Une adaptation aussi kitsch que réussie de l’une des meilleures comédies de Shakespeare. Avec un casting tout simplement exceptionnel !
A Midsummer Night’s Dream (1968)
(Le songe d’une nuit d’été)
Réalisé par Peter Hall
Ecrit par William Shakespeare
Avec David Warner, Helen Mirren, Diana Rigg, Michael Jayston, Ian Richardson, Ian Holm, Judi Dench, Derek Godfrey, Barbara Jefford, Sebastian Shaw,…
Directeur de la photographie : Peter Suschitzky / Production design : John Bury / Montage : Jack Harris / Musique :Guy Woolfenden
Produit par Michael Birkett pour Filmways Pictures et Royal Shakespeare Enterprises Ltd.
Comédie / Fantastique
120mn
UK / USA
Voici un film que j’avais envie de voir depuis pas mal de temps. Mais à ce jour (janvier 2025), cette adaptation de « Songe d’une nuit d’été » de Shakespeare reste quasi introuvable. Pourtant elle a de quoi piquer l’intérêt des curieux. D’abord parce que cette comédie est l’une des plus intéressantes de son auteur, ensuite parce que le réalisateur Peter Hall est l’une des figures majeures du théâtre britannique de la seconde moitié du 20e siècle et enfin parce que le casting est des plus prometteurs.
Alors pourquoi cet oubli relatif ? Malgré ses promesses initiales, cette version de « A Midsummer Night’s Dream » divise la critique. Certains lui reprochent sa réalisation (inspirée de la nouvelle vague) datée, son manque de budget rédhibitoire, quelques prestations figées,… Cette version de 1968 semble être née sous des auspices divergents, contradictoires. Elle est en effet le résultat d’une collaboration a priori étonnante : la prestigieuse Royal Shakespeare Company et Filmways, une société de production américaine de télévision fondée en 1952 (à qui on doit « The Addams Family » et « Cagney & Lacey »). Mais dès 1962, Filmways s’ouvre au cinéma et produit notamment plusieurs co-productions britannico-américaines : « The Fearless Vampire Killers » (1967), « Eye of the Devil » (1966), les films anglais de Fleischer (« 10 Rillington Place » et « See No Evil« ). Hors ce film, elle co-produira successivement deux autres adaptations shakespeariennes ; « Hamlet » (1969) et « King Lear » (1970).
Reste que cette implication de Filmways a eu un effet direct sur la distribution du film qui a connu les salles au Royaume-Uni et a été diffusé directement sur CBS dans la soirée du dimanche 9 février 1969 (avec les inévitables interruptions publicitaires). Ceci dit, c’est du côté américain que viendra sa seule nomination pour une récompense, le Primetime Emmy Award pour un programme dramatique exceptionnel. Le film ne semble pas avoir été distribué sur d’autres territoires.
J’ai donc finalement pu le voir sur Amazon Prime UK dans des conditions loin d’être idéales. La copie est de très mauvaise qualité et ne rend pas hommage au travail du directeur de la photographie polonais Peter Suschitzky, collaborateur régulier de David Cronenberg et Ken Russell et également de classiques comme « Star Wars – The Empire Strikes Back » t1980) et « The Rocky Horror Picture Show » (1977).
Ceci dit, le manque de budget et les choix de réalisation de Peter Hall, bien décidé à faire un film plus arty (au montage saccadé et aux effets visuels fauchés) que commercial ainsi que l’ambiance très fin des années 60 de la production, donne un résultat assez perturbant mais qui convient bien au ton de la pièce qui porte sur les désordres des jeux de l’amour (dûs aux propres désordre amoureux entre le roi et la reine des fées) et que les aléas du théâtre amateur !
Oui car « Le songe d’une nuit d’été » propose du théâtre dans le théâtre et plusieurs occasions pour les acteurs de briser le quatrième mur en dialoguant directement avec le spectateur, invité lui-même dans la scène finale à rire d’une présentation théâtrale fauchée interprétée par des acteurs ratés (et joués comme tels) avec les trois couples d’amoureux dont les aventures rythment de la pièce.
Peter Hall reproduit donc ce côté amateur dans sa mise en scène de la pièce où les fées sont tout simplement quasi nues et intégralement recouverts de maquillage vert (joués par les très vénérables Ian Richardson, Ian Holm et Judi Dench !) et les scènes de comédie amoureuse dans les bois sont jouées par les acteurs dont les visages sont couverts de boue (David Warner, Helen Mirren, Diana Rigg et Michael Jayston).
On s’en doutait un peu vu le casting, mais en dépit des choix de mise en scène, qu’on appréciera ou pas et si datés soient-ils pour certains, ce qui emporte totalement l’adhésion est l’interprétation des acteurs. Une interprétation très premier degré, parfois volontairement surjouée, mais qui rend parfaitement justice au ton de la pièce, une farce remplie de clins d’oeils qui ne se prend pas une minute au sérieux.
Si on doit faire un choix dans les prestations, notons Ian Holm dans le rôle du facétieux Pluck à qui on doit tout ce désordre amoureux, Paul Rogers dans celui de Bottom, acteur au caractère désinhibé et explosif qui se retrouve affublé d’une tête d’âne, ou encore le duo inoubliable entre Helen Mirren et Diana Rigg qui se retrouvent, les visages couverts de boue dans la fôret, tour à tour détestées et aimées à la folie par leurs prétendants (David Warner et Michael Jayston).