Une comédie dramatique divertissante mais trop classique. Et une sacré insulte à l’âge d’or du cinéma britannique !
Their Finest (2016)
(Une belle rencontre)
Réalisé par Lone Scherfig
Ecrit par Gaby Chiappe d’après le roman de Lissa Evans
Avec Gemma Arterton, Sam Claflin, Bill Nighy, Richard E. Grant, Rachael Stirling, Eddie Marsan, Henry Goodman, Jack Huston, Helen McCrory, Jeremy Irons,…
Direction de la photographie : Sebastian Blenkov / Production design : Alice Normington / Montage : Lucia Zucchetti / Musique : Rachel Portman
Produit par Stephen Woolley, Amanda Posey, Elizabeth Karlsen et Finola Dwyer
Guerre / Romance / Comédie dramatique
117mn
UK / Suède / France
Si vous êtes un habitué de ce site, vous savez que la période de la seconde guerre mondiale a été très riche pour le cinéma britannique. Loin de s’arrêter de tourner, les studios ont continué à créer des films à destination d’un public toujours présent malgré la guerre – entre 25 et 30 millions de spectateurs par semaine se donnent alors rendez vous dans les salles britanniques.
Parmi les films produit à cette époque, certains tablaient sur le divertissement afin de remonter le moral du public (les stars du music-hall sont alors très sollicitées). D’autres s’inscrivent dans l’actualité, commentant la guerre, construisant un récit national alors que les bombes tombent sur Londres, que les mauvaises et bonnes nouvelles se succèdent à un rythme infernal en provenance du front.
Ces films britanniques, dits de « propagande », offrent en fait une complexité et une diversité qui vont au-delà d’une qualification simpliste, même si à l’époque pour tourner, les producteurs doivent forcément obtenir l’accord du Ministère de l’Information (MOI) récemment créé pour gérer aussi bien les stocks de films que la disponibilité des acteurs engagés sous les drapeaux. Si le MOI ne fait par contre pas dans la censure, il incite les studios à produire des films véhiculant un message patriotique.
L’intérêt principal de « Their Finest » (en tout cas pour moi !) est justement d’aborder et de commenter cette période du cinéma britannique. Comment tourner un film sous les bombes ? Catrin Cole (Gemma Arterton) est recrutée par le MOI pour participer à l’écriture des films, et donner une voix féminine plus réaliste aux films de propagande, parfois moqués par le public par leur maladresse. Elle rejoint un scénariste, Tom Buckley (Sam Claflin) qui travaille pour un producteur hongrois Gabriel Baker (Henry Goodman) – clin d’oeil à Alexander Korda, le premier mogul du cinéma britannique.
Le MOI demande à Baker de produire un film de propagande qui émouvra le public, et pourra aussi séduire les Américains (le but étant de faire passer l’idée dans le public d’outre atlantique que cette guerre est aussi la leur).
Evidement pour Tom, scénariste confirmé, voir débarquer une jeune femme, de plus recrutée par le MOI, pose quelques soucis d’égo. Une idée de scénario se profile toutefois à l’horizon, un récit « tiré de fais réels » qui raconte l’histoire de deux jumelles qui vont emprunter le bateau familial pour aller secourir les soldats britanniques après la défaite de Dunkerque. En mai 1940, environ 700 bateaux de particuliers sont allés à Dunkerque récupérer les soldats Britanniques piégés. Et pour le côté américain, ils embauchent un aviateur américain engagé à la Royal Air Force, pour tenir le rôle du yankee de service.
« Their Finest » raconte l’histoire mouvementée et tragi-comique de la fabrication du film entre les bombardements mais aussi à travers le fil conducteur de l’histoire d’amour contrariée entre Carin et Tom. Le film n’est pas désagréable si vous aimez les comédies dramatique à tendance mélo, notamment grâce à la présence de Bill Nighy (pour la touche humoristique) et d’excellents acteurs même jusque des petits rôles (Eddie Marsan, Richard E. Gran, Jeremy irons,…).
Mais, quand on connait un peu la vraie histoire du cinéma britannique à l’époque, c’est parfois très agaçant, que ce soit dans des « petits » détails (l’implication réelle du MOI dans l’écriture de scénarios,…) et surtout du visage qu’il donne du cinéma britannique de l’époque.
De ce qu’on voit du film en train d’être tourné, écrit par Tom et Catrin, ça vole quand même pas très haut (ça ressemble à une mauvaise parodie d’une comédie Ealing). Sans parler du côté carton pâte des scènes qu’on nous montre. Je ne me souviens pas d’avoir vu des effets visuels aussi moches dans n’importe quel film des années 40, c’est une insulte au travail des techniciens de l’époque, surtout que c’est censé être une grosse production en Technicolor (en format 4/3, ahem !). Notons que dans la réalité le Technicolor n’a été utilisé que de très rares fois pendant la guerre – pour des raisons de coût et de complexité – par les directeurs de la photographie de génie, George Périnal (The Thief of Bagdad, The Life and Death of Colonel Blimp) et Jack Cardiff (Western Approaches).
In fine, même s’il comporte nombre de petits détails et clins d’oeil intéressants, « Their Finest » est trop classique dans sa forme et parodie son sujet, l’âge d’or du cinéma britannique, avec beaucoup trop d’approximations, et créant un mélange indigeste entre fiction et réalité. Dommage.
PS : Si le sujet vous intéresse, je vous recommande « et le cinéma britannique entra en guerre », Francis Rousselet, éditions du Cerf-Corlet (2009)
DVD et blu-ray FR. Studio The Searchers (2017). Version originale sous-titrée en français et version française.