Comédie Musicale:
Julien Temple

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3
On 13 juillet 2020
Last modified:2 août 2020

Summary:

Bide monumental à sa sortie, cette super production mi-comédie musicale  et mi-drame social a plutôt bien vieilli et mérite une seconde chance

Bide monumental à sa sortie, cette super production mi-comédie musicale et mi-drame social a plutôt bien vieilli et mérite une seconde chance

Absolute Beginners (1986)

Réalisé par Julien Temple

Ecrit par Richard Burridge, Christopher Wicking et Don MacPherson d’après le roman de Colin MacInnes

Avec Patsy Kensit, Eddie O’Connell, David Bowie, James Fox, Tony Hippolyte,…

Direction de la photographie : Oliver Stapleton / Prodcution design : John Beard / Direction artistique : Stuart Rose et Ken Wheatley / Montage : Richard Bedford, Michael Bradsell, Gerry Hambling et Russell Lloyd / Musique : Gil Evans

Produit par Stephen Woolley et Chris Brown pour Goldcrest Films International, Palace Pictures et Virgin

Comédie musicale / Drame

108mn

UK

Été 1958. Colin (Eddie O’Connell) est un jeune photographe qui habite dans le quartier populaire et coloré de Notting Hill et profite de la vie nocturne à Soho, le quartier branché et festif, avec sa petite copine Suzette (Patsy Kensit). Mais Suzette qui travaille pour le couturier Henley of Mayfair (James Fox) rêve de gloire et de Paris. Pour lui montrer qu’il n’est pas un raté, Colin décide de se rendre à une fête people pour y trouver des contacts. Il y rencontre le publicitaire Vendice Partners (David Bowie) qui lui promet des richesses s’il met son talent au service de la consommation de masse. Mais Colin ignore que ce dernier travaille sur un chantier immobilier en plein Notting Hill avec pour ambition de le transformer en quartier propre destiné aux classes moyennes blanches.

« Absolute Beginners » est tiré d’un roman de Colin MacInnes portant sur les changements de la société britannique à la fin des années 50. Un nouveau monde apparait, celui des adolescents, de la consommation de masse mais aussi de la montée du racisme grandissant face à l’immigration. Sentiment exploité par le parti fasciste d’Oswald Mosley et qui mènera aux émeutes raciales de l’été 58 à Notting Hill.

L’adaptation du livre de MacInnes est portée à l’écran par Goldcrest, la société de production britannique qui a alors le vent en poupe après les triomphes de « Chariots of Fire » (1981), « Gandhi » (1982) ou encore « Local Hero » (1983) et « The Killing Fields » (1984).

Goldcrest sort l’artillerie lourde. Les reconstituions de Soho et de Notting Hill sont somptueuses. La réalisation est assurée par Julien Temple qui a démarré sa carrière en suivant le mouvement punk et a signé le documentaire « The Great Rock ‘n’ Roll Swindle » (1980). Dans les années 80, il réalise alors les clips de tous les plus grands noms de la musique britannique. David Bowie compose la chanson du titre du film et interprète également le rôle du manipulateur Vendice Partners.

Julien Temple prend visiblement son pied à filmer les aventures du jeune couple formé par Patty Kentsy et Eddie O’Connell. Le film s’ouvre sur un long plan-séquence dans Soho, la maison de Colin est découpée comme une maison de poupée, les émeutes finales voient le quartier de Notting Hill littéralement prendre feu.

Bien loin d’être une simple comédie musicale basée sur une reconstitution historique d’une époque lointaine, on devine aisément l’ambition  de dresser un parallèle avec l’Angleterre Thatchérienne des années 80.

Pourtant le film, présenté au Festival de Cannes hors compétition, est descendu par les critiques et s’effondre dans les salles, jouant un rôle prédominant dans l’effondrement de Goldcrest (avec « Revolution » sa méga production sur la guerre d’indépendance américaine avec Al Pacino sortie l’année précédente). Et ce n’est pas la palme d’or de « The Mission » (1986) qui suffira à les sauver.

Comment expliquer un tel désastre ? Premier indice, la production a été compliquée (d’après le réalisateur, le film avait déjà dépassé son budget d’un million de dollars avant même que le tournage ne commence).

Le résultat fait parfois l’effet d’un funambule qui, les yeux bandés, avance à l’aveugle, manquant continuellement de faire une chute fatale. La romance entre Colin et Suzette ne s’avère pas être un fil conducteur assez fort pour porter l’histoire, d’autant que les deux acteurs principaux Patsy Kensit et Eddie O’Connell sont alors inconnus du grand public (surtout O’Connell qui fait ici ses débuts sur les écrans) et que le couple manque de charisme (à mon goût). La vraie star du film, David Bowie, n’apparaît qu’au bout de 45 minutes pour n’y rester au plus qu’une vingtaine de minutes. Quant aux morceaux musicaux, ils sont inégaux.

Autre souci, structurel celui-ci, le changement de ton est brutal entre la première partie du film qui propose une vision assez désuète et cartoonesque des années 50 et une dernière partie qui nous plonge dans les émeutes raciales. La comédie musicale laisse alors place au drame, et la transition manque clairement de fluidité. La raison se situe certainement en partie au niveau de la post production. Suite au dépassement de budget et à des désaccords, les producteurs reprennent le contrôle du film. Le réalisateur est remercié et le montage est confié à trois monteurs différents qui s’occupent chacun d’un bout du film.

Tout ça n’aurait pas été trop grave si le film avait été un triomphe, mais les critiques et le public en ont décidé autrement. Pourtant, quand on regarde le film à plus de 30 ans de distance, « Absolute Beginners » ne méritait pas un tel rejet. Soit, c’est un film doublement daté (une vision très années 80 des années 50) et le film est sûrement trop ambitieux pour son bien, mais il bénéficie de quelques belles scènes et se montre audacieux dans ses choix, tout en s’en donnant les moyens, et le résultat s’avère parfois enthousiasmant.

Après l’échec du film, Julien Temple fait une dépression et part en exil aux États-Unis pour oublier ce désastre. Peine perdue. Un jour Michael Jackson l’appelle pour qu’il vienne le voir reprendre, en duo avec sa soeur Janet, tous les numéros de danse du film. L’histoire ne dit pas s’il a accepté l’invitation !

Contrairement au cas du bide de « Shanghai Surprise » qui, la même année, met à genoux l’autre société de production britannique mythique des années 80, Handmade Films, nous ne sommes pas ici face à un navet. « Asbolute Begginers », lui, mérite amplement une seconde chance.

DVD / Blu-ray FR. Studio Movinside (2016). Version originale sous-titrée en français et version française.