Un téléfilm culte signé Nigel Kneale, « The Stone Tape » reste l’un des exemples les plus efficaces de confrontation entre la modernité et l’horreur ancestrale propre au genre du folk horror

The Stone Tape (1972)

Ecrit par Nigel Kneale

Réalisé par Peter Sasdy

Avec Michael Bryant, Jane Asher, Iain Cuthbertson, Michael Bates, James Cosmo,…

Production design : Richard Henry / Montage : Geoff Higgs / Effets sonores : Desmond Briscoe / Effets visuels : Peter Day

Produit par Innes Lloyd

Date de diffusion le 25 décembre 1972 sur BBC 2

SF / Horreur

90mn

UK

Diffusé le 25 décembre 1972 sur BBC2, « The Stone Tape » s’inscrit tradition très ancrée à la télévision britannique des histoires de fantôme diffusées autour du jour de noël. Car c’est bien une histoire de fantôme. Mais si le téléfilm a marqué durablement les esprits, c’est par son originalité bien éloignée des traditions en la matière. Le téléfilm est écrit par Nigel Kneale, l’homme qui a causé le premier choc télévisuel britannique en 1953 avec sa mini série d’horreur SF « Quatermass » qui connaitra deux suites. La trilogie sera également portée sur grand écran par la Hammer.

Et c’est encore une fois l’obsession de Kneale à confronter la science et la rationalité au événements hors de ce monde qui est l’oeuvre ici. Dans « The Stone Tape », une équipe de scientifiques de la société Ryan Electric s’installe dans un vieux manoir abandonné pour conduire des expérimentations secrètes. Leur but, mettre au point une technologie électronique qui permettra à la Grande-Bretagne de briser la domination japonaise. Mais ils n’avaient pas compté sur le fait que la pièce où ils veulent stocker leurs ordinateurs soit hantée !

Comme peut le laisser deviner le titre, la théorie défendue dans « The Stone Tape », développée initialement par l’écrivain, explorateur, archéologue et parapsychologue anglais T. C. Lethbridge (1901-1971) est que les pierres d’un édifice sont capables d’imprimer les sons et les images du passé (comme une vidéo cassette). Le phénomène découvert par l’analyste programmeuse Jill Greeley (Jane Asher) enthousiasme le directeur du projet Peter Brock (Michael Bryant) qui voit là une potentielle technologie révolutionnaire. Mais arriveront-ils à recréer des sons et images aux fréquences qui permettent leur impression ? Et surtout garderont-ils la raison face aux événements paranormaux dont ils seront témoins ?

Comme il l’a fait auparavant dans « Quatermass » et la plupart de ses histoires de SF, NIgel Kneale met la démarche scientifique au coeur de la narration et de la dramatisation. Et c’est diaboliquement efficace. Kneale montre à la fois les limites de la science mais aussi du capitalisme avec qui il rentre souvent en choc frontal. Peter Brock doit ainsi se battre contre le CEO irlandais de Ryan Electric pour qu’un autre responsable de projet qui travaille sur une machine à laver (!) révolutionnaire ne s’installe dans ses locaux. La recherche expérimentale, qui s’inscrit sur une longue durée, à ses limites dans un capitalisme qui a besoin de résultats exploitables dans le court terme.

Kneale montre aussi les limites de la compréhension humaine face aux phénomènes paranormaux qui la dépasse. Si Brock s’enthousiasme pour le potentiel révolutionnaire de la découverte de Jill, son enthousiasme se refroidit brutalement quand, malgré des efforts quasi obsessionnels, il n’arrive pas à contrôler le phénomène et donc à l’exploiter.

« The Stone Tape » a été tourné en vidéo par Peter Sasdy, un réalisateur confirmé de la BBC qui en 1971 passe au grand écran pour la Hammer avec « Countess Dracula » et « Hands of the Ripper« . Il est ici limité par les moyens technologiques utilisés par la BBC. L’image est fade et légèrement baveuse, les décors intérieurs un peu primitifs (les scènes extérieur sont filmées autour du manoir néo-gothique de Horsely Towers dans le Surrey). Même avec les technologies modernes de restauration (le téléfilm vient de ressortir en blu-ray en décembre 2024), le téléfilm garde un côté old school et suranné.

Néanmoins, le téléfilm dispose d’effets visuels très travaillés pour l’époque et le travail sur le son reste impressionnant. Les effets sonores ont été générés par le BBC Radiophonic Workshop, un groupe de compositeurs/chercheurs alors à l’avant garde en matière de création sonore. Grâce à leur travail, « The Stone Tape » dégage encore aujourd’hui une ambiance assez unique qui, ajouté à l’écriture de Nigel Kneale, justifie amplement son statut culte.

Niveau casting, on est également gâté avec deux acteurs très convaincants dans les premiers rôles. Peter Bryant est parfait dans le rôle de Peter Brock, un chercheur imbus de lui-même et prêt à tout pour sauver son laboratoire de recherche. Un personnage qui rentre dans une relation conflictuelle avec Jill Greeley, mélange de rationalité et d’intuition qui elle veut aller jusqu’au bout du mystère, et interprété par Jane Asher (qui pour la petite histoire avait joué dans la première adaptation cinéma de « The Quatermass Xperiment » en 1955 alors qu’elle avait huit ans).

Comme je le disais plus haut, « The Tape Stone » vient de sortir en décembre 2024 en blu-ray. L’éditeur britannique 101 Films a mis les bouchées doubles avec un coffret réunissant en plus du téléfilm (disponible avec des sous-titres optionnels en anglais) une copie du script, un livret et un nouveau documentaire intitulé « The Sons of The Stone Tape ». Il s’agit de la troisième édition physique du film après un DVD édité par le BFI en 2001 et un autre par 101 Films en 2013. Notons enfin qu’en 2015, Radio 4 a sorti une adaptation radio de « The Stone Tape » basée sur le script d’un remake avorté pour BBC2 et qui aurait dû être réalisé par Peter Strickland (« Berberian Sound Studio« , 2012).

Il ne serait guère étonnant qu’un remake voit enfin le jour étant donné le statut culte de l’auteur et de son oeuvre en Grande Bretagne (et au-delà puisque notamment le réalisateur américain John Carpenter est un fan de longue date de Nigel Kneale qu’il fera travaillé sur une première version de « Halloween III »).