Un film choc sur le siège de Sarajevo, tourné quelques mois après la libération de la ville bosniaque, devenue malgré elle le symbole d’une guerre fratricide au coeur de l’Europe

Welcome to Sarajevo (1997)

Réalisé par Michael Winterbottom

Ecrit par Frank Cottrell Boyce d’après le livre de Michael Nicholson

Avec Stephen Dillane, Woody Harrelson, Marisa Tomei, Emira Nusevic, Goran Visnjic, Kerry Fox, James Nesbitt, Emily Lloyd,…

Direction de la photographie : Dafydd Hobson / Production design : Mark Geraghty et Kemal Hrustanovic / Montage : Trevor Waite / Musique : Adrian Johnston

Produit par Graham Broadbent et Damian Jones pour Channel Four Films et Miramax Films

Guerre / Drame

103mn

UK / USA

Avant l’Ukraine, il y a eu la Yougoslavie, le conflit le plus sanglant en Europe depuis la seconde guerre mondiale qui a duré dix ans, sous différentes formes, entre 1991 et 2001. Le film de Michael Winterbottom s’intéresse à la guerre de Bosnie (1992-1995) marqué notamment par le siège de Sarajevo (d’avril 1992 à février 1996).

Quand Winterbottom démarre le tournage dans la capitale bosniaque, Sarajevo pleure encore ses morts (plus de 11.000) et est défigurée par les bombardements incessants qu’elle a subit pendant quatre ans (avec une moyenne de 329 impacts d’obus par jour).

Sur place, Wintobottom s’associe à une société de production locale SaGA films afin de rester au plus proche de la réalité vécue par les habitants de la vielle et décide de recourir au maximum aux images d’actualité pour montrer les atrocités (ce qui donne au film parfois un aspect semi documentaire).

Mais il n’a évidemment pas de difficultés à filmer ses acteurs dans une ville détruite qui porte encore les stigmates de la guerre. Le film est centré sur l’histoire de Michael Henderson (Stephen Dillane), un journaliste anglais qui couvre la guerre et devient de plus en plus désabusé. L’occident sauvera-t-il Sarajevo ? Il se doute que non. Mais peut-il rester seulement spectateur ? Réticent  à l’actualité/spectacle, incarnée par le journaliste américain Flyn (Woody Harrelson) qui ne semble reculer devant rien pour une bonne histoire, Henderson finit par se focaliser sur un orphelinat sous les bombes. Il veut aider mais comment ? Comment ne pas devenir un vautour ou un faux samaritain ?

Le film est tiré du récit du reporter de guerre anglais Michael Nicholson, « Natasha’s Story » (1994) où il raconte son expérience à Sarajevo et comment il a ramené une enfant bosniaque et l’a adoptée. Comme l’indique le changement des noms, le scénariste Frank Cottrell Boyce et Winterbottom ont préféré se donner une certaine liberté fictionnelle plutôt que de raconter exactement l’histoire de Nicholson.

Michael Winterbottom, formé à la télévision (aussi bien dans le documentaire que dans la fiction) inaugure ici un type de films « politiques » qui n’hésitent pas à mélanger fiction et documentaire pour raconter des histoires à chaud : on lui doit ainsi « In This World » (2002) qui suit de jeunes réfugiés qui quittent le Pakistan dans l’espoir de rejoindre la Grande-Bretagne, « The Road to Guantanamo » (2006) sur la prison américaine de sinistre réputation, ou encore « A Mighty Heart » (2007) sur l’assassinat du journaliste américain Daniel Pearl.

Ici il s’inscrit précisément dans une tradition cinématographique bien rodée. Les films où des reporters de guerre prêtent leur regard aux spectateurs sont légion : « The Killing Fields » (1984), « Salvador » (1986), « The Year of Living Dangerously » (1982) ou encore récemment « Civil War » (2024). L’occasion de placer le spectateur au coeur d’une guerre tout en lui facilitant l’accès et la compréhension à travers un regard auquel il peut s’identifier.

Et dans le genre « Welcome to Sarajevo » est un film audacieux avec son tournage quasi contemporain à la guerre qu’il décrit, ce qui ne l’empêche pas de vouloir déjà en dresser un bilan. Par les choix de ses extraits d’actualité (notamment les déclarations des chefs d’Etat occidentaux où du secrétaire général de l’ONU, il dénonce l’attentisme et l’inaction des occidentaux face aux horreurs de la guerre en Bosnie. Une vision engagée mais que Winterbottom relie au sentiment d’abandon qu’il a constaté sur place, à Sarajevo.

A l’heure où j’écris ces lignes, le film n’a pas été réédité depuis sa sortie en DVD en 2000. A l’heure du 4K, il serait bien qu’on ressorte enfin ce film a minima en blu-ray. Pour ne pas oublier.