Un excellent thriller sombre et puissant sur la mentalité capitaliste poussée dans ses extrêmes. Violent et sans concession, dans la veine d’un « Get Carter ».

The Reckoning (1970)

Réalisé par Jack Gold

Ecrit par John McGrath d’après le roman de Patrick Hall

Avec Nicol Williamson, Rachel Roberts, Ann Bell, Lilita De Barros,…

Direction de la photographie : Geoffrey Unsworth / Montage : Peter Weatherley / Musique : Malcolm Arnold

Produit par Ronald Shedlo pour Columbia Pictures Corporation

Tourné aux studios de Shepperton

Drame / Thriller

111mn

UK

Michael Marler (Nichol Williamson) est un catholique irlandais issu d’une famille modeste de Liverpool. Installé à Londres, il est aujourd’hui cadre commercial et a tous les signes de la réussite : une belle maison, une belle femme et un belle voiture. Mais il se comporte comme une brute. Quand il apprend que son père est au plus mal, il est pourtant obligé de repartir à Liverpool. 

Après être rentrés d’une soirée chez des amis qu’on devine ratée, sa femme Rosemary (Ann Bell) lui lance un « Tu n’es qu’un stupide paysan irlandais alcoolique ». Elle le gifle et en recevoir une en retour. S’ensuit une scène d’amour bestial entre ce couple qu’on devine plongé dans une relation d’amour-haine incontrôlable.

Le lendemain matin, Michael part à toute vitesse dans sa Jaguar et prend sur le chemin un collègue de travail. Sur l’autoroute qui le mène jusqu’aux bureaux, Michael fonce, zigzague, klaxonne, et regarde en souriant le visage inquiet de son passager. « Tu es un bâtard agressif » finit par lui lâcher ce dernier.

Arrivé dans les bureaux de Grenfield Insutries, Michael est le seul à oser monter dans l’ascenseur avec le PDG (à l’indignation de ses collègues) et monte un plan pour se débarrasser du directeur commercial.

Mais le matin même, il apprend que son père, qu’il n’a pas vu depuis 5 ans, va très mal. Secoué par la nouvelle, il part aussitôt pour la petite maison ouvrière occupée par ses parents à Liverpool. Mais son père est déjà mort, et en voyant les traces sur son corps, Michael ne croit pas à la mort naturelle…

Difficile de ne pas comparer « The Reckoning » avec le mythique « Get Carter » sorti l’année suivante. Dans les deux cas, un homme brutal et amoral (un homme d’affaire, un gangster), installé à Londres, se rend dans le Nord industriel où il a grandi (Liverpool, Newcastle) et va venger le meurtre d’un membre de sa famille (le père, le frère).

Mais « The Reckoning » est plus radical. La fin ne condamne pas le protagoniste. Et Michael Marler, joué par Nicol Williamson, n’a pas le charme d’un Jack Carter, interprété par Michael Caine. Marler est encore plus sombre et moins digne de rédemption que Carter, et pourtant…

Jack Gold fait un excellent travail à la réalisation, les dialogues de John McGrath sont excellents, Nicol Williamson est parfait dans le rôle de ce démon, sans morale, qui est prêt à tous les crimes et trahisons pour arriver à ses fins. A noter que les trois avaient déjà collaboré deux ans plus tôt sur le drame « The Bofors Gun ».

Michael Marler est le parfait capitaliste, l’arriviste ultime. Pas à l’aise dans un milieu bourgeois anglais qu’il déteste et qui lui fait sentir à la moindre occasion qu’il est un étranger (lui le fils d’ouvrier irlandais catholique), il utilise la brutalité pour arriver à ses fins que ce soit dans sa vie professionnelle ou privée. Mais son entourage anglais n’est guère moins opportuniste (sa femme en premier) et il ne fait que pousser sadiquement la logique du libéralisme jusque dans ses extrémités. Quant à ses congénères qui sont restés à Liverpool, ils semblent sombrer dans une vie moribonde où l’alcool, les matchs de catch et le bingo forment le comble du divertissement ! Pour profiter du système, il faut donc aller où se trouvent l’argent et le pouvoir, à Londres, et prendre ces snobs d’Anglais à leur propre jeu !

Marler fait aussi penser aux anti-héros prolos, toujours en colère, de la nouvelle vague anglaise. On pense particulièrement au personnage de Joe Lampton (interprété par Laurence Harvey) dans « Room at the Top » (1959).

On reproche souvent à « Get Carter » de faire de l’ombre aux autres très bons thrillers sombres des 70s : « Villain » (1971), « Sitting Target » (1972) ou encore « The Squeeze » (1977). « The Reckoning » mériterait largement sa place au soleil.

Actuellement le film est disponible en édition blu-ray/DVD limitée, avec des sous-titres anglais, chez l’excellent éditeur Powerhouse Films/Indicator.

Combo Blu-ray UK. Studio Powerhouse Films (2017). Version originale avec des sous-titres anglais. Bonus : livret de 32 pages, 3 interviews (Matthew Sweet, Joe Marks, Tom Kempinski).