sur Canva en lui demandant « A modern movie camera opposite to an AI Brain with a british flag background » (et non pas « une « a british flag in the background ») en précisant le bon format. Au final, j’ai pris la première. C’est celle-ci que vous retrouvez en illustration de ce fabuleux article.

 

Principales sources :

https://www.broadcastnow.co.uk/tech-innovation/itv-criticised-by-creatives-over-depressing-ai-role/5198343.article

https://www.bbc.com/news/articles/c62m24r7r85o

https://variety.com/2024/tv/global/itv-ai-create-wggb-writers-criticize-1236184545/

https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2024/oct/21/sheep-herding-with-joe-lycett-itvs-ai-plan-is-the-worst-idea-since-monkey-tennis

https://www.broadcastnow.co.uk/tech-innovation/c4-led-group-lands-104m-funding-for-ai-driven-storytelling/5197297.article

https://www.bfi.org.uk/sight-and-sound/2023-year-ai

https://www.screendaily.com/news/bfi-opens-its-first-ai-focused-fund-to-explore-use-in-screen-archives/5195304.article

https://www.cim.co.uk/training/list-courses/ai-filmmaking-fundamentals/

https://www.clubic.com/actualite-541115-trompee-par-une-ia-france-2-diffuse-pendant-son-20-heures-de-faux-extraits-du-prochain-superman.html

https://nytimes.com/2024/10/07/magazine/netflix-library-viewer-numbers.html