Review of: L'emprisonné
Drame:
Peter Glenville et Bridget Boland

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Rating:
4
On 13 mai 2022
Last modified:13 mai 2022

Summary:

Un face à face impressionnant entre Alec Guinness et Jack Hawkins, dirigé par Peter Glenville, dénonçant les dogmes idéologiques et religieux (ce qui lui a valu plusieurs bannissements et accusations de parti-pris) 

Un face à face impressionnant entre Alec Guinness et Jack Hawkins, dirigé par Peter Glenville, dénonçant les dogmes idéologiques et religieux (ce qui lui a valu plusieurs bannissements et accusations de parti-pris) 

The Prisoner (1955)

(L’emprisonné)

Réalisé par Peter Glenville

Ecrit par Bridget Boland d’après sa pièce

Avec Alec Guinness, Jack Hawkins, Raymond Huntley, Ronald Lewis, Jeanette Sterke, Wilfrid Lawson, Kenneth Griffith,..

Direction de la photographie : Reginald H. Wyer / Direction artistique : John Hawkesworth / Montage : Frederick Wilson / Musique : Benjamin Frankel

Produit par Vivian Cox pour London Independent Producers

Drame

95mn

UK

Le cardinal (Alec Guinness) est arrêté par la police d’Etat pour subversion. L’interrogateur (Jack Hawkins) est bien décidé à prendre son temps pour trouver son point faible et le faire craquer psychologiquement. Mais pour ses supérieurs le temps presse. Il faut qu’il signe la confession préparée à l’avance afin de calmer les opposants du régime pour qui le cardinal est devenu un symbole de la résistance.

Jamais le nom du pays où se déroule l’action, ni le régime autoritaire en place ne sont nommés (même si l’histoire est inspirée de l’histoire du cardinal hongrois Josef Mindzhenty (qui avait été déjà portée au cinéma en 1950 dans « Guilty of Treason »). Tout juste sait-on que le pays sort de la seconde guerre mondiale et qu’un autre pouvoir commandé par l’armée s’est mis en place par la suite.

Tous deux des anciens resistants, le cardinal ayant même été arrêté et torturé par la gestapo, les trajectoires du cardinal et de son interrogateur sont allées par la suite dans des directions opposées. L’interrogateur, ancien psychiatre et avocat, a rejoint le nouveau pouvoir en place alors que le cardinal est en opposition frontale avec le nouveau pouvoir qui veut se débarrasser de la religion.

Autre opposition de taille, Si l’interrogateur est d’origine noble, le cardinal est lui fils d’une poissonnière. Aujourd’hui l’interrogateur fait partie du peuple et le Cardinal de l’aristocratie religieuse.

Pour autant, l’interrogateur a, du fait de sa méthode d’interrogation qui l’oblige à épouser au plus près la façon de penser de sa victime, du mal à garder son impartialité. D’autant qu’il se montre rétif aux méthodes expéditives de sa hiérarchie pour mater les tentatives de rebellion.

Mais la froideur du Cardinal le repousse, surtout quand il se rapproche dangereusement de ses secrets. Dans ce duel, lequel va l’emporter ?

« The Prisoner » est tiré d’une pièce de la dramaturge anglaise Bridget Boland (1913-88) qui en signe aussi l’adaptation. Avant guerre, elle avait déjà commencé à travailler pour le cinéma – co-signant par exemple l’adaptation de « Gaslight » (1940). « The Prisoner » avait débuté au Globe Theatre à Londres en 1954 avec Peter Glanville à la mise en scène et Alec Guinness dans le rôle principal.

C’est donc un portage direct de la pièce de théâtre à l’écran avec une partie de l’équipe. L’acteur et mette en scène Alain Glenville trouve ici l’opportunité de passer à la réalisation. Evidemment, à l’époque la presse a critiqué le côté théâtral du film. Ce qui est injuste et facile, comme le mentionne le critique Philip Kemp. En fait, Glenville fait un joli travail de mise en scène cinématographique avec par exemple cette introduction sans dialogue qui dure cinq minutes, des plans séquences et des séquences montées très travaillées.

Si sur les planches, Alec Guinness était reconnu comme un des grands acteurs shakespeariens, à l’écran il était devenu célèbre pour ses participations aux comédies Ealing (la même année, il est également sur les écrans avec « The Ladykillers« ). Le rôle du cardinal est son premier grand rôle dramatique pour l’écran, et il est plus que brillant. Dans ses divers écrits autobiographiques, Alec Guinness, acteur célèbre pour sa réserve légendaire, ne cite qu’une fois rapidement « The Prisoner ». Peut-être bien parce que le personnage était bien trop proche de sa vraie personnalité. En tout cas que ça ait été recherché par la dramaturge, la personnalité du cardinal semble assez proche de la vraie personnalité de Guinness (un homme réservé, qui porte ses rôles comme des carapaces). Plus étonnamment le Cardinal et Guinness partagent une enfance comparable : fils illégitimes qui ont eu une enfance secouée et avaient une relation complexe avec leur mère.

Face à Guinness, Jack Hawkins (The Fallen Idol, The Cruel Sea) relève largement le défi, optant pour un jeu très retenu qui vogue avec une facilité déconcertante entre humanité et froideur stratégique et manipulatrice.

A sa sortie, « The Prisoner » a fait un petit scandale, se retrouvant banni des festivals de Cannes et de Venise pour anti communisme, d’Italie pour anti-catholicisme et d’Irlande pour anti-catholicisme et pro-communisme ! On pourrait ajouter pendant qu’on y est, l’anti-psychiatrie ! « The Prisoner » est surtout une dénonciation du danger des certitudes/croyances/dogmes qu’elles que soient leurs fondements.

Blu-ray UK. Studio Arrow Films (2019). Version originale avec sous-titres optionnels en anglais. Bonus : « Interrogating Guinness », interview de l’universitaire Neil Sinyard + commentaire de 4 scènes par le critique Philip Kemp