Un western européen iconoclaste et audacieux où Dirk Bogarde est transformé en icône gay et tombe amoureux d’un prêtre catholique !
The Singer Not the Song (1961)
(Le cavalier noir)
Réalisé par Roy Ward Baker
Ecrit par Nigel Balchin d’après le roman d’Audrey Erskine-Lindop
Avec Dirk Bogarde, John Mills, Mylène Demongeot, Laurence Naismith,…
Direction de la photographie : Otto Heller
Musique : Philip Green
Produit par Roy Ward Baker pour la Rank Organisation
Tourné aux studios de Pinewood et en Andalousie (Espagne)
Western/aventures/romance/crime
126mn
UK
Le père Keogh (John Mills) est le nouveau curé du village mexicain de Quantana. Le religieux se rend compte rapidement que la population vit dans la terreur imposée par Anacleto (Dirk Bogarde), Le cavalier noir, un chef de bande. Le prêtre décide de remettre l’église en état. Anacleto tente de l’empêcher d’exercer son sacerdoce, n’hésitant pas à tuer des innocents.
« The Singer, not the Song » est un western européen improbable et atypique comme son héros, le bandit Anacleto tout de noir vêtu (avec son jean en cuir moulant) et monté sur son cheval blanc ! Bogarde, dans un rôle de mauvais garçon très sexy, est quasiment une caricature de fantasme gay. Et les sous-entendus homosexuels de la relation entre Anacleto et Keogh sont bien réels. Autant dire qu’au début des années 60, un trio amoureux entre un bandit meurtrier, un prêtre catholique et une belle blonde est des plus audacieux !
Dirk Bogarde, homosexuel alors non déclaré (en 1961 l’homosexualité est toujours un crime en Grande-Bretagne) avait interprété la même année justement un avocat marié mais homosexuel victime d’un chantage dans le thriller engagé « Victim » de Basil Dearden. Dans « The Singer not the Song », Bogarde livre une prestation teintée d’ironie et de distance qui fait que le film conserve pendant un certain temps une certaine ambiguïté et subtilité (contrairement à ce que pouvait laisser craindre la tenue de son personnage donc).
Pour de multiples raisons, ce trio amoureux n’est pas des plus crédibles, mais néanmoins les acteurs font tout leur possible et leurs prestations sauvent le film. La réalisation de Roy Ward Baker reste également sobre malgré un manque de rythme, et du coup « The Singer no the Song » échappe de justesse à la nanardisation et peut prétendre au statut de film culte, atypique, et qu’on peut prendre plaisir à revoir.
Vu le peu d’ambiguïté du film sur le désir sexuel qui anime les deux personnages centraux masculins, il serait intéressant de savoir comment ce projet a pu voir le jour avec un tel budget et un tel casting. C’est un vrai petit miracle. Roy Ward Baker a accepté de tourner le film seulement parce qu’il était sous contrat avec la Rank (et a même suggéré à la Rank d’engager Buñuel à sa place !). A la sortie, le film a bien entendu choqué les esprits (il faut dire que la fin ne laisse peu de doutes sur la nature réelle des sentiments entre le bandit et le prêtre !) et d’après Mylène Demongeot elle-même la première à Londres s’est très mal passé. Même si on ne peut pas vraiment dire que « A Singer, not the Song » ait endommagé la réputation de Roy Ward Baker au niveau d’un « Peeping Tom » pour Powell, deux ans plus tard Baker entamait un virage dans sa carrière qui sera désormais centrée sur la télévision et quelques productions pour la Hammer.
L’actrice française Mylène Demongeot avait tourné en 1959 en Angleterre la comédie « Upstairs and Downstairs » de Ralph Thomas, et elle accepte de tourner « The Singer not the Song » grâce à la présence au générique du réalisateur Roy Ward Baker (qui avait dirigé Marylin Monroe neuf ans plus tôt dans « Don’t Bother to Knock ») mais aussi grâce au casting qui comprenait à l’époque Dirk Bogarde et… Charlton Heston (qui s’est retiré du projet à trois semaines du tournage à cause des sous-entendus homosexuels). Demongeot a été furieuse quand elle a appris que Charlton Heston était en fait remplacé au dernier moment par John Mills. Elle trouvait en effet que sa relation d’amour avec un acteur plutôt vieux et de petit gabarit ne tenait pas la route (surtout face à Bogarde !). Notons que si Bogarde et Mills ne s’entendaient pas non plus, Demongeot et Bogarde se sont très bien entendu pendant le tournage et retourneront ensemble « Doctor in Distress » (1963).
Rimini Editions nous offre donc ici un film rare qui est proposé dans une copie tout à fait acceptable. On apprécie aussi la présence de deux interviews bonus (même s’il y a une courte coupure d’image pendant l’entretien de Jean-François Giré).
DVD zone 2 FR. Studio Rimini Editions (2016). Version originale sous-titrée en français et version française. Bonus : Interview de Jean-François Giré, auteur de « Il était une fois… Le western européen » (22′) / Interview de Mylène Demongeot (25′)