Deuxième film de Ken Loach qui avait déjà révolutionné la télévision britannique, « Kes » est l’un des plus réputés. A raison ?
Kes (1969)
Réalisé par Ken Loach
Ecrit par Barry Hines, Ken Loach et Tony Garnett
Avec David Bradley, Freddie Fletcher, Colin Welland, Lynne Perrie,…
Directeur de la photographie : Chris Menges
Musique : John Cameron
Produit par Tony Garnett pour Kestrel Films et Woodfall Film Productions
Drame / Social
110 mn
UK
« Kes » est le deuxième film de Ken Loach pour le grand écran, deux ans après « Poor Cow » (Pas de larmes pour Joy). Loach a alors déjà derrière lui une solide expérience à la télévision et on le retrouve ici accompagné du producteur Tony Garnett qui avait déjà produit l’un de ses téléfilms les plus remarqués : « Cathy Come Home » (1966).
Autant le dire tout de suite, même si j’adore Ken Loach, je ne suis pas un fan des films sociaux avec des enfants comme protagonistes. Les britanniques en ont conçu plusieurs et après tout rien d’étonnant. Dickens avait montré l’exemple avec « Oliver Twist » et les enfants ont été les premières victimes de la révolution industrielle.
Côté cinéma britannique, on pense évidemment à la trilogie de Bill Douglas sur son enfance (réalisée entre 72 et 78), « Ratcatcher » (1999) de Lynne Ramsay et « The Selfish giant » (2013) de Clio Barnard. C’est généralement assez glauque. Mise à part chez Bill Forsyth qui traite le sujet de l’adolescence dans un environnement difficile avec humour : « That Sinking Feeling » (1979). Bon sinon à l’autre bout du spectre, il y a aussi la tarte à la crème « Billy Elliot » (2000).
A la fin des années 60, Ken Loach avait déjà une réputation de cinéaste engagé, pourfendeur de la violence économique. Réalisé trois ans avant, « Cathy Come Home », téléfilm sur la descente aux enfers d’une famille des classes populaires qui s’installe dans la vie, avait fait grand bruit et avait provoqué un débat sur les problèmes de logement.
« Kes », tourné à Barnsley, dans le South Yorkshire, s’inscrit dans ce cinéma social sans concession. Dans cette ville minière, le destin de Casper (David Bradley) semble tout tracé. Il vit avec sa mère et Jud son demi-frère plus âgé qui travaille à la mine. Ce dernier est une brute qui tyrannise sa mère, qui se laisse faire, et Casper.
A l’école, ce n’est guère mieux. Ce garçon frêle est la victime idéale pour les petites brutes en puissance et les professeurs frustrés.
Dans « Kes », le système éducatif est clairement pris à partie. Les professeurs et l’encadrement administratif passent temps à hurler sur les élèves, quand ils ne les maltraitent pas physiquement. Le conseil d’orientation professionnel est une blague et le futur des élèves semble bien sombre, entre l’apprentissage professionnel pour travailler dans un métier manuel, le travail de gratte papier dans un bureau quelconque (sans plus de précision) et… la mine.
Comment s’échapper d’une telle réalité ? Casper recueille un faucon et se met en tête de le dresser, aidé d’un livre qu’il a volé dans une librairie. Evidemment, rajouté aux livraisons de journaux qu’il effectue pour gagner un peu d’argent, ça n’aide pas ses résultats scolaires.
Seul un professeur, Mr. Farthing (Colin Welland, futur scénariste oscarisé de « Chariots of Fire ») semble enfin s’intéresser à Casper quand il apprend la nature de sa passion.
Voir Casper entrainer son faucon, et s’en occuper avec tant de passion, donne du baume au coeur. La fin n’en sera que plus dure !
Même Ken Loach a fait des films imprégnés de plus d’espoir. Ici, le monde de Casper est un peu trop sombre, les moments de lumière trop rares (et « Kes » même s’il tend vers le démonstratif comme « Cathy Come Home » par exemple, est un peu plus ambigu. La charge contre l’école est dure mais est-ce vraiment le sujet central du film ?). En tout cas, on ne peut qu’admirer la résistance et la force d’esprit de Casper (superbement bien interprété par un David Bradley plus vrai que nature qui faisait ici sa première apparition à l’écran). Pour moi le personnage de Casper est le véritable sujet du film, mais Loach oublie parfois son héros pour asséner ses quatre vérités.
Je continue à trouver que les films sociaux avec des enfants manquent cruellement de subtilité (même si « Kes » est pour moi largement supérieur à « Ratcatcher » et « The Selfish Giant »).
« Kes » est parfois considéré comme le meilleur film de Ken Loach. Ce n’est pas le cas à mes yeux mais ça reste un très bon film coup de poing, même s’il n’échappe pas à quelques facilités (les personnages sont trop unidimensionnels à l’image de la mère et du demi-frère de Casper, et le scénario vire vers le mélodramatique).
DVD zone 2 FR. Studio Les Films du Paradoxe. Version originale sous-titrée en français