Une histoire d’amour entre deux handicapés à la fois élégante et gentiment provocante
The Raging Moon (1971)
Réalisé par Bryan Forbes
Ecrit par Bryan Forbes d’après la pièce de Peter Marshall
Avec Malcolm McDowell, Nanette Newman, Georgia Brown,…
Directeur de la photographie : Tony Imi
Produit par Bruce Cohn Curtis pour Emi Films
Romance
111 mn
UK
Bruce Pritchard (Malcolm McDowell) est un jeune homme issu des classes populaires, passionné par le foot, qu’il pratique assidument en amateur. Mais, le jour du mariage de son frère, il s’effondre. Il est atteint d’une maladie incurable qui le condamne à rester en chaise roulante jusqu’à la fin de ses jours. Décidé à ne pas retourner vivre chez ses parents, il obtient une place dans une maison d’accueil pour handicapés. Il a du mal à s’adapter à sa nouvelle vie, jusqu’à ce qu’il tombe amoureux d’une autre pensionnaire, Jill (Nanette Newman).
Ce film de Bryan Forbes (acteur et scénariste passé à la réalisation au début des années 60 avec deux films très différents : le conte noir pour enfants ‘Whistle Down the wind‘ et le kitchen sink drama « The L Shaped Room« ) a été réalisé dans des conditions bien particulières. Forbes était alors le patron d’EMI Films, studio qui a donc financé « The Raging Moon ». Facile, me direz-vous ? Non pas vraiment.
Forbes n’a pas choisi pour l’occasion un sujet facile. Une histoire d’amour entre deux handicapés ? Ce n’est pas franchement le sujet le plus bankable. Ni le plus facile à traiter. Sur ce genre de projet, il faut savoir garder un savant équilibre pour ne pas tomber dans le pathos.
De fait, Forbes a voulu rester le plus terre à terre et réaliste possible, et montrer cette histoire comme s’il s’agissait d’une histoire d’amour normale mais vécue par un couple dans une situation peu ordinaire – sans condescendance pour les deux amoureux.
Dans cette optique de réalisme, il a choisi le directeur de la photographie Tony Imi, qu’il avait remarqué pour son travail sur le téléfilm, très proche du style documentaire, « Cathy Come Home » de Ken Loach. Bonne pioche. A part sur quelques plans un peu trop mélo, l’esthétique du film s’approche plus du kitchen sink drama que du mélo rose bonbon.
Pareil pour le casting des deux amoureux. Malcolm McDowell, tout juste révélé dans « If » (1968) et qui va être confirmé l’année suivante dans « A clockwork orange », apporte son irrévérence au personnage. Dans le rôle Jill, Forbes a recruté sa propre femme, l’actrice Anette Newman, quitte à se prêter aux critiques faciles. Mais force est de reconnaître qu’elle se débrouille comme elle peut avec ce personnage un peu trop lisse, et effacé, et qui ne gagne du relief qu’au contact de Bruce.
L’histoire de ces deux êtres qui préfèrent vivre dans une institution spécialisée, plutôt que de faire face à la sur-protection et l’infantilisation de leur famille et proches, est touchante. Et leur revendications pour avoir une vraie vie de couple, se marier, et avoir une vie sexuelle, pose un problème de société que les gens bien portants préfèrent ignorer, guère différents in fine des religieux qui gèrent l’institution spécialisée où sont recueillis Bruce et Jill.
On peut féliciter Forbes d’avoir tenu jusqu’au bout son idée de raconter cette histoire d’amour de deux êtres humains différents, et de montrer ainsi qu’handicap et vie amoureuse ne sont pas antinomiques. Par contre on peut regretter que le réalisateur/scénariste n’ait su éviter quelques écueils du mélo que ce soit dans la conclusion du film (bien trop facile) ou par certains plans contemplatifs et une musique orchestrale sacrément envahissante.
Malgré ses défauts de fabrication, « The Raging Moon » est une jolie histoire d’amour, élégante et gentiment provocante. Forbes aurait pu sans doute pousser son concept plus loin, mais peut être avait-il peur de faire fuir les spectateurs.
A noter que « The Raging Moon » a été très froidement accueilli par les autres dirigeants de EMI Films, et qu’il a fallu que Forbes organise une projection publique afin d’obtenir un large soutien pour son film, et s’assurer ainsi qu’EMI Films voudra bien le distribuer. Comme quoi être patron de studio et réalisateur en même temps ne facilite pas forcément les choses…
[xrr rating=7/10]
DVD Zone 2 UK Optimum. Version originale sans sous-titres.