A la fois récit cruel du périple d’un groupe de femmes et d’enfants, victimes collatérales de la seconde guerre mondiale, et romance improbable entre deux prisonniers que tout semble séparer.
A Town like Alice (1956)
(Ma vie commence en Malaisie)
Réalisé par Jack Lee
Ecrit par W.P. Lipscomb et Richard Mason d’après le roman de Nevil Shute
Avec Virginia McKenna, Peter Finch, Kenji Takaki, Tran Van Khe, Jean Anderson, Marie Lohr, Jean Anderson, Kenji Takaki,…
Directeur de la photographie : Geoffrey Unsworth / Direction artistique : Alex Vetchinsky / Montage : Sidney Hayers / Musique : Matyas Seiber
Produit par Joseph Janni pour Vic Films Productions et The Rank Organisation
Filmé en Malaise, Australie et aux studios Pinewood
111mn
UK
Un groupe de civils britanniques sont faits prisonniers par les Japonais lors de l’invasion de la Malaisie en 1942. Les hommes sont envoyés dans un camp de guerre, alors que les femmes et les enfants doivent marcher afin de rejoindre un camp qui pourra les accueillir… Mais personne ne veut d’eux et la marche sans but semble ne devoir jamais finir.
A Londres, dans le bureau de son avocat, Jean Paget (Virginia McKenna) explique qu’elle souhaite retourner en Malaise dans le village où elle a été accueillie pendant 3 ans, durant la guerre, pour y creuser un puits.
Sur place, son bonheur est rapidement assombri par ses souvenirs, quand l’une des villageoises lui demande ce qu’elle va faire à présent, si elle va se marier. Se marier ? Non, jamais.
Flahsback. Jean est secrétaire en Malaisie britannique pendant la seconde guerre mondiale. Leur supérieur vient leur annoncer que les Japonais approchent et qu’ils doivent à tout prix prendre le premier train pour rejoindre Singapour. Mais Jean prend un dernier appel. Au téléphone, la femme de son supérieur panique parce que son mari n’est pas arrivé et qu’elle doit se débrouiller seule avec les trois enfants. Jean décide alors de la rejoindre. Une décision qui va bouleverser sa vie.
« A Town of Alice » s’intéresse à un aspect de la guerre peu abordé au cinéma, le sort des expatriés britanniques en Asie face à l’invasion japonaise. On y suit un groupe de femmes et d’enfants au destin des plus cruels. Ils vont devoir marcher pour rejoindre un hypothétique camp qui voudra bien les accueillir, et nombre d’entre eux y laisseront la vie. Heureusement le film n’en fait pas des tonnes au niveau sentimentalisme. Le tout est filmé avec une certaine pudeur.
Dans ce drame éclot contre toutes attentes une histoire d’amour entre la jeune anglaise et un soldat australien prisonnier, Joe Harman (Peter Finch). Ce qui permet de mettre un peu d’humanité dans une histoire quand même assez glauque. Notons également que les Japonais ne sont pas tous cruels, leur garde (joué par Kenji Takaki, ancien marin et prisonnier de guerre en Angleterre devenu acteur) finira par être bien plus proche d’eux que de ses supérieurs.
« A Town like Alice » est une romance en temps de guerre, mais pas seulement donc. C’est aussi le périple tragique de femmes et d’enfants, victimes collatérales de la guerre, qui finiront par sombrer sous les coups de l’indifférence de l’armée japonaise qui ne sait pas que faire d’eux, les forçant à continuer leur marche absurde.
On pourra parfois reprocher à « Town Like Alice » son manque de crédibilité, amochée au profit de la dramaturgie, ou des disparitions de personnages un peu étranges. De même l’axe central de la romance entre Jean et Joe, qui traverse le film et surtout le conclue, semble presque déplacée à côté des événements auxquels on assiste. Mais après tout, c’est très humain. Malgré les horreurs qu’elle traverse, Jean s’accroche à cette histoire d’amour improbable comme à une bouée en plein milieu de l’océan.
Le projet a été initié par le producteur italien installé au UK, Joseph Janni. Celui-ci sortait alors d’une adaptation de Romeo et Juilette (1954), adaptée et réalisée par Renato Castellani. Pour « A Town like Alice », il approcha le réalisateur Jack Lee qui s’était formé au célèbre à l’unité documentaire du GPO pendant la guerre et avait auparavant tourné le film d’aventures « South of Algiers » (1953) ou encore l’étrange mais intéressant « Once a Jolly Swagman » (1949), l’un des permiers films de Dirk Bogarde.
Au casting, on retrouve l’excellente Virginia McKenna qu’on avait déjà vu dans « The Cruel Sea » (1953), « Simba » (1995) ou encore « The Ship That Died of Shame » (1955). Elle trouve ici son premier grand rôle dans la peau d’une femme d’apparence fragile, mais qui va avoir l’occasion de montrer sa force de caractère. Un type de rôle pour lesquels elle excelle et qui va trouver son apothéose dans « Carve Her Name with Pride » (1958). A ses côtés, dans le rôle du soldat australien, on retrouve avec plaisir Peter Finch. On se souvient surtout de sa vie dissolue (alcool et femmes) mais il a été également le premier acteur à recevoir un Oscar à titre posthume, pour « Network » en 1977, et a trouvé certains de ses meilleurs rôles grâce à John Schlesinger : « Far from the Madding Crowd » (1967) et surtout « Sunday Bloody Sunday » (1971).
Ah oui le titre anglais peut vous surprendre mais fait référence à la ville d’où Joe est originaire, et où il s’occupe d’un troupeau, Alice Springs dans le Nord de Australie. C’est le souvenir de cette ville, et la façon dont Joe en parlait, qui va provoquer l’un des rares sourires de Jean pendant son long calvaire.
Pour finir, notons qu’aucun des acteurs n’a mis les pieds en Malaisie. Une seconde équipe a été envoyée sur place pour faire des plans larges (avec des doublures). Le film a été essentiellement tourné aux studios de Pinewood. On peut saluer l’équipe technique dont le fabuleux directeur de la photographie Geoffrey Unsworth, car (à part quelques plans où on devine le fond de studio), sinon on y croit !
DVD zone 2 FR. Studio Elephant Films (2015). Version originale sous-titrée en anglais. Bonus : Le film par Jean-Pierre Dionnet (11′), Voyage au coeur de Ma vie en Malaisie (24′)