Une charmante comédie, un brin amère, avec un très beau duo, Charles Laughton et Vivien Leigh en artistes des rues londoniennes. A redécouvrir !
St. Martin’s Lane (1938)
(Vedettes du pavé)
Réalisé par Tim Whelan
Ecrit par Clemence Dane
Avec Charles Laughton, Vivien Leigh, Rex Harrison,…
Direction de la photographie : Jules Kruger / Production design : Thomas N. Morahan / Direction artistique : Thomas N. Morahan / Montage : Robert Hamer et Hugh Stewart / Musique : Arthur Johnston
Produit par Erich Pommer pour Mayflower Pictures Corporation
Comédie
85mn
UK
Charles (Charles Laughton) est un artiste de rue qui déclame des classiques devant les files d’attente des cinémas et des théâtres. Les temps sont durs et quand une gamine Liberty (Vivien Leigh) lui vole la seule pièce qu’il a gagné ce soir là, il la poursuit. Mais celle-ci est déjà en train de prendre un café et un sandwich. Sûre d’elle, Liberty n’hésite pas à aborder un homme bien habillé, compositeur de chansons (Rex Harrison), et à lui voler son étui à cigarettes devant Charles, scandalisé, mais qui n’ose pas se donner en spectacle. Charles suit néanmoins la voleuse et la prend en train de danser dans une maison vide. Et s’il la recrutait pour faire un numéro avec elle ?
« St. Martin’s Lane » (rebaptisé « The Sidewalks of London » aux US) est une histoire assez classique à la Pygmalion mais qui débute dans le milieu original des artistes de rue qui animent les files d’attente des cinémas et théâtres autour de Picadilly. Charles est l’un d’entre eux. Quant à Liberty, une jeune fille de la rue qui survit en revendant des autographes et en volant. Charles fait ainsi un bon geste en recueillant cette jeune fille un brin hystérique, en lui donnant un toit, et en lui apprenant un métier. Mais Liberty est jeune et belle, et sa rencontre fortuite avec un compositeur de chansons va l’amener à quitter le pavé pour les planches… au grand désespoir de Charles.
Outre trois grands comédiens qui s’en donnent à coeur joie et une histoire simple mais efficace, le film bénéficie d’une belle réalisation et photographie qui vous plongent dans les quartiers de sortie du Londres des années 30. Bref une jolie réussite chapeautée par le producteur allemand Erich Pommer, célèbre entre autres pour sa collaboration avec Fritz Lang (« Metropolis »,…).
Depuis son triomphe dans « The Private Life of Henry VIII » (1933), Charles Laughton est devenu une véritable star et enchaine les têtes d’affiche des deux côtés de l’Atlantique. Au milieu des années 30, il rencontre le producteur allemand Erich Pommer qui après avoir fui la montée des nazis s’est réfugié en France avant de rejoindre l’Angleterre. Les deux hommes travaillent avec Alexander Korda et ils fondent ensemble une compagnie de production ensemble Mayflower Films qui sortira trois longs métrages : la seule réalisation de Pommer « The Beachcomber » (1938), « St. Martin’s Lane » (1938) et « Jamaica Inn » (1939) réalisé par Hitchcock.
Erich Pommer recrute pour « St. Martin’s Lane », des gens avec qui ils ont déjà travaillé, probablement aussi pour rassurer Laughton, angoissé notoire. Pommer reprend les services du dramaturge, écrivain et scénariste anglais Clemence Dane et du réalisateur américain Tim Wheeler. Les trois avaient déjà travaillé ensemble sur « Farewell Again » (1937) l’année précédente.
Pour interpréter le rôle féminin principal, ils font appel à la toute jeune Vivian Leigh, start montante du cinéma britannique et alors sous contrat avec Alexander Korda. Découverte dans « Fire Over England » (1937), Vivien Leigh est ici au sommet de son charme dans le rôle de cette jeune fille de l’assistance publique devenue une star de la scène et prête à faire ses débuts à Hollywood. Ironiquement, le prochain film qu’elle tournera est un certain « Gone With The Wind » (1939) !
Troisième star du film (mais qui n’en était pas encore une au cinéma) l’anglais Rex Harrison joue ici le découvreur de talent et l’amant qui finit par avoir peur de se retrouver comme Charles abandonné par Liberty au profit de sa carrière. Comme Vivian Leigh, il deviendra une star en partant aux USA (dans son cas à la fin de la guerre).
« St. Martin’s Lane » est l’un de ces films injustement tombé dans les failles béantes de l’histoire officielle du cinéma. Il existe un vieux DVD américain, et même une copie restaurée sur blu-ray dans le cadre du coffret blu-ray américain « The Vivien Leigh Anniversary Collection » (2016). Malheureusement ce dernier (qui regroupe trois autres films anglais de Leigh « Fire Over England », « Dark Journey » et « Storm in a Teacup ») est à la limite de l’introuvable ! Bref, on attend toujours de notre côté de l’Atlantique un beau blu-ray qui mette enfin ce film en valeur (d’autant que le film a été restauré avec la collaboration du BFI !).