Le premier film de Gurinder Chadha est une comédie dramatique toujours sur le fil du rasoir mais qui propose de très beaux portraits de femmes issues de la communauté indienne britannique
Bhaji On The Beach (1993)
(Bhaji, Une Balade a Blackpool)
Réalisé par Gurinder Chadha
Ecrit par Meera Syal
Avec Kim Vithan, Jimmi Harkishin, Sarita Khajuria, Akbar Kurtha, Lalita Ahmed, Mo Sesay,…
Direction de la photographie : John Kenway / Production design : Derek Brown / Montage : Oral Norrie Ottey/ Musique : John Altman et Craig Pruess
Produit par Nadine Marsh-Edwards
Comédie dramatique
101mn
UK
Née au Kenya en 1960 de parents faisant partie de la diaspora indienne, puis élevée à Londres, Gurinder Chadha n’a cessé dans toute sa carrière d’interroger le conflit d’identité des immigrés indiens dans la société britannique et du choc des cultures qui en résulte. Un choc d’autant plus frontal qu’il est vu souvent à travers les yeux de jeunes femmes nées en Grande Bretagne et qui se retrouvent prises en étau alors qu’elles atteignent l’adolescence entre la tentation d’une vie moderne et des traditions familiales et culturelles. Deux extrêmes mais qui peuvent dégager toutes deux leurs propres odeurs nauséabondes de racisme et de sexisme.
On ne s’étonnera donc pas de retrouver ces thématiques dans son premier long métrage, la comédie dramatique indépendante co-produite par Film4 « Bhaji On The Beach ». L’action du film se déroule sur une journée. Des femmes de tout âge d’origine indienne habitant Birmingham partent ensemble en bus passer la journée sur les plages de la cité balnéaire populaire de Blackpool. Mais deux jeunes participantes sont à un moment décisif de leur vie : Ginder a fuit, avec son fils sous le bras, son mari qui la battait. Une décision impensable dans sa communauté. Quant à Hashida, c’est une jeune femme brillante sur le point d’entamer des études de médecine. Mais elle découvre qu’elle est enceinte de son petit ami (qu’elle a caché à sa famille car il est… noir).
Gurinder Chadha signe une comédie formellement légère comme une virée à Blackpool. Mais les sujets traités sont loin d’être légers ; racisme, violence conjugale, avortement,… Heureusement, Chadah et sa scénariste Meera Syal traitent ces sujets avec suffisamment de subtilité et d’intelligence pour rester en équilibre sur la corde raide et livrer un film qui tient la route malgré quelques dos d’âne. La violence (qu’elle soit physique, verbale ou symbolique) abonde dans « Bhaji On The Beach » autant que les blagues. On se retrouve à sourire en grinçant des dents et je peux vous garantir que c’est un exercice périlleux !
La direction d’acteurs laisse occasionnellement à désirer et les histoires de chacune sont juste effleurées (avec les thématiques qu’elles portent). Sur ce dernier point, rappelons qu’on a affaire à un film chorale ambitieux qui se déroule sur une journée. In fine, les portraits sonnent justes. Et c’est bien le principal.
Heureusement, Chadha reste à tout moment concentré sur son sujet, permettant au film de garder sa cohérence : des bribes d’histoires de femmes de tout âge jetées contre leur gré hors de leur zone de confort mais bien décidées à ne pas être des actrices passives de leurs vies face à leurs familles, aux traditions et à la société.
Gurinder Chadha aura l’occasion de revenir maintes fois sur ses thématiques favorites et rencontrera même un succès international surprise quelques années plus tard avec une excellente comédie autour d’une jeune fille d’origine indienne qui veut devenir footballeuse dans « Bend It Like Beckham » (Joue-là comme Beckham, 2002).
Le film est sorti sur les écrans français en 1998 sous le titre de « Bhaji, Une Balade a Blackpool » en version originale sous-titrée (par Jean-François Cornu). Une sortie tardive, cinq ans après la sortie anglaise, mais qui peut s’expliquer par le triomphe en 1997 de « The Full Monty » qui a aiguisé l’appétit des distributeurs pour des comédies sociales à l’anglaise. Notons d’ailleurs qu’il y a une scène de strip tease masculin à la fin de « Bhaji on the Beach ». Coïncidence ? Je ne pense pas 🙂