Deux personnages que tout semble opposer doivent passer une année ensemble sur une île aussi paradisiaque qu’inhabitée. Un film oublié et atypique de Nicolas Roeg qui ressort enfin en blu-ray
Castaway (1986)
Réalisé par Nicolas Roeg
Ecrit par Allan Scott d’après le livre de Lucy Irvine
Avec Oliver Reed, Amanda Donohoe, Virginia Hey, Tony Rickards, Todd Rippon,…
Direction de la photographie : Harvey Harrison / Production design : Andrew Sanders / Montage : Tony Lawson / Musique : Stanley Myers
Produit par Rick McCallum pour Cannon Screen Entertainment et United British Artists (UBA)
Aventures / Biopic / Comédie dramatique / Romance
113mn
UK
Dans les années 80, Nicolas Roeg enchaine rapidement les films : « Bad Timing » en 1980, « Eureka » en 1983, « Insignifiance » en 1984 et donc ce « Castaway » en 1986. Pendant longtemps, ce film était très dur à trouver, c’est donc avec un intérêt particulier qu’on accueille cette édition blu-ray par l’éditeur anglais 88films.
« Castaway » est atypique dans la filmographie de Roeg et probablement le film le plus accessible avec « The Witches » en 1990. Il est adapté librement du récit de Lucy Irvine qui en 1981 a répondu à une annonce dans le journal de l’écrivain Gerald Kingsland pour passer un an avec lui sur ile déserte de Tuin située entre la Nouvelle Guinée et l’Australie. Elle a raconté son expérience dans le livre éponyme « Castaway » en 1983.
Le livre a été adapté par l’écossais Allan Scott qui avait déjà travaillé avec Roeg sur « Don’t Look Now » (1973). Le tournage a eu lieu à Londres (pour le premier tiers) puis sur l’ile de Tuin pour le reste du film. Le casting d’Oliver Reed dans le rôle principal était un sacré pari. Reed avait perdu de sa superbe à cause de ses excès alcoolisés et n’avait pas bonne réputation, enchainant des productions fauchées. Aussi « Castaway » est l’un de ses rares films de l’époque à dépasser la médiocrité avec « The Adventures of Baron Munchausen » (1988) de Terry Gilliam dans lequel il joue un Vulcain mémorable, un rôle sur mesure de Dieu romain du feu, de la forge et des volcans !
A ses côtés la londonienne Amanda Donohoe, alors âgée de 24 ans et en début de carrière, a l’opportunité de tourner avec Roeg et Reed. Ça ne se refuse pas, me direz-vous ! Oui mais… dans le rôle de Lucy, elle passe une bonne partie du film complètement nue !
« Castaway » est essentiellement la rencontre de deux personnes qui n’auraient jamais dû se croiser, une jeune comptable et un écrivain anglais quarantenaire. Réflexion sur le choc entre deux générations et deux sexes opposés, « Castaway » pourrait être une comédie romantique. C’est en fait une comédie dramatique avec des moments de violence psychologique. Cette aventure se relèvera épuisante pour les deux personnages, loin de l’exotisme et de l’érotisme de la situation.
Co-produit par la Cannon, spécialiste américain des séries B (notamment avec Chuck Norris) qui à l’époque essaie de se lancer dans la production de films « sérieux », « Castaway » a laissé perplexe le public et les critiques. Dans certains pays, les distributeurs l’ont présenté comme une comédie romantique, dans d’autres comme une aventure à la Robinson Crusoé ou encore un film érotique. Le problème, c’est que « Castaway » ne rentre dans aucune case. Dans « Castaway », il y a un peu de Jack Clayton (pour l’analyse des relations de couple) et de Michael Powell pour la relation entre une jeune femme et un artiste mûr (« Age of Consent » en 1969 – qui se déroule également sur une île exotique et a également de très belles images sous-marines).
« Castaway » ne fonctionne pas toujours. Il est un peu trop long, l’histoire est assez basique et repose entièrement sur l’observation des relations chaotiques entre ces deux personnages. Ce qui sur la durée est difficile à tenir alors qu’il ne se passe finalement pas grand chose pendant le film (en tout cas en ce qui concernent les événements dramatiques). Personne ne prétendra que c’est le meilleur film de Roeg. Lui-même n’a pas beaucoup parlé du film par la suite, se contentant de regretter de s’être lancé dans la pré-production trop rapidement avant que le script soit suffisamment travaillé et disant mystérieusement que le casting était bon à seulement 50%. Une allusion au comportement de Reed durant le tournage ? Amanda Donohoe dira pour sa part que son comportement sur le plateau fut celui d’un gentleman. Mais en dehors ?
Reste que « Castaway » est un film intéressant dans la carrière de toutes les personnes impliquées. Oliver Reed donne ici l’une des plus belles prestations de la seconde partie de sa carrière. Et le couple Reed / Donohoe fonctionne très bien à l’écran. Nicolas Roeg se dirige alors pour la première fois de sa carrière de réalisateur vers un cinéma franchement plus accessible mais loin d’être inintéressant.
Blu-ray UK. Studio 88Films (2025). Version originale avec des sous-titres optionnels. Bonus : dossier de presse et photos du film (pour le premier pressage), interview du directeur de la photographie, deux pistes de commentaires audio avec des spécialistes du cinéma.