Comédie dramatique sociale abordant des sujets sensibles, « The Family Way » est une réussite des frères Boulting.
The Family Way (1966)
(Chaque chose en son temps)
Réalisé par Roy Boulting
Ecrit par Bill Naughton d’après sa pièce
Avec Hywell Bennett, John Mills, Harvey Mills, Marjorie Rhodes, Murray Head,…
Directeur de la photographie : Harry Waxman
Produit par John Boulting pour Jambox
115 mn
UK
Un jeune couple vient de se marier. Mais il n’ont pas les moyens d’avoir leur propre appartement, et doivent même reporter leur lune de miel après s’être fait escroquer par une agence de voyages. Quant à leur vie sexuelle, elle n’a pas encore démarré !
Le scénario de « The Family Way » a d’abord été développé en 1961 par Bill Naughton (auteur notamment d’Alfie) pour la célèbre série de téléfilms de 60 mn de la collection Armchair Theatre d’ITV (à une époque où l’unitaire de 60 mn était la forme d’expression reine à la télévision britannique). Deux ans plus tard, il l’adapte en pièce, et encore trois ans plus tard, il l’adapte en film pour les frères Boulting.
« The Family Way » n’est pas forcément le film auquel on pense en premier quand on aborde la longue carrière des frères Boulting, célèbre duo de frères producteurs/réalisateurs/scénaristes, qui a commencé dans les années 40 et oeuvré pendant trois décennies avec succès dans des genres aussi divers que la comédie satirique ou le thriller.
Ici on est dans une oeuvre proche du Kitchen Sink Drama, ce mouvement artistique anglais qui veut reproduire avec réalisme les conditions de vie des couches défavorisées de la population. Avec en plus un sujet en trame de fonds qui aurait pu faire glisser le film vers le glauque et le graveleux : l’impuissance masculine. Pourtant, le film n’est pas dépourvu d’humour, et surtout il déborde d’humanité grâce à ses personnages attachants, notamment le couple principal de jeunes mariés Jenny et Arthur, interprétés avec sensibilité et charme par Hayley Mills et Hywell Bennett.
Autre couple omniprésent, les parents d’Arthur, Ezra (John Mills) et Lucy (Marjorie Rhodes). John Mills est ici très convaincant en homme simple arc-bouté sur ses vérités, en compétition constante avec son fils et cachant comme il peut ses propres failles. De même pour Marjorie Rhodes en femme et mère courage qui essaye de décrypter les silences de son fils.
Roy Boulting était déjà à l’époque un réalisateur confirmé qui avait une vingtaine d’années d’expérience et plusieurs grands films derrière lui, et ne faisait donc pas du tout partie du mouvement de ces cinéastes inspirés par les « angry young men » et la nouvelle vague anglaise (Tony Richardson, Lindsay Anderson, John Schlesinger…). Le fait que le film soit en couleur, et non en noir et blanc, et avec un casting d’acteurs confirmés, le place d’ailleurs en décalage avec nombre des films rattachés à ce mouvement qui a eu son heure de gloire de la fin des années 50 au début des années 60.
Le film ne traite pas de sujets faciles (l’impuissance, les rumeurs, l’intimité dans le couple, le passage à l’âge adulte,…), et c’est tout à l’honneur de Bill Naughton et de Roy Boulting d’avoir su faire de « The family way » un film aussi sensible et humain, jamais glauque et à la dramaturgie plus complexe qu’il n’y parait de premier abord (notamment sur la personnalité d’Ezra).
Le film est également notable pour être le premier film du chanteur acteur Murray Head (qui joue ici le frère d’Arthur), la première bande originale de Paul McCartney (qui faisait encore partie des Beatles à l’époque et dont la présence du nom au générique a parait-il aidé au financement du film) et le premier rôle adulte d’Harvey Mills (la fille de John et jusqu’alors actrice sous contrat avec Disney) qui devait épouser quelques années plus tard Roy Boulting de 33 ans son ainé.
A noter enfin que la pièce à la base du film a fait l’objet d’une nouvelle adaptation cinématographique (intitulée « All in good time » en 2012), ré-écrite par Ayub Khan-Din, le scénariste d’East is East (Fish & Chips), et réalisée par Nigel Cole (Made in Dagenham).
EDIT (2020) : Le film est désormais disponible en France chez Tamasa en DVD
DVD FR. Studio Tamasa (2020). Version originale avec sous-titres français. Bonus : Livret 16 pages : « Le regard de Charlotte Garson »
Vraiment un très beau film et superbe premier rôle adulte de Hayley Mills. Comme vous le dites les sujets difficiles et potentiellement scabreux sont vraiment abordés avec finesse grâce aux acteurs vraiment touchants dans leur failles. Il semble que les failles et la remise en cause de la figure masculine soit un thème majeur pour Bill Naughton en celui-là, Alfie qu’il a écrit également et aussi « Spring and Port Wine » avec James Mason en papa pêcheur tyrannique…
Je n’ai pas vu « Spring and port wine » mais j’avais déjà été très étonné par le ton d’Alfie. Je m’attendais à une comédie légère, alors que c’est un film assez dur sur l’identité masculine (la scène de l’avortement est difficilement soutenable).