Un portrait intéressant et crédible de la jeunesse londonienne rebelle de l’après-guerre et du fossé générationnel

Beat Girl (1960)

(L’aguicheuse)

Réalisé par Edmond T. Gréville

Ecrit par Dail Ambler

Avec Gillian Hills, David Farrar, Noëlle Adam, Adam Faith, Christopher Lee, Shirley Anne Field, Oliver Reed, Nigel Green, Carol White,…

Direction de la photographie : Walter Lassally / Direction artistique : Elven Webb / Montage : Gordon Pilkington / Musique : John Barry

Produit par George Willoughby pour Willoughby Film Productions

Tourné aux Studio MGM British, Boreham Wood

Drame

UK

Jennifer (Gillian Hills) est une jeune étudiante en école d’art qui passe son temps avec ses amis dans un bar de Soho plutôt que d’étudier. Il faut dire que son père architecte et divorcé (David Farrar) est rarement présent. Mais quand il ramène au domicile une nouvelle femme, Nicole (Noëlle Adam) une française de 24 ans qu’il a épousé à Paris, Jennifer n’est pas des plus heureuses.

Un jour, alors que Nicole vient dans le bar où elle a ses habitudes pour l’inviter à déjeuner, Jennifer la rejette devant ses amis. Quand Nicole part, dépitée, elle croise une femme qu’elle fait semblant de ne pas reconnaître. Intriguée, Jennifer apprend que la femme en question est également française et… strip teaseuse. Elle décide alors d’enquêter sur le passé de sa belle mère en se rendant dans la boite de strip tease où travaille Martha. Elle y croise alors le patron de la boite, l’infâme Kenny (Christopher Lee) qui a des vues sur elle et qui l’aide à confirmer ses soupçons.

« Beat Girl » est un portrait réussi de la jeunesse londonienne qui a grandi sur les ruines de la seconde guerre mondiale et qui a parfois vécu les bombardements, comme Dave (Adam Faith) le petit ami de Jennifer, qui gratte de la guitare pour ses amis et refuse le mode de vie des « squares » (ceux qui ont une vie rangée) et de penser au lendemain.

Bref ces jeunes sont en opposition complète avec le père de Jennifer, architecte réputé et installé qui est obsédé par son projet de ville bétonnée et déshumanisée baptisé City 2000. Car il en est sûr, les gens ont besoin de pouvoir s’isoler du monde qui les entoure.

« Beat Girl » offre aussi une bonne vision du Soho dépravé d’après guerre avec ses fameux clubs de strip tease. Ceux-ci sont d’ailleurs généreusement montrés dans le film à plusieurs reprises, dans la tradition des films d’exploitation. Ils sont bien innocents aujourd’hui mais ont valu au film une classification X en Grande Bretagne et un charcutage en bonne et due forme pour la distribution sur le marché américain.

Le film est réalisé par le niçois Edmond T Gréville, figure oubliée aujourd’hui mais à qui on doit notamment l’excellent noir « Noose » (1948). Il était alors en fin de carrière et réalisa encore trois films avant sa mort en 1966 à l’âge de 59 ans. Il s’appuie ici sur un scénario original de Dail Ambler (Betty Mabel Lilian Williams de son vrai nom), ancienne journaliste passée écrivaine de polars, qui a fait ses marques en tant que scénariste en signant en 1958 deux adaptations pour la célèbre anthologie de ITV « Armchair Theatre ».

La musique, très importante dans un tel film, est due à John Barry (qui avait fait ses débuts pour le cinéma ici et avec « Never Let Go« ) et le chanteur Adam Faith qui fait également ses débuts sur grand écran et interprète deux chansons (malheureusement en playback). « Beat Girl » sera apparemment le premier film britannique dont la bande originale a bénéficié d’une sortie en album.

Le casting est excellent. Dans le rôle principal, Gillian Hills n’a alors que 15 ans (!) mais en parfait trois ou quatre de plus facilement. En tout cas, il s’agissait déjà de sa deuxième apparition à l’écran après « Les liaisons dangereuses » de Roger Vadim (qui l’a découvert alors qu’elle était réfugiée à Paris avec sa mère après le divorce mouvementé de ses parents). On la retrouvera notamment dans des petits rôles dans « Blow Up » (1966), « A Clockwork Orange » (1971) ou encore dans des rôles plus substantiels dans des séries B comme « Demons ou the Mind » (1972). Elle n’a pas tant jouer que ça, mais il faut noter qu’elle a également eu une carrière de chanteuse pop (en France !) ou encore d’illustratrice.

Dans le rôle du père de Jennifer, on bénéficie de la présence du vétéran David Farr, vu notamment à plusieurs reprises chez Powell (Black Narcissus, « The Small Back Room ») ou encore dans « Frieda » (1947) de Dearden. Sa jeune épouse est interprétée par la française Noëlle Adam qui a fait ses débuts au cinéma à la fin des années 50 dans deux films de De Funès (« Comme un cheveu dans la soupe » et « Ni vu, ni connu »). Elle a été mariée avec Sidney Chaplin et Serge Reggiani.

Christopher Lee est comme toujours excellent dans les rôles de manipulateur et Shirley Ann Fields avait déjà une carrière intéressante. Elle tourne la même année dans pas moins que « Peeping Tom » pour Powell, « The Entertainer » pour Tony Richardson et « Saturday Night and Sunday Morning » pour Karel Reisz !

Enfin, notons la présence à l’écran d’Oliver Reed, alors âgé de 20 ans, dans l’un de ses premiers rôles crédités (il aurait eu le rôle grâce à son fameux oncle, Carol Reed) ou encore de Carol White ici en figurante.

Combo Blu-ray/DVD. Studio BFI, collection Flipside (2015). Version originale avec sous-titres anglais optionnels. Livret + nombreux bonus

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