Drame:
Jonathan Glazer

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4
On 26 janvier 2024
Last modified:26 janvier 2024

Summary:

Pour son quatrième long métrage, Jonathan Glazer revient avec un pari audacieux et casse gueule. Mission réussie ? 

Pour son quatrième long métrage, Jonathan Glazer revient avec un pari audacieux et casse gueule. Mission réussie ? 

The Zone of Interest (2023)

(La zone d’intérêt)

Réalisé par Jonathan Glazer

Ecrit par Jonathan Glazer d’après le roman de Martin Amis

Avec Christian Friedel, Sandra Hüller, Freya Kreutzkam,…

Direction de la photographie : Lukasz Zal / Production design : Chris Oddy / Montage : Paul Watts / Musique : Mica Levi

Produit par James Wilson et Ewa Puszczynska pour Access Entertainment, A24, Film4,…

Drame

UK / Pologne / USA

Réalisateur aussi rare qu’il est attendu par les cinéphiles, le lonodonien Jonathan Glazer s’est fait remarqué par ses clips pour les plus grands groupes britanniques des années 90 (Radiohead, Massive Attack, Blur,…) avant de réaliser un premier long, coup de maitre de thriller « Sexy Beast » (1999). Si son deuxième film « Birth » (2004) n’est pas une grande réussite, son troisième « Under the Skin » (2013) est un drame horrifique/SF qui a polarisé le public avec ses choix formels très appuyés et son atmosphère baignant dans une poésie noire.

Voici Jonathan Glazer de retour en 2023 avec son quatrième long, « The Zone of Interest » adapté par ses soins d’un roman de Martin Amis suivant la vie quotidienne, sur le plan familial aussi bien que professionnel, du commandant du camp de concentration d’Auschwitz, Rudolf Höss.

« The Zone of Interest » pourrait être la préquelle de « Under the Skin », tant les deux films traitent au fond du même sujet : un étude de ce qui définit l’humanité à travers deux personnages qui sont à la lisière de l’humanité (au sens figuré en tant que « disposition à la compréhension, à la compassion ») : un commandant de camp de concentration et une extra-terrestre qui a pris l’apparence humaine (dans ce cas inhumaine également au sens propre).

Aborder l’indicible de biais, en montrant au spectateur le quotidien d’un commandant nazi à la tête du plus tristement célèbre des camps de concentration. C’est sacrément casse gueule. Comme pour « Under the Skin », Glazer fait des des choix formels radicaux. Ici utilisation d’un grand angle déformant monté sur une caméra qui paraît souvent être adossée à un mur. Il n’y a pas de gros plan dans « The Zone of Interest ». On reste à distance du monstre qui revêt presque des habits ordinaires ici, entre soucis professionnelles, loisirs en famille et crises de couple. Devant les tranches de vie et les échanges de politesse ou de mots purement utilitaires, on pourrait presqu’en oublier le camp de concentration séparé de la maison de rêve des Höss par un simple mur.

Le film est à mon avis le plus réussi quand il reste dans le non dit, qu’il assume de ne rien donner à voir, de laisser affleurer la réalité atroce par petites touches subliminales (la fumée des trains au loin, le départ soudain de la mère…). Il est pour moi beaucoup moins convaincant quand il se sent obligé d’appuyer sur la réalité de ce qui se passe vraiment derrière les murs même indirectement (la réunion des commandants de camps).

« The Zone of Interest » fait quelques faux pas en passant brutalement de moments de subtilité magistralement mis en scène à des passages plus descriptifs qui du coup prennent une lourdeur décuplée. Comme si Jonathan Glazer essayait de s’adresser dans un même élan à deux types de public avec deux méthodes diamétralement opposées et du coup irréconciliables : subtilement pour ceux qui connaissent la Shoah et explicitement pour ceux qui l’ignorent.

« The Zone of Interest » a reçu le Grand Prix au festival de Cannes et a été nominé pour cinq Oscars. Il sort sur les écrans français le 31 janvier 2024.