Un an après la sortie de « Pretty Woman », Ken Russell déglamorise la prostitution avec le portrait glacial d’une prostituée ordinaire, superbement interprétée par Theresa Russell

Whore (1991)

Réalisé par Ken Russell

Ecrit par Ken Russell et Deborah Dalton d’après la pièce de David Hines

Avec Theresa Russell, Benjamin Mouton, Antonio Fargas,…

Direction de la photographie : Amir Mokri / Production design : Richard B. Lewis / Montage : Brian Tagg / Musique : Brian Tagg

Produit par Dan Ireland et Ronaldo Vasconcellos

Drame

85mn

UK / USA

Liz (Theresa Russell) est une prostituée parmi d’autres qui arpente les trottoirs de Los Angeles. Mais actuellement, elle tapine dehors de son territoire car elle vient de quitter son mac, Blake (Theresa Russell). Mais Blake est bien décidé à récupérer sa marchandise, elle. Dans sa fuite effrénée, elle ne pourra comptée que sur son amitié étrange avec un homme de la rue, Rasta (Antonio Fargas).

« Whore » donne la voix à une prostituée ordinaire. Une fille simple qui prend la vie comme elle est. Elle essaie juste de survivre, raconte sa vie, ses galères et sa relation avec son mac à la caméra directement ou via des flashbacks, tout en tentant d’échapper à ce salopard de Blake.

Liz a une une adolescence ordinaire d’américaine, pas vraiment gâtée par la vie et qui finalement, lassée de petits boulots minables accepte une première proposition et bientôt se retrouve prise dans un engrenage. Non que Liz se plaigne, son constat est juste blasé. Non elle ne supporte plus les bites, elle a en a vu plusieurs milliers. Elle fait se boulot comme un autre, mais quand elle commence à prendre des coups de son mac, elle préfère retrouver sa liberté. On la comprend.

Le témoignage de Liz est cru, détaillé (comme sera celui de Blake la seule fois où il s’exprimera face à la caméra). « Whore », c’est l’anti « Pretty Woman » (1990), la comédie romantique avec Julia Roberts et Richard Gere, sorti l’année précédente. Ici, il n’est pas question de romancer la vie de prostituée, de faire croire au prince charmant mais de donner la voix une vraie prostituée.

Ken Russell a-t-il décidé de faire ce film en réaction à « Pretty Woman » ? Possible.  Le distributeur américain était en tout cas furieux de que le film soit dans un premier temps interdit aux mineurs, alors que « Pretty Woman » était visible par aux adolescents accompagnés (R). Il faudra que Russel fasse des coupes dans le film (et retire cinq minutes) pour que « Whore » se voit attribué un « R » par les censeurs américains.

Le scénario est adapté d’une pièce de David Hines, un ancien chauffeur de taxi londonien qui s’est inspiré des histoires qu’il a entendu de prostituées qui travaillaient autour de King’s Cross. L’adaptation du film est donc restituée en Amérique, non pour le glamour mais pour des raisons purement financières d’après Russell (il n’aurait pas trouvé d’argent pour produire le film en Grande-Bretagne parce que le langage était trop cru, confia-t-il à ThamesTV en 1991).

Dans le rôle de la prostituée, Theresa Russell fait des merveilles, directe, vulgaire mais très humaine et touchante. Elle sortait alors d’une collaboration riche avec Nicolas Roeg (Bad Timing, Eureka, Insignificance, Track 29). C’est ici sa seule collaboration avec Ken Russell (aucun lien de parenté au cas où vous vous posiez la question). Dans le rôle du mac qui se prend pour un entrepreneur à la tête d’une usine, Benjamin Mouton, originaire de Louisiane est également très convaincant avec sa fausse classe un peu frenchy mais vrai salopard.

Russell qui aime explorer les méandres du sexe et l’hypocrisie qui l’entoure, et à qui on doit notamment une mémorable orgie de nonnes dans le fabuleux « The Devils » (1971) et un autre portrait de prostituée, bien différent, dans « Crimes of passion » (1984), signait ici son avant-dernier film, mais il restera très actif à la télévision (fictions et documentaires) jusqu’au début des années 2000.

A ce jour, « Whore » reste difficilement trouvable, il existe juste quelques éditions DVD (notamment italienne). En espérant que le film sorte enfin bientôt en blu-ray, il serait temps !